Interview de Mohamed Benchellal, styliste néerlando-marocain

Mohamed Benchellal : "Je suis très inspiré par mes origines"

Récipiendaire du prestigieux prix de la 12ème édition de “Fashion Stinped” organisée aux Pays-Bas, Mohamed Benchellal, fashion designer maroco-néerlandais, nous en dit plus sur sa consécration, l’influence de ses origines marocaines sur son travail, sa passion pour la mode.


Vous venez de remporter le prix d’encouragement, qui est une prestigieuse récompense, au concours de mode organisé par le Fonds culturel Fashion Stipend. Que représente pour vous cette distinction ?
Je suis comblé de joie de voir mon travail reconnu à l’échelle internationale. Recevoir ce prix de mode néerlandais est une véritable consécration pour moi. Ce qui rend cette nouvelle distinction si singulière, c’est qu’elle vient du pays où je suis né et j’ai grandi. Ce détails-là distingue cette victoire des autres. J’avoue qu’elle me touche au plus profond de mon coeur. Car c’est la première qui me permet de célébrer ce succès chez moi, avec mes amis et ma famille.

Quelles sont les choses qui vous inspirent le plus et quel est votre rituel pour créer et innover vos objets de mode ?
C’est un peu magique, mon travail. Au début, je ne sais jamais vraiment ce que je vais créer. Je ne fais jamais de croquis, donc pour moi, tout commence avec le matériau. Et c’est la quantité de matière qui dicte le résultat du design. Au terme de la conception, je suis souvent surpris par le résultat. En fait, c’est ce qui me plaît ! Je n’aime pas me limiter à des idées préconçues. Je préfère créer, découvrir, me tromper, et finalement trouver des solutions incroyables. Dans ma démarche, il n’y a pas vraiment de concept précis ou d’inspiration particulière. C’est moi l’inspiration ; mes yeux, tout ce que je vois, tout ce que je vis, les gens que je rencontre, les endroits que je visite, etc. Et puis, faut-il le dire, la réserve de mon cerveau qui enregistre tout cela mène à la création.

Pouvez-vous me dire dans quelle mesure votre marocanité exerce une influence sur vos créations ?
On bosse dur chez nous aussi, au Maroc. Tout ce que nous faisons est plus grand que nature. Un mariage, c’est une semaine de fête, un dîner typiquement marocain, c’est un repas gargantuesque. On vit tout à fond, et cela se reflète dans mon travail. Si j’ai envie d’une robe avec longue traîne de 20 mètres, je la crée. Mes origines, c’est mon soleil créatif. Donc, de cette façon, je suis très inspiré par d’où je viens. Cela me rappelle sans cesse que tout est possible.

Qu’est-ce qui vous a fait aimer la mode ?
Concevoir, c’est comme respirer pour moi. C’est un besoin vital, une vocation que j’ai ressentie dès mon plus jeune âge. Quand, enfant, tu découvres que tu as un talent, que tes mains peuvent créer des merveilles, tu n’as qu’une envie : en faire ton métier. Aujourd’hui, ce n’est pas un travail, c’est une partie de moi-même. Je vois cela comme quelque chose d’essentiel. À l’époque, je ne savais pas par où commencer, je n’avais pas de feuille de route. J’ai grandi organiquement, j’ai créé quelque chose d’unique, et c’est pour cela que je n’ai jamais pu m’arrêter. Tu finis toujours par trouver ce que tu aimes vraiment, ce qui te correspond, et tu fonces. Le design, c’est un dialogue que j’entretiens avec moi-même en créant ces robes, ces tenues, ces sculptures. C’est quelque chose de très personnel, et je n’ai jamais vraiment pensé à en vivre, ni à monter une entreprise. Quand tu es créatif, tu deviens débrouillard et inventif pour trouver des solutions. J’appartiens à la génération qui a grandi devant Fashion TV. C’était glamour, lointain, fascinant. Ces mannequins défilant sur le podium, l’aspect théâtral... J’ai toujours voulu faire pareil, créer mon propre monde de rêve. La mode m’a permis de le faire, de m’évader du réel.

Vous avez créé des vêtements pour des personnalités de marque internationales dont notamment la reine Maxima. Ce n’est pas n’importe qui peut signer des vêtements pour une telle personnalité, quel est le secret derrière vos collaborations prestigieuses ?
Je ne crois pas qu’une robe soit vraiment terminée. Je peux passer vingt heures à décider où placer un seul bouton… j’adore ce dialogue avec moi-même. J’aime redéfinir sans cesse, resculpter, et tirer des idées de mes créations précédentes pour les réintroduire. Est-ce que je la présente comme terminée ? Oui ! Je peux prendre un peu de distance et la partager avec le monde, mais pour moi, c’est une histoire en constante évolution. Si je compare ma dernière robe à la première, on sentira qu’il y a dans mon affaire une histoire continue. Mon chapitre créatif ne prend jamais fin, c’est pourquoi je ne crois pas aux collections. D’ailleurs, je n’ai pas de collection automne/hiver ou printemps/été parce que je pense que l’ensemble de mon travail est une seule et même collection.

Quels sont vos projets à venir ?
On me demande souvent : « Quel est ton rêve et sur quoi vas-tu travailler ? Quels sont vos objectifs ? ». Si je peux me réveiller tous les jours et concevoir ce que je veux, c’est déjà vivre un rêve absolu. Donc, je n’ai pas vraiment d’objectif très précis à atteindre. Je ne voudrais certainement pas lui porter malheur, mais je pense que c’est un voyage très beau et plein de surprises. J’estime que c’est aussi surprenant et motivant de savoir ce qu’il y a de l’autre côté ou ce qui va se passer ensuite.

BIO EXPRESS
Marocain jusqu’au bout des ongles

Né le 10 août 1984 aux Pays-Bas de parents marocains, Mohamed Benchellal est un créateur de mode inspiré de ses origines marocaines. Son inclinaison pour le monde du fashion n’a cessé de s’accentuer au fil des ans. Il commence progressivement à designer ses propres vêtements à un âge très précoce, profitant de la disponibilité des machines à coudre et des bouts de tissu dans la maison familiale. L’addiction à la couture a fini par avoir raison de lui. Mohamed Benchellal décide dès l’âge de dix-huit ans de se former aux métiers de la mode à Amsterdam. En 2015, il crée sa marque de mode: Benchellal. A partir de ce pas audacieux, Mohamed Benchellal pose la première pierre d’une carrière prometteuse et multiplie les collaborations. En 2020, il décroche le prestigieux titre de Vogue Fashion Prize. Une distinction qui l’a propulsé à l’échelle internationale. Depuis, Mohamed Benchellal participe aux concours internationaux de mode dans le cadre desquels il se voit constamment remettre des récompenses honorables. Le dernier en date fut le Prix Fashion Stipend en novembre 2023. En dépit de son éloignement de son pays d’origine, Mohamed Benchellal essaye de faire référence à son héritage marocain dans ses collections.

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