"Le fou du roi" de Mahi Binebine



Dans son dernier roman, Le fou du roi, édition le Fennec, Mahi Binebine nous met dans la peau de son père, c’est lui-même le narrateur. Son métier: faire rire le roi.
On le vit, on le voit, «le fou du roi» est un homme fou amoureux de son monarque.
Il est prêt à donner sa peau pour le bien- être de son maître. Tragédie: son fils aîné, lui, croule dans les geôles de Tazmamart pour avoir participé à un putsch contre ce même roi tant chéri. C’est dans ce monde cornélien, dans les entrailles mystérieuses de cette cour où anges et démons cohabitent étroitement autant que la vie et la mort, le succès et la disgrâce, que Binebine réussit à nous introduire dessinant les portraits de ses personnages avec profondeur et minutie, donnant à voir la mathématique mentale et spirituelle qui fait agir chacun.

On comprend le père qui a renié publiquement son fils, on comprend le bourreau autant que la victime, le tyran autant que le tyrannisé... Nous sommes toujours à la limite des extrêmes, le tout sans qu’aucun jugement ne soit porté sur aucune partie que ce soit par l’écrivain. On reconnaît là le style de Mahi Binebine déjà rencontré dans son roman Les étoiles de Sidi Moumen, qui a fait objet d’une adaptation au cinéma par Nabil Ayouch et où il était question du parcours des kamikazes des attentats du 16 mai 2003, à Casablanca.

Dans « Le fou du roi », on suit le parcours de Mohamed ce conteur, érudit, initié à la poésie par Ben Brahim, un homme aux penchants peu orthodoxes qui officiait dans la cour du pacha El Glaoui.

On atterrit au milieu d’une horde de courtisans en concurrence impitoyable parmi lesquels « Lafqih Mohamed » s’est distingué par son esprit habile pour tirer le roi de sa gravité, comme par miracle.

Le fou vous soutire des éclats si ce n’est des fous rires dès les premières pages de ce roman en grande partie autobiographique et ponctué par des allusions à des faits ou anecdotes en lien avec l’Histoire du pays : la marche verte, visite d’Oum Kalthoum, occupation, années de plomb, la maladie du roi…

Binebine nous livre une vision de l’intimité du palais où il arrive à certains moments que le sceptre du pouvoir se confond entre le roi et le bouffon.

Une vision certes romancée, mais qui témoigne d’une époque, d’un style de règne, celui d’un roi qui aime la compagnie des artistes. « Ces êtres à part, sensibles, d’apparence joyeuse mais soufrant d’un mal-être ancestral, ils sont d’une susceptibilité maladive, dominé par un ego démesuré, ils sont forts et fragiles à la fois. Mais vois-tu, je ne me suis jamais aussi bien senti qu’en leur compagnie », dit le roi dans l’une des dernières pages du livre. Au final, on peut considérer cet ouvrage comme un hommage de Mahi Binebine à la figure du père : ce père, ce conteur dont l’écrivain est l'héritier, puis le père de la Nation, le roi, et enfin ses pairs, ces artistes si inspirants.

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