En 2023, le Maroc et la Chine célèbrent un partenariat qui dure depuis 65 ans. Un anniversaire qui donne l’occasion de revenir sur un chemin parcouru ensemble riche en collaborations multiformes et de projeter les perspectives d’un futur encore plus collaboratif.
En 1958, le Maroc se distingue comme le deuxième pays africain à reconnaître la République populaire de Chine. Depuis lors, les relations diplomatiques sino-marocaines se sont articulées autour de principes chers aux deux nations, à savoir «le respect de la souveraineté, la non-ingérence et le multilatéralisme», expose l’ambassadeur Li Changlin lors d’une gracieuse fête organisée le 19 septembre 2023 à Rabat, à l’occasion du 74e anniversaire de la fondation de la république populaire de Chine et du 65e anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et le Maroc.
SI cette célébration intervient dans un contexte tragique, celui du séisme dévastateur qui a ébranlé le Maroc, il est à souligner que le président chinois Xi Jinping, a adressé, le 9 septembre 2023, un message solennel de condoléances au roi Mohammed VI. Il a, au nom du peuple chinois, manifesté une profonde tristesse pour les sinistrés.
Aide humanitaire
Face à cette tragédie, la solidarité s’est mise en marche; Xu Wei, émissaire de l’Agence nationale pour la coopération internationale au développement (NAIIDC), a mis en avant l’engagement de la Chine à déployer une aide humanitaire urgente. Ainsi, la Croix-Rouge chinoise a envoyé un don de 200.000 dollars en faveur de la Société du Croissant-Rouge marocain, dédiée aux opérations de sauvetage. Dans cette même lancée altruiste, Dr Tang QI, néphrologue à l’Hôpital Hassan-II d’Agadir, a œuvré sans relâche, depuis le 12 septembre 2023, pour venir en aide aux patients nécessitant une hémodialyse urgente. Et, en guise de chaleur fraternelle, la chambre de commerce chinoise au Maroc a, le 15 septembre 2023, généreusement offert plus de 1.000 couvertures épaisses, des denrées alimentaires,... réconfortant ainsi les cœurs meurtris par cette catastrophe naturelle. De l’autre côté, il est à rappeler que suite au tragique séisme survenu en mai 2008 à Wenchuan, en Chine, Mohammed VI avait témoigné de sa compassion en versant généreusement un don d’un million de dollars en soutien aux régions sinistrées. Puis, au-delà de la solidarité exprimée lors de crises humanitaires, le Maroc et la Chine ont également consolidé un robuste partenariat économique, illustrant leur engagement mutuel vers un développement commun.
En effet, l’interaction économique Maroc-Chine a connu une ascension remarquable au fil des vingt dernières années. Entre 2016 et 2021, la valeur des transactions bilatérales a progressé, passant de 4 à 6 milliards de dollars, positionnant la Chine parmi les principaux partenaires commerciaux du Maroc. En outre, en 2022, les ventes marocaines vers la Chine ont augmenté de 9,41% en comparaison à l’année antérieure, culminant à 910 millions de dollars, comme le rapporte l’Association de Coopération Afrique-Chine pour le Développement (ACCAD).
En matière d’investissements, le géant asiatique a déployé plusieurs initiatives stratégiques sur le territoire marocain, y compris l’émergence de la ville industrielle Mohammed-VI Tanger Tech, qui aspire à propulser Tanger en tant que centre économique d’importance. Actuellement, un ensemble conséquent de plus de 80 projets bénéficiant d’un financement chinois est en phase de réalisation au Maroc. La ratification, en 2022, d’un accord s’inscrivant dans le vaste plan chinois des «Nouvelles Routes de la soie», atteste de cette collaboration grandissante. Inauguré en 2013, et avec l’adhésion du Maroc en 2017 comme pionnier du Maghreb, ce plan a pour dessein d’amplifier les liaisons commerciales à l’échelle mondiale par la mise en œuvre d’infrastructures essentielles. Conformément à cette entente, Pékin facilite l’investissement des sociétés chinoises au Maroc et promeut une synergie tripartite avec d’autres acteurs africains, axée notamment sur le développement durable.
Engagements conjoints
L’étendue de cette coopération s’exprime également à travers des domaines novateurs tels que l’énergie verte, l’industrie automobile et le dessalement de l’eau de mer. Ces engagements conjoints traduisent une vision commune axée sur un futur respectueux de l’environnement et à la pointe de la technologie.
En guise d’illustration tangible de cette collaboration, l’ouverture, en 2016, du majestueux pont suspendu sur l’oued Bouregreg à Rabat, mesurant 950 mètres. Conçu par la firme China Railway Major Bridge Engineering Group et nommé «pont Mohammed-VI» en hommage, cet ouvrage représente un bel exemple de l’union des savoir-faire des deux pays.
Au-delà des échanges économiques, les interactions culturelles entre le Maroc et la Chine ont évolué en établissant des racines profondes au sein des communautés des deux pays. Les initiatives, telles que les trois Instituts Confucius (à Rabat, Casablanca et Tétouan) au Maroc et les centres culturels marocains en Chine, mettent en évidence cette fascination mutuelle pour les trésors culturels de chaque pays. Par ailleurs, divers événements, qu’il s’agisse de festivals, d’expositions ou de forums académiques, ont servi de ponts entre ces deux cultures distinctes, renforçant la compréhension mutuelle et l’appréciation de leurs héritages uniques.
Alors que nous commémorons cette année symbolique, la rétrospection nous rappelle non seulement les succès passés, mais également les possibilités d’avenir. Les fondations établies, qu’elles soient éducatives, culturelles ou économiques, établit une base solide pour une future coopération toujours plus audacieuse et novatrice.
Trois questions à Li Changlin, ambassadeur de Chine à Rabat.
Le Maroc et la Chine ont toujours manifesté un soutien et une solidarité mutuels”
Pouvez-vous nous résumer les principaux piliers qui, pour vous, déterminent les relations sino-marocaines au cours de ces soixante-cinq dernières années?
Ces soixante-cinq dernières années ont été exceptionnellement fructueuses pour nos deux nations et plus encore pour nos populations respectives. Sur le plan politique, le Maroc et la Chine ont toujours manifesté un soutien et une solidarité mutuels, en particulier dans le cadre du système des Nations unies, partageant une vision commune sur des questions majeures et défendant ardemment les principes du multilatéralisme et de non-ingérence dans les affaires internes des autres pays. Nous prônons tous deux une économie mondiale ouverte et inclusive. Concernant les échanges culturels, ils ont connu un essor remarquable. J’ai personnellement été témoin de l’empreinte de la culture chinoise dans de nombreux foyers marocains et j’ai pu constater une admiration réciproque entre nos deux peuples pour la richesse culturelle de chacun. Je suis convaincu que nos relations culturelles ne cesseront de s’épanouir vers un avenir encore plus prometteur.
Puisqu’on en parle de plus en plus, comment percevez-vous l’évolution au niveau économique de la coopération entre la Chine et le Maroc?
Je suis particulièrement heureux de constater que les investissements chinois, autrefois un point faible dans nos relations, ont gagné en visibilité, enregistrant une augmentation significative ces sept derniers mois. Nos investisseurs s’intéressent désormais activement aux secteurs prioritaires et émergents de l’économie marocaine, incluant les énergies renouvelables, le dessalement de l’eau de mer et le développement d’un écosystème pour les voitures électriques. Il est encourageant de voir nos deux pays harmoniser leurs stratégies économiques, créant ainsi une synergie propice à une collaboration encore plus profonde.
On en profite pour vous poser la question sur la solidarité sino-marocaine dans le contexte du récent séisme. Pouvez-vous nous en dire plus?
Face à cette tragédie, la communauté chinoise au Maroc a spontanément manifesté sa générosité et son engagement à aider. Par exemple, quatre citoyens chinois qui étaient à Casablanca pour un voyage d’affaires ont collecté plus de 110.000 dirhams pour acheter des fournitures essentielles destinées aux zones sinistrées. En chemin, ils ont rencontré un problème mécanique et le mécanicien qui est intervenu a refusé toute compensation financière. Cet acte de solidarité symbolise parfaitement l’esprit d’entraide qui règne entre nos deux peuples en ces temps difficiles. C’est une illustration tangible du respect et de l’humanité qui caractérisent nos relations bilatérales, des valeurs qui, je l’espère, continueront de guider notre partenariat pour les années à venir.
