Entretien avec Chakib Al Khayari, acteur associatif du Rif

Chakib Al Khayari : "L’idée de séparation du Rif du reste du Maroc n’a jamais trouvé sa place dans l’histoire de cette région"

Chakib Al Khayari ne mâche pas ses mots : ceux qui se sont rendus en Algérie pour inaugurer une soi-disant représentation du Rif sont tout simplement des traîtres.


Comment avez-vous appris l’ouverture d’une représentation du Rif à Alger ?
Lorsque j’ai appris l’ouverture de ce qui est appelé «la représentation du Rif en Algérie», le 3 mars 2024, je n’ai pas été surpris car j’avais déjà exposé dans un article la relation entre ce groupe et les dirigeants algériens ainsi que leurs objectifs. Cependant, la promotion faite par ce groupe est bonne dans la mesure où elle révèle leur faiblesse intellectuelle et donc la faiblesse de l’Algérie dans la gestion des conspirations contre notre pays.

D’après vous, les dirigeants algériens sontils conscients de la gravité de leur acte ?
Ce que les dirigeants algériens ignorent, c’est que la question de la République du Rif ne constitue aucunement une contrainte pour l’État marocain, mais elle est considérée comme faisant partie de la mémoire collective marocaine. En effet, le rapport élaboré par l’Agence de développement des régions du Nord, une institution publique marocaine, et le Bureau des Nations unies contre la drogue et le crime en 2003 sur la production de cannabis au Maroc, indique ce qui suit : « Durant les cinq ans pendant lesquels Abdelkrim maintint dans le Rif un Etat indépendant (1921-1926), la production de cannabis diminua notablement sous l’influence de ce chef berbère qui considérait que la consommation de cannabis était contraire aux préceptes du Coran. Après la défaite du chef rebelle, les autorités espagnoles consentirent, pour amadouer les tribus de l’intérieur d’Al Hoceima, à la culture du cannabis autour du noyau initial de Kétama.

Comment peut-on interpréter l’ouverture d’un tel bureau à Alger ?
L’ouverture de cette entité soulève certainement des questions sur les intentions d’Alger. Est-ce en raison de sa défaite dans le dossier du Sahara marocain qui est une finalité attendue ? Ce qui est certain, c’est que cela n’est plus pour les yeux des Rifains. Il est plausible qu’Alger cherche à créer des tensions partout, comme c’est le cas au Mali, en Mauritanie et dans d’autres pays, pour affaiblir les pays, afin que le peuple algérien ne se voie pas dépassé par des pays qui n’ont pas ses moyens naturels. Mais cela ne peut pas affaiblir le Maroc car ce plan est basé sur des mensonges historiques qui contredisent la réalité dans le Rif.

L’idée de séparation du Rif du reste du Maroc n’a jamais trouvé sa place dans l’histoire de cette région. Et peut-être qu’ils n’ont pas remarqué que les Rifains à Al Hoceïma, en particulier, ont brandi le 18 mai 2017, lors du pic du mouvement connu sous le nom de «Hirak Rif», une immense pancarte portant le slogan «Nous ne sommes pas séparatistes», qui était le titre de la plus grande marche organisée à l’époque, à laquelle ont participé, selon les organisateurs, environ 40 000 habitants de la ville.

On reproche à certains Rifains de vouloir refaire vivre la République proclamée par Abdelkrim….
Il faut mettre les choses dans leur contexte : M. Khattabi lui-même a déjà déclaré que l’objectif de la création de l’État indépendant du Rif, comme il l’a dit dans un entretien avec le magazine égyptien «Akhbar Sa’a» le 24 avril 1957 : «J’étais convaincu qu’un désaccord entre moi et le Sultan ne profiterait qu’à l’étranger oppresseur. J’ai donc envoyé un émissaire spécial pour lui confirmer que notre révolution vise uniquement à chasser cet étranger de notre pays. L’envoyé était mon parent, nommé Boujibar (...) et j’ai envoyé avec l’envoyé un cadeau au Sultan Youssouf, composé d’un pur-sang arabe et de nombreux autres cadeaux. L’émissaire est parti, mais les Français l’ont guetté jusqu’à ce qu’ils l’arrêtent avant qu’il n’atteigne le Sultan, puis ils l’ont ramené à nos lignes avec le cheval et les cadeaux».

Selon Mohammed Azrakan, ministre des Affaires étrangères du gouvernement du Rif, dans ses mémoires «L’ombre du Rif dans la lutte du Rif» écrites en 1926, le Prince Khattabi s’est adressé à ceux qui l’ont reconnu comme prince du Rif en disant : «Et dans mon intention, j’écrirai également au Sultan notre maître Youssouf, lui adressant un cadeau selon les circonstances, pour qu’il réalise que nous sommes soumis à ses ordres dictés par la religion, en particulier depuis votre allégeance envers nous, afin qu’il ne pense pas que nous désobéissons, et avec la lettre qu’il comprendra que ce malentendu disparaîtra de la noblesse».

En tant qu’acteur associatif, comment qualifiez- vous ce groupe de Rifains qui est allé à Alger ?
En tant qu’acteur associatif du Rif, je considère que ce groupe de Rifains trahit son pays et l’opinion publique en falsifiant des faits historiques, il est crucial que tout le monde comprenne que ces individus sont en dehors du contexte rifain. Ce groupe suit actuellement le même chemin que celui qui a été emprunté par des gauchistes dans le passé en choisissant de se placer sous l’égide de l’Algérie et de la Libye. Leur profil est également très médiocre. Le Rif regorge de talents dans divers domaines, que ce soit des personnes résidents au Maroc ou à l’étranger, et qui ont toujours choisi de travailler pour apporter un changement positif dans la région par des moyens pacifiques et militants. Ils cherchent à sortir la région de ce qui était autrefois appelé «Maroc inutile», et ces démarches avancent avec constance.

Articles similaires