Génération chômage
Qu’ils soient endurcis ou encore frais émoulus, les chômeurs ne sont pas solubles dans les statistiques. Les diplômés d’entre eux encore moins. Triste sort d’une élite potentielle mise au ban d’une société qu’elle est censée tirer vers le haut.
À quoi peut-on évaluer l’efficience d’un système ou d’une politique économique? Par les temps actuels d’une mondialisation qui court sous tous les cieux, et par-delà les finasseries économistiques, il reste une donnée à double facette plus que jamais déterminante: L’emploi et le chômage. Cette dualité de cause à effet systématique fait l’objet d’études ponctuelles du Haut commissariat au plan (HCP) présidé par Ahmed Lahlimi.
La dernière livraison en date, sur le même thème, concerne la période d’entre le premier trimestre 2016 et le premier trimestre 2017. La courbe du chômage serait passée de 10,4% à 10,7%, au niveau national. Ce n’est pas pour jeter un doute sur le professionnalisme des statisticiens aguerris du HCP, mais cette fourchette incéssante qui navigue continuellement entre 9 et 10%, virgule comprise, n’est pas vraiment convaincante. Le ticket modérateur du monde rural, à peine 4,2% de chômeurs, ne change pas la donne; malgré la prévalence de l’auto-emploi et des contrats traditionnels du travail.
Hausse tendancielle
Il n’empêche. Le taux global officiel du chômage paraît contredire une réalité sociale bien plus criante et beaucoup plus difficile à vivre. En témoignent nos “hittistes” qui prennent appui sur les murs à longueur journée. Ils constituent un indicateur vivant sur le désir de partir à la recherche d’un horizon improbable chargé de leurs espoirs déçus.
En guise de rattrapage, un paramètre d’importance rend l’étude un peu plus pertinente et un peu plus proche d’une réalité évaluable à l’oeil nu. Il s’agit de l’évaluation du chômage par tranches d’âges. On nous dit, de science sociométrique certaine, que parmi les jeunes de 15 à 24 ans, le chômage se situe à hauteur de 25,5%, en 2017; au lieu de 24,9%, en 2016. Cette hausse tendancielle peut paraître mince, elle n’est pas moins gravissime quant aux dégâts sociaux qu’elle promet. Ces conséquences deviennent franchement structurelles lorsque le document HCP finalise sa statistique.
Effectivement, le chômage des diplômés-chômeurs passe de 18,2% à 18,5%. Ce qui n’est pas très rassurant sur l’état de santé d’une société où l’élite potentielle est condamnée à une marginalité incompréhensible, au lieu d’être un levier de développement intégré. Dans le lot de ce chômage spécifique, une bonne part de ces jeunes inadaptés sont déjà en situation de chômeurs endurcis.
Quoi qu’on fasse, ces derniers sont durs à cuire. N’ayant pas vocation à s’évaporer par eux-mêmes; ils ne sont pas non plus solubles dans les chiffres les plus affinés. Ils ne sont même pas consommateurs cash ou à crédit, comme tout être social normalement constitué. Triste sort d’une génération censée incarner la société de demain