LE TRANSPORT COLLECTIF, UN CALVAIRE

Les délégataires se suivent et se ressemblent

À peine désigné pour prendre la place de M’dina-bus, largement critiqué par les Casablancais pour sa mauvaise gestion, Alsa a d’ores et déjà importé 30 bus d’occasion. Quelque 700 bus neufs sont promis à partir de 2021.

Chaque fois que vous apercevez un attroupement, sachez bien qu’il s’agit d’un arrêt de bus. À Casablanca, plus qu’ailleurs, ce rassemblement spontané est plus fréquent et plus volumineux. Ce n’est pas une file indienne, autrement il y aurait de l’ordre, à l’anglaise, par exemple. Loin s’en faut. Cette grappe humaine agglutinée entre le trottoir et la voie pour véhicule n’est reconnaissable que par son désordre. Elle commence à se mouvoir dès qu’un bus est perceptible au détour d’une rue transversale. Un mouvement que l’on n’oserait pas comparer à une chorégraphie au ralenti. Le bus n’est qu’à quelques mètres, c’est le moment de prendre son élan. Le bus est là, on se jette dessus sans autre obstacle que l’individu juste devant qu’il faut bien déloger à la force du poignet.

Il se trouve que la petite foule en compétition dépasse la capacité du bus. Des passagers en plus s’agrippent à la portière arrière empêchant sa fermeture. En principe, il est strictement interdit au chauffeur de rouler. Discipliné, celui-ci patiente, mais finit par rouler malgré les cascadeurs en voltige libre; jusqu’au prochain arrêt. Voilà, en gros, un périple sur bus à Casablanca. Il est proprement sidérant qu’une capitale économique n’ait pas jugé utile de faciliter la circulation sur des moyens de transport collectif. Les voitures individuelles ne sont pas soumises à de meilleures conditions.

On y reviendra. En tout cas, faire de la vitesse, même raisonnable, sur les grandes artères de Casablanca, n’est pas possible, car il y a immanquablement des bouchons éparpillés ici et là. Les autorités locales et régionales semblent crier à la face de ces nomades voiturés, no passaran. Il suffit d’un simple accrochage un peu devant et c’est carrément l’enfer pour les nerfs. Des Casablancais de souche ou d’adoption préfèrent laisser leur voiture à l’arrêt et en plein air pour prendre le bus qui passe par là ou un taxi qui se hasarde dans les parages. Encore faut-il que les bus soient en état de marche et que le taxi chopé au passage, veuille bien vous déposer à votre adresse. Dans les deux cas, la marge du hasard est persistante.

Le lycéen n’est pas vraiment sûr d’atteindre son établissement scolaire dans les horaires établis. Pas plus d’ailleurs que le salarié par rapport à ses heures de travail. La réponse à ces deux situations, c’est de se sécuriser soi-même, en se levant de plus en plus tôt, jusqu’à ce que ce rythme imposé devienne la norme; en attendant que le métabolisme s’en inspire suffisamment dans son fonctionnement au quotidien.

Face à ce genre de situation, qui touche au mode de travail et de vie, l’attitude qui tombe sous le sens est de chercher à savoir à qui incombent les responsabilités et à quel degré de décision et de gestion. Deux groupes se présentent à la barre; les administratifs en charge de ce secteur, à tout point de vue vital, et les gestionnaires délégués de la société en question. Chacune de ces deux parties prenantes, tente de minimiser ses attributions et son rôle, autant que faire se peut. Cette posture est tellement normale qu’elle paraît convenue.

Avant l’arrivée d’Alsa, était un incendie dans la nuit du jeudi 10 octobre 2019, dans les dépôts de la société M’dina- bus; là où sont stockés ses équipements; de même que les véhicules y sont garés. La société est mise à nu dans tous les segments de sa gestion. Deux mots suffisent à identifier les causes et évaluer les conséquences: entretien et sécurité. Défaillance sur ces deux aspects primordiaux. Le moins regardant des utilisateurs vous dira que ces véhicules vieillots, visiblement sifflants et pétaradants, étaient au bord de l’essoufflement final.

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