Portrait de Rabie Kati, acteur marocain

Fauve qui peut

Grande figure du cinéma et de la télé au Maroc depuis plusieurs années, Rabie Kati est devenu ces dernières semaines un véritable symbole de la pop culture dans le Royaume et même au-delà. Portrait d’un acteur à la fois excentrique et attachant qui assume pleinement ses qualités.


“Une fois, une réalisatrice m’a recalé d’un casting car j’étais trop beau pour le rôle selon elle”. C’est toujours avec la même confiance en soi poussé à l’extrême, imprégnée de beaucoup de bonne humeur et de gentillesse qui la rendent plutôt attachante, que Rabie Kati se confie à Maroc Hebdo. Et c’est cette même confiance en soi qui continue de façonner, depuis plus de 20 ans, la carrière de l’acteur, faisant de lui une star pas comme les autres au Maroc. Un personnage excentrique dans ses manières, son discours parsemé de langue arabe littéraire, et son look beau garçon toujours bien sapé, qui jouit d’un immense capital sympathie auprès du public.

Véritable phénomène
Mais le phénomène Rabie Kati, puisqu’il s’agit bien d’un phénomène, vient de prendre une tout autre dimension après son passage, début avril 2024, dans l’émission de Chahrazad Akroud sur 2M. Questionné par cette dernière sur sa “personnalité dominante similaire à un lion”, l’acteur s’amuse dans sa réponse à citer des synonymes très recherchés de l’animal dans la langue arabe littéraire. Des mots qui existent bel et bien, mais dont la sonorité bizarre n’a pas manqué de faire réagir. Des millions d’internautes relayent la séquence, tandis que des entités mondiales, comme les clubs de football, le FC Barcelone ou le Paris Saint-Germain reprennent sur leurs réseaux sociaux les propos de l’acteur. “Ce n’est pas la première fois. J’ai toujours attiré l’attention et fait le buzz mais dans un sens positif”, nous affirme-t-il. La séquence est tellement virale que la marque au lion, Peugeot, fait appel à l’acteur pour une publicité de ses voitures reprenant les mêmes termes iconiques prononcés dans la vidéo originale. “C’est la baraka de l’attachement à la langue arabe. C’est une langue bénie je vous dis! C’est la langue choisie par Dieu pour son ultime message à l’humanité”, indique-t-il.

Et d’ajouter que “nous vivons dans un pays où l’arabe est une langue officielle. Il ne faut pas s’en cacher, il faut en être fier. Mais je suis fier aussi des dimensions amazigh et africaine, qui font que j’ai une identité riche, solide et immunisée contre toute influence étrangère négative.” Cet amour de la langue arabe, Rabie Kati l’a cultivé depuis son enfance à l’école coranique. Né le 24 janvier 1977 à Taza, il est le cadet d’une fratrie de sept dont le père, soldat dans les Forces armées royales, a toujours été conscient de l’importance de l’éducation et de l’ouverture sur l’art et la culture. Preuve en est, Rabie n’est pas le seule artiste du lot: son frère, Farid, est chanteur de carrière.

Conscient de son potentiel et de son penchant artistique, le jeune Rabie, alors âgé d’à peine 23 ans, choisit la voie académique pour concrétiser son rêve de devenir acteur. Il intègre alors l’Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (ISADAC) de Rabat, d’où il décroche son diplôme en 2004 après quatre années d’études. Entre-temps, le jeune Rabie, encore étudiant, se fait déjà remarquer grâce à son talent et son originalité par les producteurs dès sa première année d’étudiant mais refuse plusieurs offres pour pouvoir se concentrer sur ses études et développer ses compétences. “Je refusais également parce que je ne voulais pas commencer ma carrière par un rôle secondaire. Je voulais commencer très fort et marquer les esprits”, nous dit-il.

L’arabe dans la peau
Un souhait qui se réalise dès sa deuxième année à l’ISADAC: le jeune acteur en herbe joue le rôle principal dans la série télévisée Chajarat Zaouia (L’arbre du mausolée, en français) qui sera diffusée sur la première chaîne nationale en 2003 et connaîtra un immense succès auprès du public marocain. Toutefois, la suite des choses ne sera pas toujours aussi idéale que les débuts tant rêvés par Rabie. “Je suis différent des autres. Quand tu es différent, tu es combattu et des obstacles et des difficultés se dressent devant toi”, soupire l’acteur. “Parfois, lors des castings j’entendais des “Il doit se casser et aller jouer en Espagne ou en Italie avec son look-là”, “Il est trop beau pour ce rôle””, nous raconte-t-il avec nostalgie.

Mais Rabie Kati, marié depuis 2013 et père d’un enfant, ne baisse pas les bras et assume pleinement son originalité avec courage. Un pari qu’il finira par gagner. Ainsi, les moqueries qui le dépeignent compétent et capable de s’attirer les feux des projecteurs tout en restant “attaché” aux valeurs marocaines, dans une ère où de nombreuses stars nationales se font épinglées pour leur “égarement moral” dans leur quête du buzz.

Originalité assumée
Et ce n’est que justice faite selon Rabie Kati, au vu de son immense parcours. En plus de vingt années de carrière, l’acteur a cumulé plusieurs dizaines de films, de séries et autres oeuvres, tant bien marocaines qu’arabes, européennes ou américaines, et a remporté plusieurs distinctions comme par exemple le prix de meilleur acteur au festival Spetimus en Libye en 2020 pour son rôle principal dans la série arabe “El Zaaiman” où il a incarné le personnage de la grande personnalité libyenne Suleiman Bacha El Barouni. «Je vise à ce que mes performances soient d’un niveau mondial. Je ne veux rester cloisonné dans une dimension purement nationale”, nous explique-t-il. “Pour l’anecdote, je n’ai jamais été recalé dans un casting dirigé par un producteur étranger, ce qui n’est pas toujours le cas avec mes chers compatriotes”, assène-t-il avec humour, et surtout avec la confiance en soi que le public lui connaît si bien et que nous avons ressentie tout au long de notre échange.

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