Réélection de Vladimir Poutine

MAROC ET RUSSIE, UNE HISTOIRE À RÉÉCRIRE

Longtemps présenté –à tort- comme l’allié de l’Algérie, Moscou semble aujourd’hui prendre une direction différente


C’est une longévité dont seuls les monarques ont le secret. Dimanche 17 mars 2024, Vladimir Poutine a été réélu président de la Russie, avec 87, 97% des voix, un score sans appel, dans une présidentielle presque jouée d’avance. Il s’agit du cinquième mandat du chef de l’Etat russe, qui est à la tête de la Fédération de Russie depuis bientôt un quart de siècle. Une réélection qui ne laisse pas le Maroc indifférent, tant s’en faut, dans un contexte marqué par la redéfinition du paysage stratégique mondial. Le roi Mohammed VI a d’ailleurs exprimé “ses chaleureuses félicitations pour le renouvellement par le peuple russe de sa confiance en sa personne”, affichant sa ferme “détermination à continuer à oeuvrer de concert avec M. Poutine”, tout en appelant de ses voeux à “consolider le partenariat stratégique entre le Maroc et la Russie”.

Longtemps présenté –à tort- comme l’allié de l’Algérie, Moscou semble aujourd’hui prendre une direction différente, conscient du délitement du régime algérien, par contraste avec un Maroc dont la puissance régionale et l’influence sur la scène internationale ne font plus aucun doute. Evidemment, la relation bilatérale reste à réécrire, mais les signaux d’un rebasculement plus marqué sur les intérêts du Royaume sont manifestes.

Le lundi 30 octobre 2023, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté la résolution 2703 sur le Sahara marocain, qui renouvelle le mandat de la MINURSO jusqu’à fin octobre 2024. Une résolution saluée par le Maroc. A cet égard, l’abstention de la Russie, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, a été considérée à l’unisson par les analystes comme une forme de neutralité positive. Une décision qui démontre que les Russes n’ont pas de dogme sur la question du Sahara marocain et qu’ils ont compris l’intérêt de ne pas se fâcher avec Rabat, notamment pour conserver leur rang sur l’échiquier géopolitique, principalement entre l’Afrique et l’Europe.

Pas plus tard que le lundi 11 mars 2024, la visite en Russie de l’envoyé personnel du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) au Sahara marocain, Staffan de Mistura, a représenté à ce titre une déconvenue pour le complexe militaro-médiatique algérien, qui s’arc-boute sur la question du Sahara marocain pour des raisons de politique intérieur et de survie d’une junte plus que jamais isolée.

Au terme de la rencontre, dont la mission était la relance du processus politique, en consultant un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, la diplomatie russe a souligné l’importance de parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable au problème du Sahara marocain sur la base des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, balayant d’un revers de la main l’option référendaire, l’alpha et l’oméga d’une diplomatie algérienne aux abois.

Lors du Forum de coopération arabo-russe qui s’est tenu à Marrakech, le mercredi 20 décembre 2023, le ministère des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a assuré que “le Maroc est l’un de nos principaux partenaires au niveau du continent africain et dans le monde arabe avec des projets communs”, précisant que la Russie entend améliorer son partenariat avec le Royaume dans plusieurs domaines vitaux, tels que la culture, les mines ou encore l’énergie.

L’ accord de coopération en matière de nucléaire civil signé en octobre 2022 entre le Maroc et la Russie, qui porte sur le développement de gisements d’uranium, la construction de réacteurs nucléaires et le développement de station de dessalement revêt également un caractère éminemment stratégique, du fait de la dynamique politique que ces projets sont de nature à susciter.

Enfin, la multiplication au Sahel de régimes militaires souverainistes, dont les acteurs sont en majorité formés et favorables aux thèses du Maroc, place le Royaume dans une position de choix pour les Russes, impliqués militairement et dont les intérêts dans la région convergent avec ceux du Maroc, lesquels sont incarnés par la nouvelle initiative de désenclavement des pays de la bande sahélo- saharienne.

Une convergence des vues qui s’accompagne d’une décomposition de l’influence algérienne dans la région, qui s’est vue enterrée avec la mise en arrêt des accords de paix d’Alger de 2015, le dernier véhicule de soft power dont disposait El-Mouradia à sa frontière sud. Reste un levier qui pourrait définitivement faire basculer la Russie –adepte du rapport de force- dans l’orbite marocaine et qui peut, toute chose étant égale par ailleurs, être considéré comme le talon d’Achille du Maroc. La puissance militaire.

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