Le nouveau dispositif d’aides directes au logement : Faut-il s’attendre à une relance du secteur de l’immobilier?


Avec le nouveau mécanisme d’aides directes aux familles pour l’accès à la propriété immobilière, l’État espère relancer un secteur immobilier en crise, pénalisé par la hausse des prix et la dégradation du pouvoir d’achat des Marocains.

L’annonce officielle semble soulager les familles marocaines, tout particulièrement les familles défavorisées et celles de la classe moyenne. Vu les prix de l’immobilier qui ne cessent de flamber depuis la pandémie de Covid-19 à cause, entre autres, de la hausse des prix des matériaux de construction et le foncier qui se raréfie de plus en plus, l’accès au logement est devenu un véritable casse-tête pour les Marocains. Un problème qui s’est davantage compliqué avec le durcissement des banques de leurs conditions d’octroi des crédits immobiliers. Mais avec la mise en place très récente d’un nouveau mécanisme de soutien direct aux familles pour l’accès à la propriété immobilière, une lueur d’espoir se dessine bel et bien à l’horizon. C’est la ministre de l’Habitat et actuelle maire de Marrakech, Fatima Zahra Mansouri, qui en est l’architecte.

Lors d’une réunion devant SM le Roi Mohammed VI au palais royal de Rabat, le 17 octobre 2023, la ministre PAM (Parti authenticité et modernité) avait décliné le programme de ce mécanisme basé sur des aides financières directes aux familles. Il prévoit ainsi d’octroyer une aide financière de l’État de l’ordre de 100.000 dirhams pour les logements dont la valeur est inférieure ou égale à 300.000 dirhams.

Le montant de l’aide baisse à 70.000 dirhams dans le cas où la valeur du logement est comprise entre 300.000 et 700.000 dirhams. En femme politique aguerrie, habituée aux rencontres avec les médias, Mme Mansouri a organisé une conférence de presse, vendredi 20 octobre 2023 au siège de son ministère à Rabat, pour expliquer les tenants et les aboutissants d’une tel programme ambitieux. “Ce programme, qui s’étale sur la période 2024-2028, vise à renouveler l’approche liée à l’accès à la propriété en soutenant directement le pouvoir d’achat des ménages”, a notamment expliqué Mme Mansouri. Il faut dire que ce nouveau mécanisme est venu remplacer l’ancien dispositif visant à accorder la subvention publique aux promoteurs immobiliers sous forme d’exonérations fiscales. Son but était d’encourager les promoteurs immobiliers à construire les logements économiques de bonne facture avec des prix accessibles ne dépassant pas la valeur de 250.000 dirhams.

Dysfonctionnements importants
Lancé depuis 2003 et révisé en 2010, l’ancien programme a certes permis, selon Mme Mansouri, d’atteindre 650.000 logements où plus de 4 millions de Marocains ont pu être relogés. “Après avoir vécu longtemps dans des bidonvilles avec des conditions de vie et d’hygiène très lamentables, ces 4 millions de Marocains vivent aujourd’hui dans des logements décents et dignes”, se félicite Mme Mansouri. Mais au fil des années, l’ancien dispositif a probablement montré ses limites après avoir réalisé de nombreux audits qui ont révélé des dysfonctionnements importants quant à la qualité des logements construits et les matériaux utilisés dans le processus de réalisation.

Au cœur de nombreuses plaintes déposées par les acquéreurs, plusieurs promoteurs immobiliers sont notamment accusés de construire des unités avec des matériaux de faible qualité, ce qui a provoqué des fissures et parfois des effondrements dans certains cas dramatiques. Autre critique relevée: une surestimation de la valeur de ces logements, qui pourrait parfois atteindre plus de 300.000 dirhams alors que l’État les avait plafonnés à 250.000 dirhams. Résultat de la multiplication des intermédiaires entre l’acheteur et le promoteur immobilier, cette surestimation a poussé beaucoup de Marocains à renoncer à l’acquisition d’un logement économique à cause de la pratique illégale du “noir” exigé avant de signer le compromis de vente. Partie de ce constat et en vue de donner un nouveau souffle au secteur de l’immobilier en crise, le gouvernement a pensé introduire ce nouveau dispositif dont l’objectif essentiel est d’améliorer le pouvoir d’achat des Marocains. Destiné aux Marocains résidant dans le pays et ceux résidant à l’étranger, le nouveau programme est assorti de critères d’éligibilité plus ou moins draconiens. Pour en bénéficier, le demandeur ne doit pas avoir déjà profité d’un quelconque avantage accordé par l’État dans le domaine du logement. Ensuite, il ne doit pas être propriétaire d’un bien immobilier destiné à l’habitation principale au moment de l’acquisition.

Autre condition exigée: l’acte de vente doit être officiellement établi par un notaire, et le logement concerné doit être en possession d’un permis d’habiter daté du 1er janvier 2023, et ce, dans le cadre d’une première vente. Ce qui veut dire que les ventes de deuxième main n’entrent pas dans le cadre du nouveau dispositif. Chez les promoteurs immobiliers, le scepticisme quant au succès de ce mécanisme semble régner. Anice Benjelloun, vice-président de la Fédération nationale de la promotion immobilière (FNPI), estime que le gouvernement n’a pas pris en compte la pression fiscale qui pèse lourdement sur l’activité de la promotion immobilière. Il cite notamment la TVA sur le logement neuf ainsi que l’inscription à la conservation foncière qui sont, selon lui, des spécificités marocaines. Toutes ces taxes immobilières participent à la hausse des prix et en plus alourdissent les procédures de cession. M. Benjelloun pense que le gouvernement devrait plutôt penser à alléger cette pression fiscale en plus de libérer le foncier dont la rareté contribue énormément à la flambée des prix des logements. Des réflexions lancées à Mme Mansouri pour qui les nouvelles aides publiques au logement constituent de véritables opportunités pour les Marocains pour accéder à la propriété immobilière l

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