À 47 ans, Walid Regragui est déjà l’un des meilleurs entraineurs marocains de l’histoire. En remportant la Ligue des champions d’Afrique avec le Wydad après un parcours exemplaire et une finale parfaitement maîtrisée, l’ancien Lion de l’Atlas confirme son statut de fin tacticien. Beaucoup le voient déjà comme futur sélectionneur du Maroc.
“Performance, performance, performance … Voilà la vraie performance!”, se défend Walid Regragui, avec un ton mêlant joie, rage et enthousiasme, tout en brandissant sa médaille fraîchement acquise. “Ça s’appelle CAF performance! Il faut qu’ils (la presse marocaine) comprennent que de nos jours, le foot c’est l’efficacité”, martèle l’entraîneur du Wydad de Casablanca, clairement soulagé, en conférence de presse juste après sa victoire, au complexe Mohammed V de Casablanca, en finale de la Ligue des champions d’Afrique face à Al Ahly d’Égypte, lundi 30 mai 2021 soir.
Désormais sur le toit du continent pour sa première saison à la tête du WAC, le technicien de 47 ans arrive à peine à cacher son extase. Pour lui, ce titre de Ligue des champions n’est pas uniquement un sacre historique qui a fait vibrer des millions de Marocains, notamment les Wydadis parmi eux, mais aussi une consécration pour sa propre philosophie du football qu’un certaine presse sportive marocaine n’a cessé de critiquer et de remettre en question.
Un immense défi
Si le Wydad est champion d’Afrique pour la troisième fois de son histoire, et leader du championnat avec 4 points d’avance sur son dauphin et rival le Raja à 6 matchs de la fin, c’est en grande partie grâce à la méthode Walid Regragui. Arrivé aux commandes des Rouges l’été dernier, le natif de Corbeil-Essonnes en région parisienne, le 23 septembre 1975, s’est retrouvé devant un immense défi: remettre l’équipe sur les bons rails, après une saison mi-figue mi-raisin. Car même si le Wydad a été sacré champion du Maroc en 2021, les supporters ont très mal vécu l’élimination surprise en demi-finale de C1 africaine contre les Sud-Africains de Kaizer Chiefs. La première étape du chantier de Regragui consistait à instaurer de l’ordre dans les vestiaires avant de s’attaquer aux aspects techniques.
Une mission que le technicien réussira en si peu de temps et avec excellence. Son approche alliant forte personnalité, méritocratie dans ses choix, et proximité humaine et personnelle des joueurs, a insufflé une dynamique positive dans le groupe, devenu largement plus soudé. Si on ajoute à cela son côté blagueur qui rend virales ses sorties médiatiques et surtout son réalisme et son culte de l’efficacité sur le terrain, Walid Regragui se dresse comme un véritable José Mourinho à la sauce marocaine. Mais en plus sympathique et en moins controversé que son confrère portugais.
Et même quand le Wydad se retrouve interdit de recrutement lors du dernier mercato hivernal, Walid Regragui reste confiant. “J’ai des hommes, je leur fais confiance” dit-il au président du club, Saïd Naciri. Le coach rassure par la même occasion les supporters, inquiets pour le reste de la saison, alors que les concurrents sur les plans national et continental continuent à renforcer leurs rangs. Le caractère fort et le sens du leadership, Walid Regragui les a déjà montrés alors qu’il était encore joueur, notamment sous le maillot des Lions de l’Atlas, qu’il a porté entre 2001 et 2009.
Il a été l’un des hommes forts de l’équipe de Badou Zaki qui a disputé la finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) 2004 face au pays hôte, la Tunisie. C’est lui d’ailleurs qui se charge de prononcer un court discours sur le fair-play juste avant cette rencontre. Depuis, Walid Regragui a laissé une belle image dans les esprits des Marocains, à l’instar de toutes les autres pépites de la sélection Zaki. Aussi bien pour son caractère que pour son rendement sur la pelouse. Très actif sur son couloir aussi bien en défense qu’en attaque, l’ancien latéral droit a été même élu dans l’équipe type de la CAN-2004. Pourtant, l’actuel entraîneur du WAC a eu un début de carrière plutôt lent.
Il ne devient pro qu’en 1998 à l’âge de 22 ans avec le Racing de Paris, avant de rejoindre, un an plus tard, le Toulouse FC, qu’il aide à remonter en première division. Les performances du jeune latéral lui valent une première convocation en sélection nationale en 2001 sous le Portugais Humberto Coelho. Il se souviendra toujours de sa première en tant que Lion de l’Atlas: un choc avec l’Égypte (0-0) au Caire, pour le compte des éliminatoires de la Coupe du monde 2002. Walid Regragui continuera d’évoluer en France pour le restant de sa carrière, sauf pour la période 2004-2006, où il porte les couleurs du Racing Santander, en Liga espagnole.
Forcer le respect
Reconverti en entraîneur, Walid Regragui entame sa nouvelle carrière en septembre 2012 en tant qu’adjoint de Rachid Taoussi, à la tête de la sélection nationale, avant que les deux ne quittent leur poste en même temps en octobre 2013. Après une pause d’une année durant laquelle il se livre à l’analyse de matchs sur la chaîne BeIn Sports, Il retrouve le banc pour mener le jeune et ambitieux projet du FUS de Rabat en 2014. La première saison est déjà prometteuse: Walid remporte la Coupe du trône et le titre de meilleur entraîneur dans le championnat marocain. Mais ce n’est que la saison d’après qu’il signe son premier succès majeur, lorsque son équipe chipe le championnat de 2016 au tenant du titre, le Wydad, à la dernière journée.
Depuis, les supporters wydadis ont appris à respecter et apprécier celui qui les a privés de conserver leur titre, au point de le réclamer comme nouvel entraîneur. Le nom de Walid Regragui revient au devant de la scène à chaque fois que la géant casablancais se trouve en crise ou songe à changer d’entraîneur. Cinq ans plus tard, l’union prédestinée entre les deux parties se conclut enfin. Le technicien quitte Duhail, un des clubs les plus titrés au Qatar, pour prendre les rênes du WAC. Une belle histoire qui commence bien, et a de forte chance de connaître encore plus de succès dans les mois, voire les années, à venir. À moins que Walid et les dirigeants de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) ne cèdent aux récents appels d’une grande partie du public marocain qui demande que le jeune technicien remplace l’impopulaire Vahid Halilhodzic à la tête de la sélection.