On annonçait le ministre des Affaires étrangères espagnol, José Manuel Albares, c’est finalement le président du gouvernement de la voisine ibérique lui-même, Pedro Sanchez, qui fait le déplacement ce 7 avril 2022 pour acter la réconciliation définitive avec le Maroc. Une visite qui intervient quelques jours après un appel passé avec le roi Mohammed VI, au cours duquel les deux responsables ont réitéré leur volonté commune de mettre en place “une feuille de route qui consolide la nouvelle étape entre deux pays voisins, partenaires stratégiques, basée sur la transparence, le respect mutuel et le respect des accords” (dixit M. Sanchez, qui s’est exprimé à ce propos sur ses pages sur les réseaux sociaux dans la foulée de l’appel).
Pour le Maroc, c’est exactement ce qui était attendu du bras de fer engagé en avril 2021, après qu’il fut parvenu aux oreilles de ses services de renseignement que le secrétaire général du mouvement séparatiste sahraoui du Front Polisario, Brahim Ghali, venait d’être transporté à un hôpital de la ville espagnole de Logroño pour y être soigné de la Covid-19, dont il venait d’être atteint: que l’Espagne, mais aussi le reste des pays européens, à qui bien évidemment s’adressait également le message, cesse de souffler le chaud et le froid et, en l’espèce, de s’engager dans des actions hostiles à l’intégrité territoriale du Royaume.
Que M. Sanchez tienne compte des intérêts de son pays, cela va de soi; qu’il cherche à maintenir des relations également cordiales avec l’Algérie, dont l’Espagne dépend en grande partie pour son approvisionnement gazier, également; pour autant, lui aussi se devait de respecter les intérêts des autres, et en l’occurrence de la partie marocaine. Comme l’avait souligné le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, dans une interview qu’il a accordée le 1er mai 2021 à l’agence de presse espagnole EFE, les relations avec le Maroc ne peuvent être “à la carte: quand il s’agit de comploter avec l’Algérie et le Polisario, le Maroc sort du radar de l’Espagne, mais quand on parle de migration ou de terrorisme, on redevient importants”.
Et cela, M. Sanchez, ainsi que le reste de la classe politique espagnole, semble l’avoir compris, cette fois; exception faite, bien sûr, des parties viscéralement hostiles au Maroc, notamment aux extrêmes, qu’elles soient de droite (Vox) ou de gauche (Podemos) et qui ont condamné la nouvelle position de l’État espagnol, officialisée le 18 mars 2022 par le biais d’une lettre adressée au roi Mohammed VI, de commencer à considérer l’initiative marocaine pour la négociation d’un statut d’autonomie “comme la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend” autour de la région du Sahara. Il faut donc espérer que l’on ne se retrouve plus dans la situation des douze derniers mois, car si, bien évidemment, la question de l’intégrité territoriale reste une question de principe et qu’il faut la défendre bec et ongles, peu importe les circonstances, il n’en reste pas moins que le Maroc a également tout intérêt à disposer d’excellentes relations avec l’Espagne. Pour lui, cette dernière est, avant tout, sa porte d’entrée vers l’Europe, dont il aspire bien, avec la relocalisation espérée des chaînes de production installées en Chine, devenir l’usine.
Une ambition exprimée fin avril 2020 par le ministre de l’Industrie de l’époque, Moulay Hafid Elalamy, au cours d’entretiens qu’il avait eus avec la vice-présidente exécutive de la commission européenne et commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, et à laquelle celle-ci s’était dite favorable. Et déjà, à son niveau, l’Espagne fait depuis pratiquement dix ans figure de principal partenaire commercial du Maroc, ce qui se traduit par de nombreux investissements dont le total se montait en 2017 (dernier chiffre disponible) à une cinquantaine de milliards de dirhams.
Car il faut dire aussi que dans le sens inverse, les Espagnols voient dans le Maroc un des principaux axes de leur Plan Afrique III, adoptée début mars 2019, et dont l’ambition est d’augmenter la présence espagnole dans un continent, où, en dehors des pays du Maghreb, l’Espagne n’a d’histoire qu’en Guinée équatoriale, colonisée jusqu’en 1968. Tout, participe, en somme à la mise en place d’une zone de coprospérité profitant aux peuples des deux rives du détroit de Gibraltar, marocain et espagnol d’abord mais aussi, sur la péninsule Ibérique, portugais, et de l’autre côté le reste du Maghreb jusqu’au golfe de Guinée. Bientôt une réalité?.