Lutte pour les droits des femmes : Ces figures féminines qui ont transformé le Maroc

À l’occasion du 8 mars, la Journée internationale des femmes, il est essentiel de rendre hommage à celles qui ont pavé la voie de la lutte pour l’égalité des sexes au Maroc. Ces femmes, par leur courage, leur persévérance et leur intellect, ont non seulement contesté les normes sociétales mais ont également inspiré des générations à poursuivre le combat pour les droits des femmes. Voici le portrait de quelques-unes de ces figures emblématiques du féminisme marocain


Asma Lamrabet :
Féminisme et foi

Médecin de formation, Asma Lamrabet, s’est imposée dès le début des années 2000 comme une voix influente et pionnière dans le débat sur le féminisme islamique. Sa carrière a pris un tournant notable lorsqu’elle a rejoint la Rabita Mohammadia des Oulémas, une institution prestigieuse au Maroc, où elle a dirigé le Centre d’Études Féminines en Islam de 2011 à 2018. À travers ce rôle, elle a oeuvré à rapprocher la foi musulmane des principes du féminisme, posant les fondations d’une réconciliation profonde entre ces deux sphères souvent considérées comme incompatibles. Lamrabet est reconnue pour ses contributions intellectuelles qui défient les interprétations patriarcales de l’Islam. Elle a publié plusieurs ouvrages influents, dont «Femmes et Hommes dans le Coran : quelle égalité ?» en 2012, où elle explore la possibilité et l’encouragement à l’égalité des sexes directement à partir des textes sacrés de l’Islam. Sa démarche analytique et novatrice a ouvert de nouvelles perspectives pour les femmes musulmanes, en quête de concilier leur foi avec leurs aspirations à l’égalité. Outre ses écrits, Asma Lamrabet a participé à de nombreuses conférences internationales, partageant sa vision d’un féminisme islamique qui respecte les enseignements religieux tout en promouvant l’égalité et la justice. Sa capacité à dialoguer avec un large éventail de publics, des érudits religieux aux militants des droits des femmes, souligne l’importance et la résonance de son travail. Lamrabet reste une figure emblématique et inspirante, dont les réalisations ont contribué à remodeler le paysage du féminisme islamique moderne.


Fatima Mernissi :
La plume contestataire

Fatima Mernissi, née en 1940 et décédée en 2015, demeure une icône du féminisme islamique. Universitaire et écrivaine, elle s’est illustrée par des analyses critiques des rôles de genres au sein des sociétés musulmanes, mettant en lumière les disparités et les inégalités. Son ouvrage «Sexe, Idéologie, Islam» constitue une remise en question profonde des lectures traditionnelles du Coran qui justifient la domination masculine. Mernissi a brillamment argumenté en faveur d’une interprétation de l’Islam libératrice pour les femmes, ébranlant ainsi les fondements patriarcaux de la société. Sa vision progressiste continue d’inspirer les militants pour l’égalité des sexes à travers le monde musulman


Aicha Ech-Channa :
La voix des mères célibataires

Aicha Ech-Channa, militante sociale de renom, a initié un mouvement révolutionnaire au Maroc en faveur des mères célibataires dès les années 1980. En fondant l’Association Solidarité Féminine en 1985, elle s’est attaquée à un tabou sociétal profondément ancré, oeuvrant inlassablement pour la reconnaissance des droits et le soutien des femmes enceintes non mariées et des mères célibataires. Cette association fut parmi les premières au Maroc à offrir un refuge, de l’aide médicale, psychologique et juridique, ainsi que des formations professionnelles pour permettre à ces femmes de gagner leur vie de manière autonome. L’impact d’Ech-Channa et de son association sur la société marocaine est incommensurable. Non seulement elle a contribué à changer la perception publique des mères célibataires, mais elle a aussi aidé des milliers de femmes et leurs enfants à sortir de la précarité et de l’isolement social. À travers des campagnes de sensibilisation et des interventions médiatiques, elle a oeuvré pour que la société marocaine reconnaisse et respecte les droits de ces femmes, encourageant ainsi une évolution des mentalités vers plus de tolérance et d’inclusion. La reconnaissance de son travail a dépassé les frontières du Maroc, lui valant plusieurs prix internationaux. Aicha Ech-Channa est non seulement une voix pour les sans-voix au Maroc, mais également un symbole mondial de résilience et de combat pour l’égalité et la justice sociale


Soumaya Naamane Guessous :
Au-delà des tabous

Sociologue éminente, Soumaya Naamane Guessous est reconnue pour son engagement à briser les tabous entourant la sexualité et le corps féminin au Maroc. Son ouvrage “Au-delà de toute pudeur» explore ces thèmes avec une honnêteté et une ouverture rarement observées dans le discours public marocain. En abordant des sujets sensibles tels que la sexualité, le mariage et les droits reproductifs, Guessous a contribué à élever le débat sur les droits des femmes à un niveau national, incitant à une prise de conscience et à un dialogue plus inclusifs.


Latifa Jbabdi :
L’architecte de la réforme

Latifa Jbabdi, née en 1955 à Tiznit, est une figure emblématique et une pionnière du féminisme marocain, dont l’action a été cruciale dans la réforme historique du Code de la famille marocain, la Moudawana, en 2004. Co-fondatrice de l’Association Démocratique des Femmes du Maroc (ADFM) dans les années 1980, Jbabdi s’est démarquée par son engagement indéfectible en faveur des droits des femmes. Elle a mis en lumière la nécessité d’une législation qui protège et promeut l’égalité des sexes, jouant ainsi un rôle de premier plan dans le combat pour une société marocaine plus juste. Sa contribution a été essentielle dans la mobilisation de l’opinion publique et le plaidoyer auprès des décideurs politiques pour la révision de la Moudawana. Cette réforme, considérée comme un tournant majeur, a octroyé aux femmes marocaines des droits accrus en matière de mariage, de divorce, de garde d’enfants, et d’héritage, marquant une avancée significative vers l’égalité des sexes au Maroc. En plus de son militantisme, Latifa Jbabdi a aussi servi en tant que membre de la Chambre des Représentants du Maroc de 2007 à 2011, où elle a pu défendre les droits des femmes au niveau législatif et politique. Sa persévérance et sa vision ont non seulement facilité le chemin vers des changements législatifs majeurs, mais ont également inspiré des générations de femmes à s’engager pour leurs droits

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