En sa qualité de président du Conseil national de la presse (CNP), Younes Mjahed nous livre ses impressions sur la politisation du drame par une certaine presse française.

En France, certains médias ont politisé le drame lié au séisme d’Al-Haouz pour en faire une polémique centrée sur le « refus » de l’aide française. Quelle a été votre réaction ?
Je suis d’abord étonné par le traitement médiatique politisé du séisme d’Al-Haouz. Je ne comprends pas comment et pourquoi certains médias français se sont focalisées sur la réponse à cette question de savoir « Pourquoi le Maroc n’a pas répondu jusqu’à présent à l’aide française », au lieu de se concentrer sur la tragédie elle-même et les efforts fournis par le Maroc pour en atténuer les répercussions. Comme si l’aide de la France allait changer la donne. C’est un complexe colonial français à l’égard du Maroc voire de toute l’Afrique. Une chose est sûre, ces médias ont créé un faux problème pour nourrir une polémique imaginaire.

Certaines chaînes de télévision, des radios et des journaux sont allés jusqu’à faire un parallèle entre le «refus » ou le « retard » de l’acceptation de l’aide de la France et la brouille diplomatique entre Paris et Rabat, tandis que d’autres ont prétendu que si le Maroc n’accepte pas l’aide française, il y aurai plus de pertes humaines. C’est absurde ! Des journaux ont, pour leur part, essayé d’attaquer le Maroc par des articles et des caricatures qui ont suscité l’indignation des Marocains. C’est tout sauf professionnel ! Ce qu’il faut savoir, c’est que le Maroc est un pays souverain qui organise comme il veut les propositions d’aide internationales en fonction de ses besoins et aussi en fonction de ses relations politiques et diplomatiques. C’est son plein droit. Même les Etats-Unis, pays allié, qui a lui aussi proposé son aide, ne s’en est pas offusqué comme l’a fait la France et ses médias.

On dirait que ces médias relayaient le même discours stigmatisant le Maroc. Qu’en dites-vous ?
Ce qui se passe est grave. En France, chaque fois qu’un sujet d’actualité a trait à l’Afrique, aux Musulmans, aux immigrés…, on constate qu’il y a un discours unique, une vision unique, comme un parti unique qui diffuse la même idéologie formatée.

Pourtant, au sein de ces médias et de la société française, il existe une pluralité et une diversité qui débat du choix et de l’angle de traitement des sujets. Pourquoi on n’entend plus ces voix ?
Sincèrement, je me demande où est la démocratie rédactionnelle et quel rôle pour les salles de rédaction et les comités de rédaction qui doivent veiller au respect de la déontologie professionnelle et décider des informations à diffuser au peuple français. Où est passée la diversité et la pluralité médiatique ? On dirait que celles-ci s’effacent et disparaissent au-delà des frontières de l’occident. C’est pour cette raison que je dis que c’est un problème des médias français qui doivent définir eux-mêmes ce qu’ils offrent à leur société. Cela doit être débattu en son sein en tout cas. Je sais qu’il y a de bons journalistes, de bons analystes et des personnalités politiques et diplomatiques qui se respectent en France, qui peuvent lancer un débat sérieux sur ce sujet…, mais il paraît que leurs voix ont été étouffées.

Le président français Emmanuel Macron a tenté dans des publications sur les réseaux sociaux de tempérer la polémique créée par certains médias français sur l’aide française. Quel est, selon vous, l’enjeu de l’Elysée ?
La polémique médiatique a pris des proportions telles que le président français, Emmanuel Macron, a diffusé une vidéo sur son compte “X” ( ex Twitter), pour tempérer l’acharnement des médias de son pays contre le Maroc. C’est la deuxième fois que le président français parle des médias de son pays ces derniers jours, et surtout des médias publics. En tout cas, on a le droit de se demander si ce n’est pas un double jeu de l’Elysée. Pour être plus sérieux, il faut ouvrir un débat franc sur l’attitude de plusieurs médias en France, vis à vis du Maroc, de l’Afrique et des immigrés. Est-ce possible ? La réponse ne peut être donnée que par le peuple français.