“Notre défense était en béton”
Interview. Le Tribunal arbitral du sport (TAS) a annulé, jeudi 2 avril 2015, les sanctions prises par la Confédération africaine de football (CAF) à l’encontre de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), suite à sa demande de report de la CAN 2015. Me. Youssef Hassouni, du cabinet Jeantet, mandaté par la FRMF pour défendre le dossier marocain, s’exprime sur le déroulement de l’affaire et les retombées de la décision du TAS.
Maroc Hebdo: Le Maroc a eu gain de cause auprès du TAS, dans l’affaire qui l’opposait à la CAF. Comment avez-vous obtenu ce résultat? Quels ont été les points forts du dossier marocain?

Youssef Hassouni: Il ne faut pas se borner à dire ou à penser que “le Maroc a obtenu gain de cause” et “que la CAF a perdu”. Ce n’est pas une logique constructive. Le TAS a statué sur un ensemble de questions de droit qui lui avaient été posées. Nous avons préparé une argumentation à 360° qui couvrait l’ensemble de ces questions. Cependant, je suis convaincu qu’il n’est pas nécessaire de s’attarder sur la complexité juridique du dossier. Il faut préparer l’avenir. D’ailleurs, la décision du TAS a surtout rappelé, tant à la FRMF qu’à la CAF, qu’elles faisaient toutes deux parties de la grande famille du football africain, que nous espérons aujourd’hui réconciliée. Je pense que notre force (nous, Marocains) a été de constituer une équipe qui s’est montrée à la hauteur de la tâche qui lui avait été confiée. Sa motivation, son sens du devoir et son exemplarité humaine ont largement facilité la tâche des avocats que nous sommes. C’est principalement grâce à cette équipe, dont les dirigeants de la Fédération, que nous avons obtenu ce résultat. Notre défense était en béton.
Au-delà du procès et de son déroulement, comment voyez-vous la période à venir? Quels seront les effets de la décision du TAS sur le football national?
Youssef Hassouni: les effets de la décision du TAS sur le football national seront nécessairement positifs puisque notre Équipe nationale pourra participer aux éliminatoires des CAN 2017 et 2019. C’est toute une génération de footballeurs marocains qui risquait d’être sacrifiée au moment même où cette équipe arrivait à maturité. Je suis convaincu que ces joueurs nous feront vivre, tout au long des années à venir, de grands moments de football.
Comment s’est déroulé le procès… les coulisses, les négociations? Estce que vous étiez en contact direct avec les représentants de la CAF?
Youssef Hassouni: Il n’y a pas eu de coulisses! Notre Cabinet, Jeantet Associés, a été mandaté pour représenter la FRMF dans le cadre d’une procédure arbitrale. Le règlement du TAS insiste sur le caractère confidentiel des procédures qu’il couvre. Nous avons travaillé le fond du dossier. En somme, nous avons fait notre travail d’avocats et nous en sommes ravis. Chaque membre de l’équipe s’est consacré exclusivement à ce dossier pendant 3 mois. Nous avons tenu de nombreuses réunions à Rabat et à Paris avec les représentants de la FRMF et du ministère la Santé afin de perfectionner juridiquement et scientifiquement la stratégie à mettre en place. Nous regrettons le manque de confiance qui a été témoigné par quelques médias à certains représentants de la FRMF alors même que ces derniers ne ménageaient ni leur temps ni leurs efforts pour tenter de rétablir les footballeurs marocains dans leurs droits. La décision du TAS leur a également rendu justice.
La CAF a pris acte de la décision du TAS. Pensez-vous que les relations de l’instance du football africain avec le Maroc vont retourner à la normale?
Youssef Hassouni: Nous l’espérons du fond du coeur. Il faut maintenant faire place au sport et regarder vers l’avenir.
La CAF peut faire appel contre la décision du TAS d’annuler les dommages-intérêts infligés au Maroc. Ce scénario est-il concevable?
Youssef Hassouni: La décision du TAS est insusceptible de recours. Elle est définitive pour ce qui concerne les aspects relevant de la compétence du TAS. Saisir une autre juridiction sur d’autres fondements est une possibilité technique. Cela contribuera-t-il à “promouvoir le football au niveau africain”, comme c’est stipulé au Préambule du Règlement même de la CAF? Je ne le crois pas!
Est-ce que la dimension “affaire nationale” était présente dans votre esprit depuis que vous avez décroché la défense du dossier marocain, jusqu’à la décision du TAS?
Youssef Hassouni: Elle était présente dans l’esprit de tous les avocats que nous avons sélectionnés dans notre Cabinet pour assurer la bonne fin de ce dossier. Cela a d’ailleurs été, je crois, un élément déterminant dans l’esprit de la FRMF. Il suffit de voir les références de nos avocats, leurs anciennes fonctions ou leurs caractéristiques personnelles, pour comprendre que cela a été le cas.
Pour ce qui me concerne, que la question ne se même pose pas. Elle ne se pose pas non plus pour Laurent Sablé, marié à une Marocaine. Le sens de l’Etat et des responsabilités de Michel Boyon (Conseiller d’Etat honoraire, directeur, entre octobre 2003 et juin 2005, du cabinet de Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre français) et Yves Repiquet (ancien Bâtonnier de Paris) sont de notoriété publique. Leur attachement au Maroc n’est plus à prouver.
D’ailleurs, notre Cabinet n’est pas un cabinet étranger, comme cela a été dit. Jeant et Associés est un cabinet franco-marocain, puisque nous disposons d’un Bureau à Casablanca, composé, notamment, d’avocats marocains venant d’horizons culturels et académiques différents.
L’ensemble des avocats de Jeant et Associés sont fiers d’avoir pu modestement contribuer à ce résultat.