Déficit de presque 100.000 professionnels de la santé

Le Maroc très loin des standards de l’OMS

Formation insuffisante de médecins dans les facultés, déficit de personnel médical qualifié, faible rémunération, disparités régionales flagrantes… Autant de maux qui doivent être soignés pour pour s’aligner sur les standards de l’OMS et faciliter la généralisation de la protection sociale au Maroc.

Ouvrir le secteur de la santé aux médecins étrangers et aux investisseurs internationaux. Tel est le souhait du Maroc pour réussir le pari de la généralisation de la couverture médicale à 22 millions de marocains d’ici 2022. Face au manque criant de personnel médical dans les structures sanitaires, le gouvernement a jugé donc nécessaire de faire appel à ces compétences étrangères pour relever ce défi gigantesque.

Ne serait-il pas plus opportun de soigner les maux dont souffre le système sanitaire avant de solliciter l’expertise étrangère? A commencer par la formation du capital humain, là où le bât blesse. Les facultés de médecine et de pharmacie du Royaume ont formé seulement 2.282 médecins en 2018, contre 1.715 en 2007, soit une hausse de 25%. Une augmentation qui cache le gap de 1.018 médecins supplémentaires à former chaque année pour atteindre l’objectif de 3.300 médecins longtemps évoqué par les gouvernements successifs.

Environ 800 de ces lauréats fraîchement diplômés préfèrent monnayer leurs talents sur le territoire français, qui leur offre de meilleurs salaires, très loin des 8.400 dirhams de rémunération au Maroc, et un bon cadre de travail. Une perte pour l’Etat marocain et une aubaine pour la France, où le coût de formation d’un médecin est de 3,5 millions de dirhams.

Zones éloignées
Naturellement, ce déficit de praticiens se répercute sur le nombre de médecins en activité, au grand dam des populations. On dénombre actuellement environ 28.000 médecins pour 36 millions de Marocains, soit 7 médecins pour 10.000 habitants, loin du minimum de 15 médecins pour 10.000 habitants recommandé par l’Organisation mondiale de la Santé. D’où un déficit de 97.566 professionnels de la santé, dont 32.522 médecins et 65.044 infirmiers, selon le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb.

Et paradoxalement, 53% des médecins, dont la majeure partie sont formés dans le public, exercent dans le privé. Une situation inédite qui mérite une profonde réflexion. A cela s’ajoute le vieillissement du corps médical. 36% des médecins qui exercent dans le public ont plus de 51 ans, d’après le ministère de la Santé.

Les disparités régionales sont également flagrantes si on jette un regard sur la répartition de cette population médicale sur l’ensemble du territoire national. Les régions de Casablanca- Settat et Rabat-Salé-Kénitra concentrent, à elles seules, plus de 56% de l’effectif des médecins privés et 39% de l’effectif des médecins publics. Plusieurs jeunes diplômés en médecine rechignent à exercer dans les régions reculées du Royaume à cause des conditions de travail dans ces «déserts médicaux». Certains exigent même une augmentation de salaire pour déposer leurs valises dans ses zones éloignées.

Confronté à pareille situation, le Conseil provincial de Tata, par exemple, a signé, en 2017, un partenariat avec l’Ordre national des médecins du Sénégal (ONMS) pour recruter 20 médecins sénégalais spécialistes en gynécologie et en chirurgie pour renforcer ses effectifs, après un appel à candidatures publié le 23 novembre de la même année. Un renfort significatif puisque la localité ne compatit que de 8 médecins marocains pour 120.000 habitants à l’époque.

Les médecins sénégalais, contrairement aux autres nationalités, peuvent exercer dans le public au Maroc, en vertu d’une convention d’établissement signée en 1964 entre le Royaume et le Sénégal qui stipule que leurs ressortissants peuvent librement accéder aux emplois publics dans les deux pays. Un cas d’école qui pourrait inspirer d’autres régions confrontées à la même équation.

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