Faut-il vous l’envelopper ? : Dentifrice dans la baignoire

Les grandes idées ça donne que des ulcères. Il est interdit d’avoir des idées. À moins d’avoir des mobiles.

C’est jamais la peine d’essayer de dissiper le Grand malentendu. Faites et laissez dire. De toutes façons, vous avez sur le dos les plus graves accusations. Parfois on vous les dit en face, mais le plus souvent, dès que vous tournez le dos, on vous cloue comme une grenouille dans un labo. Écartelée, bien refaite et la gueule ouverte.

Les malins vous trouvent toujours des mobiles cradocks, des motivations tangentes et un féroce appétit. Si la soupe bouchait, en plus du creux à l’estomac, le trou des grandes méchantes questions, vous auriez peut-être abdiqué les grandes idées.

Les grandes idées ça donne que des ulcères. Il est interdit d’avoir des idées. À moins d’avoir des mobiles. Les mobiles ? je serais bien mobile, moi, je me verrais bien carrosse quasi théorique, une bonne vieille charrette des montagnes, branlante et précaire, mais mobile, nom d’un chien, mobile, qui bouge, glisse et se taille du pays des mobiles. Mobiles des clous. Y a pas de mobiles, ou juste ceux qui sont visibles, bien au premier plan : les mobiles y a que les crétins qui cherchent systématiquement d’autres mobiles derrière. Je dis tout ça pour une vingtaine de flingués que je ne connais pas. Des lecteurs qui veulent pas entrer dans le monde des mobiles vomitifs. C’est des mots de misanthrope. Ouais. J’en connais des tas de misanthropes. Faites la fête avec eux, juste pour voir s’ils sont tristes ou s’ils ont, eux aussi, des mobiles. La foire, mon pote, la rigolade, avec zéro arrière-pensées. Fraternelle et hilarante. Ça te fout des giclées d’adrénaline que c’est un scandale, au milieu des connards à mobiles. Vive la rébellion.

C’est qu’on commence à investir le Maroc, contre les pisseux et les oiseaux de mauvais augure. Les immobiles. Figés, pétrifiés. C’est que ça court vite, le monde, ça tourne. Alors, les demeurés, c’est qui, qui est triste? C’est qui, qui a des choses à se reprocher ? On croyait pas, mais vraiment, la caravane passe. C’en est fait des coquins. Tôt ou tard, on va parler de chiffres. Vraiment au fond.

C’est dans la tête que ça bouge d’abord. La liberté, ça se négocie pas mais c’est pas parce que vous n’avez pas toute la liberté qu’il faut éteindre la lumière et interdire aux gens de se parler.

Durant l’été, des centaines de paysans du Tadla ont manifesté parce qu’on leur avait piqué leur source. On a parlé de 4000 manifestants, de 32 arrestations, violences et troubles. Le tribunal distribue généreusement 32 condamnations à 5 ans de prison ferme. À la louche. En appel, on assaisonne moins les trublions qui avaient presque certainement des frondes, des bâtons et le reste, on sait jamais avec les montagnards furieux. Les peines sont ramenées à un an et même deux mois.

Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que t’as le droit de protester sans les frondes, mais qu’on comprend mieux les colères de la population. Alors, les misanthropes, spécialistes des mobiles, c’est pas le début de la liberté ? Je ne sais pas si les procès se sont déroulés en bonne et due forme, mais je le crois. Moi je dis ceci : M. Azziman est un homme droit. Mais enfin, s’il était accessible aux appels des citoyens en proie aux reliquats de crapulerie dont ils souffrent encore, il serait tellement plus concret qu’à la télévision marocaine. Sur des tas de points, chez Mme Baroudi de TVM, je pensais comme lui. Une fois ou deux, il m’a fait sursauter. Moi, je suis pas ministre, je suis touriste. Là où je vais, je rencontre une injustice, une seule qui frappe la population. C’est-à-dire, Monsieur Azziman, qu’on pourrait faire un seul paquet, une seule enquête, un seul procès, on épingle un seul truand mais on libère 50 000 citoyens. Parce que les plaintes, les gens en ont déjà déposé des tonnes. C’est pas une bonne affaire? Je vous fais un prix : calculette. Un truand divisé par 50 000 citoyens=Une sacrée purge.

Les mobiles dans tout ça ? C’est comme la toilette. Un pays, ça se lave et le Maroc fait une toilette du tonnerre. Bon, ça éclabousse, ça inonde la salle de bain, y a du dentifrice dans les baignoires et de l’eau de toilette sur les brosses à dent, mais enfin quoi, on nettoiera la salle de bain aussi, puis la maison, jusqu’à Lagouira. Qu’est-ce qu’il m’intéresse, moi, ce programme ! Et vive la liberté, hein, aussi, quand même et nonobstant...

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