Au fil des campagnes, Zoulikha Nasri est devenue le maestro de tout ce qui revêt un caractère social. Placide et le ton ferme, cette Oujdie de naissance dissimule une détermination sans faille. On lui reconnaît sa capacité de synthèse, d’analyse et son penchant pour les détails les plus anodins qui soient.
Cheveux noirs courts, continûment bien entretenus. Teint mat, regard d’acier et observateur. Vêtue de couleurs sombres, souvent une jupe dépassant les genoux assortie d’une veste. De petite taille, Zoulikha Nasri est rarement souriante, toujours la première sur les lieux des opérations.
Supervisions et recommandations aux personnels présents sur les lieux, les dernières retouches avant l’heure H, celle de l’arrivée du cortège royal et le baptême d’un orphelinat, foyer d’étudiants ou hôpital.
Elle accompagne le Roi, en veillant à fournir des explications quand c’est nécessaire, sinon, elle se contente de contempler les réalisations comme n’importe quel autre convive. À la fin de chaque opération qu’elle chapeaute, elle reçoit les félicitations des hauts responsables de l’Etat, «Tbarka lah alik a lala (bravo), c’était merveilleux». D’un sourire timide, elle réplique en marmonnant un mot de politesse avant de s’éclipser.
Juge
Elle est la première dame à être nommée conseiller de SM le Roi et membre du conseil d'administration de la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, Zoulikha Nasri. D’une main en fer, elle gère les dossiers qui lui sont confiés. Quoique rien ne la destine à ce métier des oeuvres sociales, Zoulikha a montré son savoir-faire. Zoulikha Nasri, ou la «bosseuse», un sobriquet donné par son entourage, a gravi les échelons jusqu’à atteindre le sommet. Conseillère de SM le Roi, elle est la première femme à porter ce titre au Maroc. Son nom figure en tête de cette nouvelle liste où trônent des noms de Marocaines, pionnières dans un domaine de leurs spécialités.
Née à Oujda en 1935, Zoulikha Nasri partait pour être juge pour enfants. Un rêve d’enfance que les fonctions exercées au début du chemin professionnel ne confirment pas. Titulaire d'un doctorat d'État en droit privé de l'Institut des assurances de Lyon (France), elle intègre le ministère des Finances en tant que fonctionnaire. Zoulikha Nasri n’est pas la personne à se satisfaire de ce poste. Elle gravit les échelons, jusqu'à sa nomination, en 1994, à la tête de la Direction des assurances, un terrain où rares étaient les femmes qui s’y aventuraient, voire inexistantes. Un domaine pluridisciplinaire où elle fut appelée à s’ouvrir sur l’agriculture, les conventions internationales et le droit, sa prédilection.
Assurances
À cette direction, elle réservait les matinées de samedi à l’université où elle enseignait des cours de droit des assurances durant 4 heures non-stop. Même dimanche elle se rendait à son bureau, «pour ne pas surcharger les jours de la semaine, déjà pleines», disait-elle.
Quelques années plus tard, précisément en 1997, elle est nommée secrétaire d'Etat à l'Entraide nationale. Elle faisait partie d’un peloton de femmes qui font leur première traversée gouvernementale. Sa principale tâche, c’était les enfants de la rue. Pour réussir son affaire, elle a parié sur la coordination entre les différents départements pour assembler les efforts. De surcroît, elle parvient à rallier les ONG et les départements gouvernemantaux autour de la cause qu’elle défend.
Jusqu’à ce jour, Zoulikha Nasri a su rester loin des regards curieux des caméras. Cela ne durera pas longtemps. La première semaine de solidarité contre la pauvreté en 1997 la mettra sur le devant de la scène. Son entrée politique venait d’être effectuée, avec brio. Sept mois en tant que secrétaire d'Etat à l'Entraide nationale étaient suffisants pour rejoindre le cabinet royal où elle a collaboré à la création de la Fondation Mohammed-V, chargée de gérer la collecte et l'affectation des fonds. Ainsi elle sort de l’anonymat pour toujours. Avec l’avènement de Mohammed VI, elle est confirmée dans ses attributions. Au fil des campagnes, elle est devenue le maestro des oeuvres sociales, et tout ce qui revêt ce caractère. Elle surfe sur cet océan social avec l’aisance et le doigté d’un expert.
Placide et le ton ferme, Zoulikha Nasri dissimule une détermination sans faille. On lui reconnaît sa capacité de synthèse, d’analyse et son penchant pour les détails les plus anodins qui soient. Aucune démarche ne peut être entamée sans élaboration d’un plan d’action.
Qualités
Première à arriver au bureau, et «dernière à le quitter», assure-t-on, intègre, sérieuse, on lui égrène les mérites. «Une femme dynamique qui ne pense qu’à son boulot et la manière d’être utile», explique son assistante et sa compagne de route depuis 30 ans. Pour certains, elle a un seul bémol: C’est une perfectionniste au point de tout vouloir chambouler et remettre en ordre dans un temps record. Certains de ses collaborateurs n’arrivant pas à suivre le rythme, jettent l’éponge. Assurant le suivi des activités sociales, son image est associée à tout ce qui intéresse, de près ou de loin, le social.
Et malgré la médiatisation et le tapage qui accompagne son domaine, elle s’arrange pour rester à l’abri des polémiques et des commérages, se dérobe aux projecteurs des médias. Ce caractère peu causant et discret a délié les langues de certains au point d’être qualifié d’arrogante. «C’est une femme d’action, la parlotte n’est pas sa spécialité», disent ses proches. Une femme peu discoureuse, une femme de terrain et d’action, le «prototype des bosseurs». Et qui dit social dit droits de la femme et de la famille. À ce sujet, Zoulikha Nasri a toujours montré de l’intérêt. En ardent défenseur de la cause féminine et de la famille, elle a réuni, avant l’annonce de la réforme de la Moudawana, les militantes et les défenseurs de la cause féminine et de la famille, une préparation morale avant l’annonce officielle.
Ses tendances politiques vous dites? c’est l’efficacité et le labeur, d’abord et toujours.
Amal Baba Ali