Mohammed Benhammou : "Pointer le Maroc est un dérapage intellectuel de la part de Macron"

Entretien avec Mohammed Benhammou, universitaire et politologue

Le président français, Emmanuel Macron, a traité un problème majeur, celui de la radicalisation, mais il n’a pas apporté les bonnes réponses, selon Mohammed Benhammou, universitaire et politologue. Pour ce dernier, plusieurs affirmations du président sont fausses.

Comment interprétez-vous le discours d’Emmanuel Macron, prononcé le 2 octobre 2020, sur le thème de la lutte contre les “séparatismes”, où il cite le Maroc à plusieurs reprises, notamment sur la question de l’influence étrangère et du financement de l’islam en France?
Le président français a soulevé un véritable problème qui est celui de la radicalisation et l’extrémisme religieux, mais il a avancé de mauvaises réponses. Pointer du doigt le Maroc a été un grave raccourci et une mauvaise réponse de sa part.

Le Maroc, de par ses multiples démarches et politiques, contribue largement dans la lutte contre la radicalisation, notamment dans les lieux de cultes. Le président français est tombé dans le piège de l’amalgame lorsqu’il a lié la radicalisation à l’encadrement du culte.

Macron a annoncé la fin de la formation et de l’envoi d’imams et psalmodieurs par le Maroc, car, selon lui, ce système nourrit des dysfonctionnements, ne permet pas la structuration de l’islam en France et étend l’influence du Maroc…
Il s’agit d’un dérapage intellectuel. Je n’ai pas envie de m’immiscer dans leur cuisine interne, mais il faut savoir que c’est la France qui fait appel au Maroc pour former des imams, car le Maroc est réputé pour son islam modéré. La dernière demande date de trois ans. C’est contradictoire. Plusieurs pays étrangers, dont la France, saluent les efforts du Maroc sur ce registre et veulent bénéficier de l’expérience marocaine, notamment quand il s’agit de lutter contre le terrorisme. Nous disposons d’une véritable école de renseignements qui a pu s’adapter et apporte de réelles réponses dans la lutte contre le terrorisme. Nous partageons cette expérience avec beaucoup de pays, dont la France.

Alors pourquoi citer le Maroc ainsi? Est-ce une erreur diplomatique? S’agit-il de raisons électoralistes et politiques? Ceci sans mettre le doigt sur l’aggravation de l’islamophobie en France.
Ce n’est pas nouveau. L’islamophobie représente un fond de commerce pour plusieurs courants politiques en France car ça paie dans les élections. Il y avait le péril rouge, maintenant on parle d’immigration et de péril vert.

Aujourd’hui, le temps est à l’action et à la confiance, au lieu de chercher des discordes et tirer des balles sur les coéquipiers. Le terrorisme est un problème majeur au niveau mondial, il ne faut pas se tromper d’adversaire. Traiter le Maroc de la sorte n’est pas constructif, car c’est faux et ça ne représente pas la réalité. Pour finir, je dirais que d’autres pays n’ont pas été cités dans le discours qui sont pourtant connus pour leur financement occulte du terrorisme.

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