Green Invest
Questions à Abderrahmane Mekkaoui, spécialiste des questions militaires et stratégiques

Abderrahmane Mekkaoui : "La question kabyle bénéficie d’un véritable soutien occidental"


Quelle lecture faites-vous de l’annonce, ce 20 avril 2024, de la renaissance de l’Etat kabyle?
L’idée de la renaissance de la Kabylie, de son identité et de ses structures propres est ancienne. Elle a connu son apogée du temps du colonialisme français à partir de 1830, et surtout durant la guerre de libération dont plusieurs colonels et autres hauts gradés de l’armée de libération algérienne sont d’origine kabyle. Mais le groupe d’Oujda, mené par Houari Boumédiene, qui a fait main basse sur l’Etat algérien naissant en 1962 a étouffé la revendication kabyle.

L’histoire algérienne retient que parmi les premiers actes du président Boumedienne a été le massacre de 2.000 kabyles qui ont été égorgés. N’oublions pas que Ferhat Mehenni, président du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), est un fils de martyr et il est issu d’une famille de militants pour la cause kabyle. Homme politique, artiste de grande culture, il est très respecté dans toute la Kabylie, y compris la petite Kabylie qui englobe Bouira, Boumerdès et les confins d’Alger.

Il paraît que dans cette affaire kabyle, les redoutables services secrets algériens (DRS ou ex-SM) sont dépassés...
C’est historique, depuis l’indépendance de l’Algérie, entre les Kabyles et les services secrets algériens, Sécurité militaire du temps de Abdelhafid Boussouf, en passant par Kasdi Merbah ou Toufik Médiène, c’est une guerre de renseignement qui n’a jamais connu de répit. Juste pour avoir une idée, tous les patrons des services algériens, pratiquement sans exception, sont d’origine kabyle, jusqu’à aujourd’hui avec Nacer El Jen et Abdelkader Haddad.


Face à eux, les Kabyles indépendantistes, le MAK notamment, ont développé leur service de renseignement qui est considéré comme la priorité absolue. Ce travail a permis aux Kabyles de déjouer les plans d’Alger et de mener leur lutte sans jamais faiblir malgré la répression féroce dont ils sont la cible. Il faut bien le dire, entre les Kabyles indépendantistes, majoritaires soit dit en passant et le régime algérien, le principe qui a toujours prévalu est celui de la négation de l’autre. La haine est installée dans les deux camps, malgré le discours édulcoré des dirigeants kabyles, Mehenni en tête. L’affrontement entre les deux parties est la règle, sur tous les fronts et dans tous les domaines, y compris le sport.

Pensez-vous que le gouvernement indépendant kabyle bénéficie d’un soutien clair de la part des puissances occidentales ?
Il ne faut pas se voiler la face: chaque week-end, il y a des manifestations kabyles dans les villes françaises, y compris Paris. Si ce n’est pas un soutien, même déguisé, c’est quoi alors? Les dirigeants du MAK sont installés en France et se déplacent librement. Ce n’est pas un soutien franc? La question que je me pose est de savoir si la France est pour un Etat kabyle indépendant ou se sert du MAK comme moyen de pression sur le régime algérien.

En Allemagne, en Royaume-Uni, en Italie ou en Espagne, la présence et l’action des mouvements kabyles sont visibles. Au Canada n’en parlons pas. Quant aux USA, le seul fait que l’annonce de la création de l’Etat kabyle ait eu lieu à New York, même si c’est devant le siège de l’ONU, est un signe de soutien sans faille de la part de l’administration américaine. C’est vous dire que la question kabyle bénéficie d’un véritable soutien occidental quelle qu’en soient ses motivations.

Articles similaires