Jusqu’où iront les Américains en Afrique ?
Reportage. Le commandement américain pour l’Afrique (Africom) s’ouvre aux médias. Il vient d’accueillir dans son quartier général à Stuttgart, en Allemagne, du 8 au 12 juin 2015, une délégation de journalistes marocains et tunisiens. L’Africom fait de la lutte contre les organisations terroristes présentes dans le Continent son cheval de bataille.
Au même moment où Berlin, capitale de l’Allemagne, abrite le sommet des sept pays les plus puissants dans le monde (G7), cette foisci sans la Russie, Stuttgart, au sud du pays, accueille une délégation de journalistes marocains et tunisiens, invités par le commandement des Etats- Unis pour l’Afrique (Africom). Ce lundi 8 juin 2015, il fait un temps de grisaille sur Stuttgart, sixième plus grande ville allemande. Le siège central de l’Africom, qui se trouve dans la caserne militaire Kelly Barracks, à quelques kilomètres du centre ville, est niché dans une zone très verdoyante, bordée par des buildings ultrasécurisés. C’est là que sont prises les décisions militaires les plus stratégiques pour l’Afrique.
L’armée la plus puissante
A l’intérieur, les fonctionnaires, pour la plupart en tenue militaire, s’affairent dans une ambiance certes studieuse mais décontractée. La réunion commence à 9h du matin dans une petite salle autour d’une table assez longue. Le porteparole de l’Africom, Chuck Prichard, est le premier officiel de cette structure militaire à s’adresser aux journalistes, pour un exposé consacré à la structure et au fonctionnement de l’armée américaine.
M. Prichard propose une plongée rapide au coeur de l’armée la plus puissante au monde. Il sera aidé par un Marocain, Mustapha Jaouj, polyglotte et haut cadre dans le département des affaires publiques de l’Africom, qui a servi dans l’armée américaine pendant de nombreuses années. Composée de 5 millions de personnes, réparties entre les civils et les militaires, l’armée américaine est commandée par l’autorité militaire suprême des Etats-Unis, incarnée d’abord par le Président et ensuite par le Secrétaire d’Etat à la Défense. Mais ces deux derniers ne peuvent agir que si le Congrès américain donne son aval.
Faire régner la stabilité
Pour accroître leur emprise sur le monde, les Américains ont créé des commandements militaires. Presque un commandement pour chaque continent. Désigné par Africom, le commandement américain pour l’Afrique est le plus récent d’entre eux. Il a été créé en 2007. Seule l’Egypte n’en fait pas partie car elle est sous la responsabilité du commandement américain pour le Proche orient. «La création de l’Africom répond à une situation urgente dans laquelle se trouve le continent africain. Il ne s’agit pas pour nous d’exercer une tutelle militaire sur les pays africains. Mais seulement les aider à renforcer leur capacité militaire et faire ainsi régner la stabilité et la paix dans cette région», explique le général Michael Kingsley, commandant en chef adjoint de l’Africom.
La lutte contre les organisations terroristes présentes en Afrique telles que Boko Haram au Nigeria, Aqmi au Maghreb et Shebab en Somalie; la sécurisation des frontières entre les différents pays ainsi que la lutte contre le trafic de drogue et celui d’armes sont les plus grands défis auxquels l’Africom semble s’attaquer. Les Américains sont-ils capables de combattre tous ces fléaux en Afrique? Beaucoup en doutent. Pour la simple raison que l’Africom existe maintenant depuis 8 ans et les problèmes du terrorisme et du trafic d’armes empirent de jour en jour dans tout le Continent.
Aux Etats-Unis comme au siège de l’Africom, le Maroc est présenté comme un partenaire modèle. «Outre son armée forte et ses équipements militaires de plus en plus modernes, le Maroc représente un partenaire fiable et crédible sur lequel on compte énormément pour réaliser nos objectifs», reconnaît le général Kingsley. Seulement, le partenariat militaire américain avec le Maroc date de plusieurs années.
Manoeuvres militaires
En 2003, bien avant la création de l’Africom, il avait conclu un accord avec l’Etat de l’Utah, dans l’Ouest des Etats-Unis. Ce fut le premier partenariat en Afrique du Nord et également le premier entre un Etat américain et une nation à prédominance musulmane dans la région. Quand le Maroc avait subi un tremblement de terre dévastateur au large d’Al Hoceima en 2004, la Garde nationale de l’Utah avait répondu immédiatement avec une offre d’aide pour les victimes du séisme.
Cette coopération s’est beaucoup développée pour s’étendre aux manoeuvres militaires qui ont lieu plusieurs fois dans notre pays dans le cadre de ce qu’on appelle “Lion Africain”. Les dernières en date ont eu lieu fin mai 2015, à Cap Drâa, au sud du Maroc, en présence du chef du commandement de l’Africom, le général David Rodriguez.
Capacité de projection
Ces manoeuvres sont considérées par le Pentagone comme étant les plus importantes jamais organisées en Afrique. Cette phase aéronavale de l’“African Lion” consiste à tester la capacité de projection des forces aéronavales des deux armées sur les différentes zones de conflit, en temps de guerre comme en temps de paix.
Autres manoeuvres militaires récentes: elles ont eu lieu à Ben Guerrir portant le nom de code “Majestic Eagle”. Mené par l’US Air Force et les Forces royales Air, l’exercice aérien a été l’occasion pour les avions de type F16, acquis fin 2013 par le Maroc, de subir leur première épreuve du feu.
Un autre exercice conjoint de ravitaillement en vol est actuellement en cours de préparation à Ben Guérir, avec un avion ravitailleur américain de type KC135. «Le Maroc possède les meilleures forces aériennes à l’échelle de tout le continent africain», précise un officier supérieur de l’Africom.