Nabil Ayouch: "Je veux insister sur le fait que notre société est basée sur la diversité et le vivre-ensemble"

Encore une fois, les jeunes sont au coeur de vos films. Quel constat dressez-vous de la jeunesse marocaine actuelle?
C’est une jeunesse qui a plein de revendications et de rêves. A mon niveau, j’estime qu’il y a beaucoup d’attentes en termes de politique culturelle et de proximité en faveur de cette jeunesse, qui a beaucoup de messages très forts à faire passer. Et si les responsables arrivent à entendre et à capter ces messages, et y répondre positivement, il sera possible de transformer le bronze en or.

Votre film est justement un hymne à cette jeunesse…
C’est ma façon de dire: attention ces jeunes sont là, ils vous observent, ils vous parlent, alors écoutez-les, donnez-leur cette attention, donnez-leur des espaces et des lieux où ils peuvent s’exprimer en toute liberté. Comme, par exemple, le travail que nous faisons à la Fondation Ali Zaoua, qui a permis de construire cinq centres culturels, dont Les étoiles de Sidi Moumen, à Casablanca, où nous avons tourné Haut et Fort.

Il faut un travail conjoint des associations et des autorités publiques pour construire un avenir pour cette jeunesse et pour que cette dernière soit convaincue de quelque chose que je lui répète tous les jours: leur avenir n’est pas ailleurs, il est ici. Ce sont eux qui doivent le construire avec leurs rêves, leurs talents, et surtout leur envie et leur volonté de faire changer les choses. Le changement arrivera par eux.

Comment la vie de l’équipe du film a changé depuis?
Pour moi, il ne s’agit pas de faire un film et on s’arrête là. Ces jeunes sont toujours dans nos centres, continuent de fréquenter le centre culturel les étoiles de Sidi Moumen, et ils poursuivent leur travail avec la fondation Ali Zaoua sur la Positive School. On a même ouvert avec Anas un label de hip-hop qui s’appelle New Disctrict, qui est une voie pour ceux qui veulent continuer dans le hip-hop et vivre de leur art. C’est un peu comme mon film Ali Zaoua, qui a donné naissance à la fondation éponyme. Quelque part, les arts en général, et le cinéma en particulier, sont un facteur de changement positif.

À l’instar de nombreux de vos films précédents, la religion est très présente dans Haut et Fort. Pourquoi ce choix récurrent?
Quelque part, c’est une chose qui obsède cette jeunesse que j’ai rencontrée et qui l’entraîne parfois dans une forme de schizophrénie. On le voit bien d’ailleurs dans le film. Ils ne savent pas s’ils doivent rester fidèles à la tradition et à la religion car il y a des gens qui leur disent: attention, si tu es religieux tu ne peux pas pratiquer le rap ou le hip-hop.

Au contraire, le message du film, c’est de dire: ne faites pas attention à ces discours radicaux, vous pouvez être voilée par exemple et chanter du rap. Je reflète ça par exemple dans la scène du slam de Abdou, quand il est dans une pièce entouré de ses proches intégristes. Je veux insister sur le fait que notre société est basée sur la diversité et le vivre-ensemble. Et le cinéma permet de défendre et de promouvoir ces valeurs

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