Le Maroc ne figure plus sur la liste grise des paradis fiscaux de l'UE: Un acquis à consolider

Le retrait du Maroc de la liste grise des paradis fiscaux ouvre de nouvelles perspectives pour l’économie marocaine. Mais cela ne veut pas dire que l’on est sortis de l’auberge. Car l’UE révise sa liste régulièrement et va donc passer à la loupe l’application sur le terrain des réformes engagées.

Enfin, la bonne nouvelle est tombée lundi 22 février 2021! L’Union européenne (UE) a mis à jour sa liste de paradis fiscaux et a décidé de retirer le Maroc de la liste grise des paradis fiscaux, à l’instar de la Namibie et de Sainte-Lucie, pays insulaire des Antilles, à l’Est de la mer des Caraïbes.

La décision a été entérinée par les ministres de l’Economie et des Finances de l’UE. Depuis 2019 déjà, le Maroc espérait sortir définitivement de cette fameuse «liste», après avoir mis en conformité sa législation fiscale avec les exigences de Bruxelles. Une réhabilitation actée du fait que le pays «a honoré tous ses engagements». Des engagements, souligne l’institution européenne dans un communiqué, traduits dans les faits par la mise en oeuvre des réformes nécessaires en adéquation avec un ensemble de critères objectifs de bonne gouvernance fiscale: transparence fiscale, fiscalité équitable et mise en oeuvre de normes internationales destinées à prévenir l’érosion de l’assiette fiscale et le transfert de bénéfices. Le Maroc faisait partie d’une liste qui est nommée aussi «liste de surveillance», regroupant des pays dont les engagements en termes de conformité fiscale sont jugés suffisants par l’Union européenne, mais leur mise en oeuvre fait actuellement l’objet d’un suivi attentif.

Somme toute, le Maroc a tenu ses promesses. Ses efforts ont fini par porter leurs fruits. Les réformes ont été engagées dès 2019. Dans la Loi de finances 2019, le gouvernement a sacrifié les dispositifs incitatifs des banques offshore et des holdings financiers, entre autres. Il restait dans son viseur deux régimes fiscaux préférentiels, à savoir ceux des zones franches d’exportation et des entreprises exportatrices, auxquels il s’est attaqué dans la Loi de finances 2020.

Zones franches
Tout n’a pas été enlevé. L’exonération de l’IS a été maintenue pendant les cinq premières années en faveur des entreprises installées dans les zones franches d’exportation. Ce qui a changé, c’est le taux de cet impôt sur les sociétés, qui est passé de 8,75% à 15%, que la production soit destinée au marché local ou à l’international. Le Maroc ne s’est pas arrêté à ce bon stade. Il fallait revoir le régime fiscal de Casablanca Finance City (CFC), que Bruxelles juge «dommageable». La première place financière africaine continue à drainer des investissements vers le continent. Les grands groupes et les multinationales s’y installent et développent des partenariats avec des entreprises marocaines pour former des joint-ventures afin de prendre pied sur le marché africain.

En septembre 2020, le Maroc a adopté, en Conseil de gouvernement, un décret-loi portant modification du régime fiscal des entreprises ayant le statut CFC, publié au Bulletin officiel le 1er octobre. Les modifications ont convaincu l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui, un mois plus tard, a enlevé tout équivoque concernant le régime fiscal de cette cité financière et a déclaré qu’il n’est plus dommageable. Un peu plus de deux mois après, l’UE a emboîté le pas à l’OCDE.

Mais attention! Le retrait de la liste grise ne veut pas dire que l’on n’est sortis de l’auberge. Car l’institution européenne révise sa liste régulièrement. Pour cela, elle va passer sous la loupe l’application sur le terrain des réformes engagées. En même temps, le Royaume ne doit pas céder facilement. Car d’autres pays sont toujours classés dans la liste grise, tels la Turquie ou le Luxembourg, entre autres pays européens. Il devra faire pression sur l’Union européenne pour savoir ce que cette institution réserve à ces paradis fiscaux qui continueraient à attirer des investisseurs de tous bords si rien n’est fait. Si le Maroc y a été contraint, c’est parce que le Vieux Continent représente au minimum 65% des échanges commerciaux globaux du Royaume et des investissements directs étrangers.

Ne pas se conformer au cadre réglementaire fiscal européen, c’est se voir privé d’investissements importants. Aussi, les exportateurs marocains en pâtissaient. Ils se voyaient appliquer des droits de douane élevés car ils étaient, aux yeux des autorités européennes, comme des bénéficiaires d’un dumping fiscal. Ce nouveau classement aura le mérite d’aider les entreprises marocaines à nouer des relations de partenariat avec des entreprises européennes sans avoir à supporter un régime fiscal différencié et surtout pénalisant.

Ce qui reste à faire, désormais, c’est que la diplomatie économique réagisse en faisant valoir et en promouvant les avantages que propose le Royaume auprès des investisseurs européens, du Moyen-Orient et américains. La période post-Covid approche, dans un six mois ou dans un an, et il est dans l’intérêt du Maroc d’achalander des capitaux étrangers pour investir dans ses nouveaux projets d’investissement. C’est ce qui assurera une relance effective de l’économie nationale.

Maillon incontournable
Sur un plan interne, le gouvernement devra réactiver des réformes capitales qui font fuir les investisseurs étrangers mais également locaux. Il s’agit, en l’occurrence, de la réglementation sur la propriété, de la justice des affaires, du transfert des dividendes et de l’épineux dossier des retards des délais de paiement. Après tout, ne plus figurer sur la liste grise des paradis fiscaux ne veut aucunement dire que le Maroc arrêtera sa coopération en matière de gouvernance fiscale avec l’UE.

Il est toujours et il restera sous surveillance. Mais ce nouveau positionnement est une chance à saisir pour intégrer les chaînes de valeur internationales et tout mettre en oeuvre pour devenir un maillon incontournable du commerce international et aspirer dans un avenir pas lointain à rattraper les pays émergents.

A défaut d’un groupement économique maghrébin, la crise sanitaire et celle économique qu’elle a engendrée ont montré que certains pays du sud sont restés isolés et sont implacablement dépendants de la bonne volonté des pays du nord à bien des égards. C’est dire toute la chance et les défis que miroite ce classement établi par le principal et premier partenaire commercial et économique du Royaume.
 

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