Ferhat Mehenni, le Gandhi de la Kabylie


Prêcher sa bonne parole, rester pacifiste et ne jamais tomber dans le piège des va-t-en-guerre, en l’occurrence la nomenklatura militaire qui dirige depuis voilà désormais près de 62 ans l’Algérie. Comparaison n’est pas forcément raison, mais à Ferhat Mehenni, ou du moins dans sa bouche, il est facile de trouver des airs du Mahatma Gandhi, le leader indien qui a été l’initiateur de la lutte non-violente par laquelle il a obligé le Royaume-Uni à accepter l’indépendance de l’Inde en 1947. En effet, depuis plus de quatre décennies, le président du gouvernement provisoire kabyle et chef effectif du nouvel État de Kabylie est le plus grand chantre des droits politiques et culturels du peuple kabyle.

En avril 1980, il est un des principaux meneurs du Printemps amazigh, qui voit les Kabyles s’opposer ouvertement à l’entreprise d’assimilation coloniale que mène le pouvoir algérien à leur dépens. Né en 1951, diplômé en sciences politiques, il est connu d’abord comme chanteur-compositeur amazigh. Le Printemps amazigh a été le déclencheur de la revendication politique de l’identité de cette région. Neuf ans plus tard, Ferhat Mehenni lance avec une autre grande figure kabyle, Saïd Sadi, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), formation politique née à la suite des assises culturelles amazighes les 10 et 11 février 1989.

Un long combat est enclenché. En 2001, de nouvelles manifestations éclatent en Kabylie. C’était encore une fois au mois d’avril. La crise monte d’un cran et Ferhat Mehenni propose alors une autonomie régionale comme solution. Niet de la part d’Alger, aucune discussion n’est envisagée. Ferhat Mehenni crée alors, en juin juin 2001, le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK), dont il est élu président. Il s’installe en France, considérant que sa vie est en danger. Maintenant sa ligne pacifiste, il condamne tout acte de nature à porter préjudice à la lutte kabyle.

En novembre 2022, il est condamné par contumace à la perpétuité par un tribunal algérien pour création d’une organisation terroriste et atteinte à l’intégrité territoriale et à l’unité du pays. En janvier 2024, une autre condamnation à 20 ans de réclusion est prononcée contre lui par un tribunal d’Alger pour actes terroristes et subversifs… Un mandat d’arrêt international est lancé à son encontre, mais aucun pays ne l’a exécuté. Ferhat Mehenni voyage librement sans jamais avoir été inquiété. Militant au long cours, Ferhat Mehenni n’est pas du genre à baisser les bras.

Mais il concède que deux deux événements l’ont particulièrement marqué: l’assassinat de son fils aîné, Ameziane, le 19 juin 2004 à Paris, et le détournement en décembre 1994 d’un Airbus par la GIA, dont il était un des passagers. Il en sortira un livre témoignage poignant, Noel en otage, en 2015.

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