Des législatives anticipées après la défaite du parti socialiste aux communales et régionales

Faut-il craindre pour les relations maroco-espagnoles ?


Une rencontre entre Aziz Akhannouch et Alberto Núñez Feijóo en marge
du Congrès du Parti populaire européen. Rotterdam, le 31 mai 2022.


La montée en puissance de la droite et de l’extrême droite et l’échec des socialistes de Pedro Sanchez aux élections municipales conduisent à des élections législatives anticipées chez le voisin ibérique. Cela aura-t-il un impact sur l’entente maroco-espagnole ?

C’était tout sauf attendu. Se basant sur un sondage national publié début mai, tous les observateurs et les politologues en Espagne donnaient le parti socialiste de Pedro Sanchez vainqueur des élections communales et régionales du dimanche 28 mai 2023. Mais les pronostics ont été déjoués. Les résultats des votes de ce dimanche ont permis, contre toute attente, au Parti populaire (PP) de rafler la mise, avec une avance de plus de 700.000 voix sur le PSOE.

A Madrid ou à Séville, le PP est arrivé de loin en tête, ce qui le conforte dans ses prévisions pour les prochaines élections législatives sans qu’il ait besoin de s’allier à Vox. A Valence, le parti populaire peut compter confortablement sur l’extrême droite. La nouvelle donne a donné confiance au président du PP, Alberto Núñez Feijóo, qui s’est déjà projeté dans le prochain rendez-vous électoral. «Nous avons franchi la première étape d’un nouveau cycle politique», a-t-il affirmé, non sans fierté, dimanche soir, lors d’un rassemblement de son parti à Madrid juste après l’annonce des résultats. Les résultats de ces élections étaient suivi de près au Maroc. Le Royaume a été impliqué dans ces élections malgré lui. Des bruits ont couru faisant état que le Maroc s’est immiscé dans ce rendez-vous électoral en faveur du PSOE de Pedro Sanchez. Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, a démenti cela à l’issue du conseil de gouvernement de jeudi 25 mai.

En Espagne, cette déclaration n’était pas assez convaincante. Il a fallu attendre les conclusions d’une investigation du service de vérification des informations de l’agence de presse publique espagnole EFE pour dire que le Maroc n’a pas incité ses ressortissants installés en Espagne, ayant le droit de participer aux élections, de voter pour le PSOE de Pedro Sánchez. Un ancien appel de l’USFP invitant les Marocains en Espagne à voter en faveur du PSOE aux élections législatives du 10 novembre 2019 a provoqué tout un tollé en Espagne.

L’agence de presse espagnole rappelle que le Rassemblement national des indépendants (RNI), que préside le chef du gouvernement Aziz Akhannouch, ainsi que le parti de l’Istiqlal de Nizar Baraka, ont des relations privilégiées avec le Parti populaire. Celui-ci est un parti de gouvernement, il est pratiquement exclu qu’il change de position à l’égard de la marocanité du Sahara. Realpolitik oblige. L’échec cuisant du PSOE au scrutin communal et régional a chamboulé les calculs du Président du gouvernement et secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). Pedro Sánchez, a été obligé d’annoncer, lundi 29 mai 2023, la tenue d’élections générales anticipées le 23 juillet prochain. Dés élections initialement prévues en décembre 2023.

Elections législatives anticipées
La fraude électorale écartée, il n’en demeure pas moins que les résultats des élections législatives anticipées de juillet peuvent conditionner l’entente maroco- espagnole. La tenue des élections communales a eu lieu une semaine après l’organisation d’une importante rencontre d’affaires à Madrid entre deux délégations d’hommes d’affaires et d’officiels marocains et espagnoles. Elle fait suite à la Déclaration conjointe bilatérale, établie suite à la rencontre entre le Roi Mohammed VI et le président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, en avril 2022 à Rabat, dans laquelle l’Espagne appuie le plan marocain d’autonomie comme la solution sérieuse et réaliste au différend autour du Sahara et la Réunion de Haut Niveau (RAN) qui s’est tenue en février 2023 à Rabat. Plusieurs interrogations fusent aujourd’hui après l’annonce des élections anticipées.

Dossier du Sahara
Le Maroc compte beaucoup sur l’Espagne de Pedro Sanchez. La présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne, qui s’étendra du 1 e juillet 2023 au 1er janvier 2024, est un élément clé dans les relations bilatérales. L’un des défis de la présidence tournante de l’Espagne sera de régler le contentieux judiciaire sur les accords Maroc-UE en matière d’agriculture et de pêche, invalidés par la cour européenne. Concernant l’accord de pêche, l’Espagne est le plus grand bénéficiaire. Le gouvernement espagnol de Pedro Sanchez ne ménage d’ores et déjà aucun effort notamment pour soutenir le Maroc et sa position sur la question du Sahara, sachant qu’elle est l’intérêt stratégique suprême pour le Royaume.

Brouillé avec les institutions européennes, Rabat peut compter sur le soutien de l’Espagne, devenue premier État européen à sortir de la neutralité sur le dossier du Sahara. D’ailleurs, Pedro Sanchez n’a raté aucune occasion pour manifester son appui au règlement de la question du Sahara sur la base du plan d’autonomie. Le 8 mai 2023, Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, s’est rendu à Madrid où il s’est réuni avec Pedro Sanchez. La question du Sahara était au menu des entretiens. Depuis la dernière rencontre entre les deux parties, en date du 2 juillet 2021, le dossier du Sahara, qui a connu, le 18 mars 2022, l’annonce du soutien officiel de Pedro Sanchez au plan marocain d’autonomie, est devenu une priorité pour la politique intérieure et étrangère de l’Espagne.

M. Sanchez a d’ailleurs réitéré cette position franche et tranchée le 12 mai à la Maison blanche avec Joe Biden, le président des Etats-Unis. Il est vrai que le PSOE de l’actuel président du gouvernement espagnol est mal parti après sa débâcle aux élections communales et régionales mais dans la politique, rien n’est gagné d’avance. Les élections législatives du 23 juillet peuvent, une fois encore, déjouer tous les pronostics. Le parti socialiste a pignon sur rue et la popularité de Pedro Sanchez demeure un facteur décisif dans les prochaines élections.

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