Hicham Mellati : "Les peines alternatives occupent une place importante dans les orientations de la politique pénale contemporaine"


Le Conseil de gouvernement, réuni le jeudi 8 juin 2023 à Rabat, a adopté la nouvelle version du projet de loi n°43.22 relatif aux peines alternatives qui sera bientôt transmis au Parlement. Hicham Mellati, directeur des affaires pénales, des grâces et de la détection du crime au ministère de la Justice revient pour Maroc Hebdo sur les prémisses de ce projet de loi et les perspectives d’exécution des peines alternatives.

Qu’est-ce qui a conduit à l’adoption du projet de loi sur les peines alternatives ?
L’une des principales raisons qui a conduit à l’adoption de ce projet est de trouver une alternative à l’incarcération à travers des procédures simples et selon une approche de réhabilitation et d’intégration, tout en inculquant aux condamnés l’esprit de citoyenneté, de devoir et d’engagement. Les peines alternatives occupent une place importante dans les orientations de la politique pénale contemporaine, et de nombreux pays ont rapidement adopté ces mesures afin de réduire les écueils des peines privatives de liberté pour les délits mineurs.

Cela est particulièrement lié au fait qu’elles ne parviennent pas à dissuader efficacement les délinquants de passer à l’acte, en raison de la surpopulation carcérale et des difficultés auxquelles les condamnés sont confrontés en prison, ce qui impacte leur réintégration sociale et l’efficacité des programmes de réhabilitation. Le Maroc a pris beaucoup de retard dans l’adoption des peines alternatives malgré les nombreux appels dans ce sens, notamment les recommandations de l’Instance Équité et Réconciliation, le discours royal du 20 août 2009 à l’occasion du 56e anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, le débat de Meknès sur la politique pénale en 2004... en plus des propositions avancées par de nombreuses institutions et organismes concernés tels que le Conseil National des Droits de l’Homme, l’Association des barreaux du Maroc et de nombreuses organisations de la société civile.

Quelles sont les nouveautés apportées par le projet de loi n°43.22 relatif aux peines alternatives ?
Le texte de loi introduit des évolutions importantes en matière de politique pénale, notamment en ce qui concerne la promotion de la justice réparatrice en ajoutant une peine de réparation des dommages causés par le crime ; l’élargissement du champ d’application des peines alternatives pour les peines n’excédant pas cinq ans d’emprisonnement (contre trois ans dans l’ancienne version du projet de loi) ; l’impossibilité de bénéficier de peines alternatives en cas de récidive, dans le but d’assurer l’effet dissuasif souhaité. Il y a aussi l’attribution de la supervision générale des peines alternatives à la délégation générale de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion ; la surveillance de l’exécution des peines alternatives et la gestion des conflits liés à cela par un juge d’application des peines ou encore la mise en place de mesures incitatives pour les bénéficiaires en cas de bonne exécution, telles que la réduction de la durée de la peine.

Pourquoi l’approbation du projet de loi a pris autant de retard ?
Comme vous le savez, tout projet de loi passe par plusieurs étapes et instances et à chaque étape, des discussions spécifiques peuvent survenir, des modifications ou des changements peuvent être apportés... Ces procédures législatives sont souvent complexes et impliquent la participation de différentes parties prenantes. Des débats peuvent émerger, des intérêts divergents peuvent être exprimés, ce qui peut entraîner des retards dans l’approbation du projet. De plus, les priorités politiques et les contraintes administratives peuvent également influencer le calendrier d’adoption d’un projet de loi.

En ce qui concerne le projet de loi sur les peines alternatives, le retard a été intentionnel afin de le soumettre à une commission technique chargée d’approfondir les discussions et les études sur certains points importants. Il était nécessaire de débattre de la nécessité de maintenir l’amende journalière et de la possibilité d’élargir le champ des peines alternatives à plus de trois ans, ainsi que de déterminer l’entité chargée de superviser ce vaste projet. Je pense que ce retard a été bénéfique pour le texte, grâce aux modifications importantes demandées, qui sont le fruit d’une coordination gouvernementale bien établie.

Quelles sont les difficultés auxquelles les juges pourraient être confrontés dans la mise en oeuvre de ces peines alternatives ?
La principale difficulté à laquelle les juges pourraient faire face est liée au processus d’exécution, qui nécessite une préparation minutieuse et une coordination préalable pour créer les conditions favorables à l’exécution des peines alternatives. Il est inconcevable, par exemple, qu’un juge prononce une peine alternative sans trouver un lieu approprié pour son exécution. De plus, certains cas qui pourraient entraver la mise en place de ces peines alternatives sont ceux où il n’y a pas de dénonciation, et malheureusement, ces derniers sont nombreux et peuvent empêcher la prononciation des peines alternatives.

Est-ce que ces peines alternatives peuvent conduire à une forme de pratiques corruptives ?
Certainement, là où la surveillance est absente et les conditions favorables à la bonne exécution des peines alternatives défaillantes, ce genre de pratiques peut se développer. Établir des contrôles et un suivi de leur exécution est nécessaire pour éviter le chaos, comme cela s’est produit en France il y a deux ans. Il a été découvert que de nombreux condamnés à des peines alternatives qui ont bénéficié du travail d’intérêt général n’exécutaient pas leur peine. C’est ainsi qu’il a été décidé de créer une commission locale chargée de suivre leur exécution.

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