Un malaise socio-économique qui menace les entreprises et le pouvoir d’achat des citoyens


Une situation explosive


Les faillites en chaîne dans le monde des affaires et le boycott populaire de certains produits de grande consommation sont révélateurs d’un malaise socio-économique qui prend des proportions alarmantes face à la nonchalance du gouvernement et son incapacité à gérer la crise.

Il y a deux mois, on a écrit sur ces mêmes colonnes qu’un pont sépare les deux rives où se trouvent le gouvernement et la majorité écrasante des citoyens marocains, quand le constat a été fait que des milliers d’entreprises déposent le bilan. C’était pour dire que le gouvernement gère l’administration et assure le protocole de l’Etat mais ne prête pas une oreille attentive aux doléances de la rue et aux appels au secours des petites entreprises qui recrutent encore. Et c’est dire aujourd’hui que le gouvernement est incapable de voir la double crise sociale et économique qui s’installe et qui fait peser sur le pays le risque d’instabilité politique et sociale. Le dernier signe révélateur est le boycott populaire de certains produits de grande consommation dont l’objectif n’est pas de cibler une ou plusieurs marques, mais plutôt la hausse des prix et la cherté de la vie qui réduit le pouvoir d’achat de la majorité des Marocains comme une peau de chagrin.

Surendettement des ménages
Depuis plus de quarante ans, la banque centrale, Bank Al Maghrib, avait pour mission la stabilité des prix. Il y a trois ans, elle a changé de cible pour devenir une institution qui aide à booster la croissance économique comme si elle était ralliée au gouvernement. Elle a adopté depuis quelques années l’inflation sous-jacente qui exclut de ses calculs les produits à prix volatils et les produits à tarifs publics, qui constituent le gros du panier des ménages marocains (90% au moins des ménages) et donc, ne reflète pas la réalité des prix qui flambent d’année en année.

Ce qui réconforte le gouvernement dans ses calculs pour épater les institutions financières (FMI, Banque mondiale…) et les investisseurs étrangers au détriment de la population, résignée et incapable, acculée à se battre pour assurer un minimum de besoins pour sa survie. L’inflation des prix a réduit le pouvoir d’achat et le gros des ménages ont diminué leur consommation et abandonné leurs loisirs. Le deuxième postulat qui témoigne que Bank Al Maghrib a une mission autre que celle socio-économique des quatre dernières décennies, c’est qu’il n’arrive pas à influencer, avec ses baisses du taux directeur, les taux de crédit appliqués par les banques, ce qui conduit au surendettement des ménages et des entreprises.

Celles-ci, confrontées également aux retards de paiement face à l’incapacité du gouvernement à faire respecter la loi sur les délais de paiement et face à une CGEM qui ferme les yeux car dominée par les grandes entreprises qui sont responsables de ces retards, et face également à la lenteur de la justice des affaires qui fait fuir investisseurs locaux et étrangers, sont poussées à la faillite.
Et même la réforme du régime de change, qui profite en premier lieu aux grandes entreprises et aux multinationales, a servi d’alibi pour justifier une nouvelle hausse des prix à la consommation avec un effet de cascade, confortée par le principe de la liberté des prix qui n’est malheureusement pas accompagnée du mécanisme de la régulation du marché par l’Etat.

Bombe à retardement
Nous sommes face à un libéralisme sauvage où la loi du plus fort (économiquement parlant) est la règle. La libéralisation des prix au Maroc, telle qu’elle est aujourd’hui, cache mal la faillite du gouvernement en matière de régulation et de contrôle visant à contrecarrer toutes les formes de la concurrence déloyale et malsaine: position dominante, entente… qui gonfle les marges bénéficiaires d’une minorité au détriment de la grande majorité.

La hausse du taux du chômage réel et l’arrivée annuellement sur le marché de l’emploi de dizaines de milliers de jeunes diplômés et non diplômés, ravivent les signes patents de cette crise socio-économique et constitue une bombe à retardement, face à la faillite des petites et moyennes entreprises, face à la faible création d’emplois depuis quelques années… Et comme pour confirmer que le gouvernement est déconnecté de la réalité, il continue à accorder des incitations et ders exonérations fiscales aux grandes entreprises.

Le principe, en soi, est bon quand il est conditionné par une obligation de création d’emplois, ou ce qu’on appelle dans le jargon économique «rentabilité économique ». Or, les statistiques officielles l’attestent: les incitations et exonérations fiscales n’ont pas de contrepartie...

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