Cette école qui exclut

INTÉGRER LE MAXIMUM D’ÉLÈVES NE DEVRAIT-T-IL ÊTRE LE BUT DE L’ÉCOLE PUBLIQUE ?

Tout récemment, le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) vient pointer du doigt cette terrible injustice qui continue de sévir au sein de l’école publique et qui n’est autre que le décrochage scolaire. En effet, chaque année des milliers de jeunes sont confrontés très tôt au rejet et à l’échec puisque l’école publique n’est plus en mesure de les retenir ou de l’offrir une chance de s’en sortir.

Comme l’ont constaté hier, le Conseil supérieur de l’Education ou la Cour des comptes, le Conseil national des droits de l’homme estime aussi dans son rapport annuel que « si l’école marocaine a enregistré une hausse du taux de scolarisation de 99,7%, durant l’année scolaire 2018-2019 pour les enfants entre 6 et 11 ans, ce chiffre occulte une douloureuse réalité qui se traduit par le décrochage scolaire ». Le CNDH va jusqu’à dire que c’est une véritable hémorragie qui atteint 331.558 élèves au cours de l’année scolaire 2021-2022, soit une augmentation de plus de 27% par rapport à 2019-2020.

Une tendance qui se confirme d’année en année. Faut-il rappeler que de 2000 à 2013, environ 5 millions ont abandonné leur scolarité, selon les dires du Conseil supérieur de l’éducation. De même, entre 2014 et 2017, plus de 1,3 million ont décroché. Ce rythme d’abandon n’a pas cessé depuis. Au total, selon certains experts, sur les 22 dernières années, l’on peut estimer les abandons scolaires à près de 7,8 millions. Soit l’équivalent des effectifs annuels des cycles primaire et secondaire (collège et lycée). Résultat : ces malheureux élèves, souvent sans qualification, n’auront d’autre issue que la délinquance, le chômage et la précarité. Quel gâchis lorsqu’on sait que tant de réformes ont été annoncées pour redresser la situation de notre école publique. A commencer par la Charte nationale de l’éducation et de la formation de 1999 jusqu’à la feuille de route 2022-2026, en passant par la vision stratégique 2015-2030.

Rien n’y est fait puisque ces réformes ne sont pas en mesure de réduire le fossé entre ceux qui s’en sortent et ceux qui ne s’en sortent pas. De plus en plus une sorte d’apartheid social s’installe en laissant à leur sort, souvent, ceux qui sont d’origines sociales défavorisées. Le gouffre social est tel que ces catégories, une fois sorties du système de l’école publique, n’auront pas, pour se rattraper, la chance d’intégrer les écoles privées. Ecoles souvent destinées à intégrer plus les riches que les pauvres. Ne pas faire face à cette situation et continuer à parler de préparation du capital humain pour déclencher le processus de développement, serait, le moins qu’on puisse dire, un discours vain.

L’éducation pour tous restera un voeu pieux tant que l’Etat n’est pas en mesure de garantir le droit à l’éducation pour tous. De même que c’est une des fonctions essentielles de l’école que de diffuser les valeurs d’égalité de chances et d’inclusion de tous. Et comment y parvenir si on commence par exclure ? Intégrer le maximum d’élèves, ce devrait être le but de l’école publique.

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