DES CHANTIERS PRIORITAIRES EN POST-COVID !

Emploi, entrepreneuriat, déconcentration, régionalisation…

La crise qui a frappé le monde entier a d’abord touché les régions, et la sortie de cette crise doit se faire avec ces dernières.

Au moment où la crise pandémique du Covid-19 pointait du nez sous nos cieux, notre pays était engagé dans une multitude de réformes à même de dynamiser la croissance, de booster l’investissement et lutter contre l’exclusion professionnelle et sociale. Parallèlement à la réflexion nationale menée autour du nouveau modèle de développement et l’installation d’une commission spéciale tenue d’en livrer la quintessence, de nouveaux chantiers économiques et sociaux ont été ouverts, signifiant que le processus de rattrapage des déficits hérités du modèle actuel est bien entamé.

Le dernier chantier en date est le «Programme intégré d’appui et de financement des entreprises», consacrant la vision de l’Etat de l’entrepreneuriat, comme moyen incontournable de création d’emplois et de richesse. Il intervient dans un contexte caractérisé par un climat des affaires en nette amélioration, plaçant le Maroc en 2019 à la 53ème place sur 190 pays. Visant la levée des barrières qui freinent l’action entrepreneuriale, entravent l’initiative privée et induisent la confusion et la méfiance auprès des jeunes entrepreneurs, ce programme qui dépasse la seule issue du financement, tente de structurer et rendre plus visible l’écosystème entrepreneurial, aussi bien aux TPME et auto-entrepreneurs qu’aux porteurs de projets.

Pour accompagner l’investissement et réduire la lourdeur et l’inefficience dont souffre l’administration, la réforme des centres régionaux d’investissement (CRI), ainsi que la déclinaison de la charte de déconcentration se sont avérées nécessaires. La réforme des CRI, érigés à l’occasion en établissements publics autonomes, a constitué une véritable rupture censée changer le visage de l’investissement régional. Plus qu’un guichet unique, ces derniers ont désormais en charge l’accompagnement tout au long du cycle de vie des entreprises, ainsi que l’impulsion économique et la promotion de l’investissement à l’échelon régional.

Simplification des procédures
La déconcentration, quant à elle, permettra, à travers la réorganisation des services territoriaux, de simplifier les procédures et de rapprocher les prestations des entreprises, pour plus d’équité et d’efficacité, d’autant plus qu’un nouveau texte de loi sur la simplification des procédures et formalités administratives vient d’être adopté. Ce dernier va encadrer davantage l’action des services publics, notamment au niveau des territoires, et promouvoir un climat de confiance entre administrations et usagers, dont les jeunes porteurs de projets.

Afin de développer notre capital humain, une réforme de la formation professionnelle est entamée, et devrait apporter une meilleure réponse aux besoins du marché de l’emploi, en adéquation avec les politiques publiques. Cette réforme qui vise à mettre à niveau l’offre de formation et à diversifier et valoriser les métiers, donne lieu à la naissance des centres des métiers et des compétences qui seront créés dans toutes les régions du Royaume. Ils constitueront une réponse plus proche des besoins des territoires en matière de compétences, pour accompagner le développement économique des régions.

L’INDH, dont le programme d’inclusion économique constitue un levier à la promotion des initiatives territoriales pour l’emploi, inaugure sa troisième phase. Avec une approche articulée autour de l’analyse des chaînes de valeur et la promotion des acteurs économiques, cette phase de l’Initiative tente d’améliorer l’impact des projets et créer de la valeur durable.

C’est dans cet élan et ce dynamisme que le Maroc va malencontreusement découvrir le nouveau Coronavirus sur son chemin. La crise va nous montrer que nos choix sont pertinents, rationnels et long-termistes, reste à rétablir la confiance. Recouvrées en bonne partie à l’occasion, grâce à la riposte à visage humain de l’Etat à la pandémie, la confiance et la paix sociale seront nécessaires à notre pays pour la phase de redressement. Les effets de la crise vont en effet se sentir dans le temps, sur les entreprises et les ménages, sur l’emploi et l’épargne, sur le moral des citoyens et le bien-être de la société. La solidarité sociale et spatiale sera alors de mise, et le curseur est à placer du côté des plus vulnérables.

Si cette crise a besoin d’une bonne gestion, elle a davantage besoin d’une bonne gouvernance. L’option démocratique, garantie par la Constitution, nous impose de larges concertations autour des choix stratégiques de l’après-crise sans ambiguïté, ni opacité, loin de toute hésitation ou tergiversation. Clairvoyance dans la vision, cohérence dans la décision et harmonie dans l’action seront les clés de l’étape qui suit.

Aussi, l’un des chantiers majeurs de l’après-covid est la poursuite des réformes de la régionalisation avancée. Espace d’exercice de la démocratie par excellence, niveau de précision et de pertinence des priorités, cadre d’investissement dans la proximité, la région devrait continuer à constituer une priorité pour le développement économique et social de notre pays, particulièrement durant cette phase de relance.

En effet, la crise qui a frappé le monde entier a d’abord touché les régions, et la sortie de cette crise doit se faire avec ces dernières. Elles devraient être consultées pour l’élaboration du plan national de relance, et dans sa mise en oeuvre, impliquées, afin d’en garantir l’impact et l’appropriation au niveau des territoires et des populations.

Relancer les secteurs moteurs de l’économie régionale, agir sur les facteurs de compétitivité territoriale, va permettre aux régions de jouer un rôle déterminant dans la dynamique de redéfinition des chaînes de valeur et de repositionnement dans le nouvel ordre géo-économique mondial.

Cette crise peut s’avérer une opportunité pour accélérer les réformes de la décentralisation et de la démocratie régionale et locale, en parfaite harmonie avec tous les autres chantiers précités. Aussi, un partenariat Etat-Région fort avec un arbitrage pertinent sur le partage des compétences pourrait apporter les bonnes réponses à la crise à moyen-terme.

L’encouragement de l’entrepreneuriat, le soutien des initiatives locales des jeunes, le développement de la formation professionnelle, la maîtrise des technologies et l’accélération de la transformation digitale, l’investissement dans l’économie verte et l’économie rurale sont autant de chantiers sur lesquels Etat et régions pourront travailler main dans la main pour sortir de la crise et installer définitivement le Maroc sur la voie des pays émergents.

PAR ANASS DOUKKALI, Universitaire, Ancien ministre.

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