Rappel de l'ambassadeur de Turquie au Maroc : Le double jeu d'Alger

“L’Algérie a une responsabilité flagrante” dans le dossier du Sahara marocain. Et ce qui se passe avec Ömer Faruk Do?an n’en est que l’ultime illustration.

C’est depuis début avril 2023 que la rumeur courait. Confirmée le 28 avril 2023 par le journal électronique “Le360”, le rappel de l’ambassadeur de Turquie à Rabat, Ömer Faruk Do?an, a bel et bien été entériné. Et la cause, c’est bien évidemment le propos qu’il avait tenu au mois de novembre 2022 dans le 1460ème numéro de Maroc Hebdo sur la souveraineté du Maroc sur son Sahara.

En substance, il avait comparé la situation dans la région à celle des provinces kurdes de Turquie, également en proie au séparatisme. “Nous estimons qu’il s’agit d’un conflit purement artificiel qui profite à des tierces parties dont l’objectif est de freiner le développement de la région, y compris celui du Maroc,” nous avait-il déclaré. Et surtout, il avait directement désigné l’Algérie comme partie prenante du différend, en mettant sur la table la proposition de jouer les intermédiaires avec elle, sans faire le moindre cas du Front Polisario, que la junte militaire algérienne aime à présenter comme le représentant des populations du Sahara marocain. La sortie ne pouvait, naturellement, plaire du côté de la voisine de l’Est.

Finalement, le lobbying que celle-ci aura mené au cours des derniers mois pour faire débarquer M. Do?an aura payé, car il est effectivement acté que c’est à sa demande expresse que la Turquie a agi. Du fait de leur histoire commune consécutive à plus de trois cent ans d’occupation ottomane de ce qui s’appelait jusqu’à la colonisation française la régence d’Alger (1516-1830), Ankara a, ainsi, davantage de passerelles diplomatiques avec son ancienne province, et cela tombe donc sous le sens que la partie algérienne en tire profit.

De toute façon, l’affaire est fondamentalement turco-turque, et du moment que la Turquie n’a pas ouvertement remis en cause la marocanité du Sahara marocain, cela n’appelle pas vraiment de commentaire; au contraire, le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlu?t Çavu?o?lu, avait très officiellement “réitéré[ é]” en mai 2022 à Marrakech, en marge de sa participation à la réunion ministérielle de la Coalition mondiale contre Daech, “la position de principe de la Turquie en faveur de l’intégrité territoriale et la souveraineté des pays, et réaffirmer le soutien de la Turquie à la souveraineté et à l’intégrité territoriale du Maroc frère”, et c’est dans ce sens que s’inscrivaient d’ailleurs les déclarations de M. Dogan dans nos colonnes.

S’il y a une véritable question à poser, c’est davantage au sujet de l’engagement de l’Algérie au Sahara marocain. Car d’un côté, elle assure que son appui au Polisario découle d’une position de principe en faveur de l’autodétermination des peuples -tant qu’il ne s’agit, bien évidemment, pas du peuple kabyle- et qu’elle n’a rien à voir dans le différend, et c’est le motif qu’elle invoque pour refuser depuis octobre 2021 de participer aux tables rondes lancées en décembre 2018 par l’ancien envoyé personnel du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Horst Köhler.

Mais de l’autre côté, tous les éléments démontrent éloquemment que c’est avec elle que le Maroc est en prise, et nulle autre partie. Si M. Dogan n’est plus en poste à Rabat, c’est à cause d’elle. C’est elle qui n’a plus d’ambassadeur à Madrid car l’Espagne avait choisi de commencer à considérer l’initiative pour la négociation d’un statut d’autonomie comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible. Aucun autre pays l’a fait.

Quand des consulats ont commencé à être inaugurées à partir de décembre 2019 au Sahara marocain, elle avait également été la seule à réagir, et on rappellera qu’en février 2020 elle était allée jusqu’à convoquer son ambassadeur à Yamoussoukro. Comme le résumait le roi Mohammed VI dans une lettre qu’il avait adressée en avril 2018 au secrétaire général de l’ONU, António Guterres, “l’Algérie a une responsabilité flagrante”. Et ce qui se passe avec M. Dogan n’en est que l’ultime illustration.

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