Xième congrès de l'USFP au nom de l'objectivité

C’est sur un score de 94% que Driss Lachguar a fini par être réélu, ce qui “pousse tout de même le bouchon un peu trop loin en termes d’unanimisme”.

Dans la foulée de la publication dans notre numéro du 21 janvier 2022 d’un article sur le XIème congrès de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), tenu en format hybride depuis le Complexe Moulay-Rachid de la jeunesse et de l’enfance à Bouznika ces 28, 29 et 30 janvier 2022, nous avons eu droit à une réaction au vitriol de la part de l’entourage du Premier secrétaire du parti, Driss Lachguar.

En cause, le fait que nous ayons rapporté le discours d’un certain nombre de militants, loin, soit dit en passant, de constituer une minorité -encore que même une minorité ne peut être empêchée d’avoir droit de cité-, voulant que M. Lachguar ait tout fait pour s’assurer un troisième mandat. Un membre du bureau politique, dont nous tairons le nom, nous a ainsi accusés de manquer d’objectivité, sur un ton volontairement et ouvertement donneur de leçon, en dépit du fait que dans notre article même nous ayons précisé que nous avions, en vain, tenté de contacter M. Lachguar pour lui donner l’opportunité de présenter sa propre version des faits.

Au final, et comme le dit le célèbre adage, le commentaire est libre, mais les faits restent sacrés, et même têtus: c’est sur un score de 94% que M. Lachguar a fini par être réélu, ce qui, pour citer un ancien dirigeant du parti qui, il le reconnaît, ne porte pas vraiment l’actuel chef ittihadi dans son coeur, “pousse tout de même le bouchon un peu trop loin en termes d’unanimisme”. “Difficile de me convaincre que seuls 6% des votants sont contre vous, autrement vous êtes le Premier secrétaire de l’USFP le plus populaire de l’histoire, devant même Abderrahim Bouabid,” poursuit notre interlocuteur.

Pour rendre à César ce qui appartient à César et, justement, faire preuve d’“objectivité” -celle qui s’astreint à la stricte vérité-, il faut reconnaître à M. Lachguar qu’il a à son actif plusieurs réalisations qui pourraient lui faire dire qu’il est susceptible de mettre d’accord. D’abord, il a permis à l’USFP de quasiment revenir à son niveau de députés de la première moitié des années 2010, après que le nombre de ces derniers ait baissé de moitié suite aux législatives du 7 octobre 2016 (sous, aussi, son leadership, faut-il souligner).

Et même lorsqu’entre 2016 et 2021 il avait à peine de quoi former un groupe parlementaire à la Chambre des représentants, le parti avait réussi à figurer pour la première fois depuis début janvier 2012 au gouvernement et même à mettre la main sur la présidence de la Chambre des représentants, en la personne du président de sa commission administration et ancien ministre, Habib El Malki.

Certes, d’aucuns rétorqueront, et ils n’auront pas tort, que ce dernier succès s’est surtout fait au dépens du Parti de la justice et du développement (PJD), dans le cadre des jeux de pouvoir entre la formation islamiste et le Rassemblement national des indépendants (RNI), qui voulait alors dicter l’issue des consultations pour la formation du cabinet que devait initialement reconduire Abdelilah Benkirane. Mais on pourrait aussi dire qu’il en va ainsi de la politique, et que l’USFP a finalement su, comme un maître, tirer son épingle du jeu. Ce que l’on peut toutefois mettre en question, car qu’on le veuille ou non aucune médaille ne peut prétendre ne pas avoir de revers, c’est le chemin ayant mené au nouveau mandat de M. Lachguar.

D’une part, il y a eu un retournement de veste indéniable de la part du concerné, qui dès mars 2019 avait promis de passer le relais et l’avait depuis lors maintes fois réitéré. Et, il faut le dire, M. Lachguar en est coutumier, lui qui avait par exemple défendu un temps une alliance entre le PJD et l’USFP au sein de la fameuse Koutla, ou bloc historique, conceptualisée par le philosophe Mohamed Abed Al-Jabri, avant de jeter l’idée aux orties une fois devenu ministre chargé des Relations avec le parlement au sein du gouvernement Abbas El Fassi, puis de se faire le porte-voix d’une “troisième alternance” qui exclurait les soi-disant “forces du conservatisme” -c’est-à-dire les islamistes- dont il fera pourtant partie par la suite de la majorité (ouf!).

D’autre part, on ne peut pas nier que le changement du règlement intérieur acté le 18 décembre 2021 par le conseil national de l’USFP, et qui a notamment donné le droit de décider du nom du Premier secrétaire aux membres des secrétariats généraux en lieu et place des congressistes, était d’abord pour lui bénéficier, à telle enseigne que ne se voyant plus de chances d’être élu, le tout récent ministre délégué aux Marocains résidant à l’étranger, Abdelkrim Benatiq, a tout bonnement préféré jeter l’éponge. Souhaitons en tout cas bonne chance à M. Lachguar dans son objectif de refaire de l’USFP le premier parti du pays...

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