L'UNIVERSITÉ DE DÉPERDITION

UN ÉTUDIANT SUR QUATRE QUITTE L’UNIVERSITÉ APRÈS SA PREMIÈRE INSCRIPTION.

Sur un million d’étudiants qui accèdent à l’enseignement supérieur, presque 500.000 le quittent sans diplôme. Un véritable gâchis qui se rajoute à ces 450.000 qui ont déserté l’école publique. Réforme ou pas, les résultats sont éloquents. Notre système éducatif peine à s’améliorer dans le sens d’un meilleur rendement. L’introduction, il y a seize ans, du système Licence, Master, Doctorat (LMD) n’a pas donné les résultats escomptés. Il a abouti à un échec, de l’avis même du Conseil supérieur de l’éducation, la formation et la recherche scientifique, qui vient de publier un rapport d’évaluation de l’architecture LMD. Cette réforme, qui avait suscité, jadis, pleins d’espoirs, a souffert de plusieurs défauts d’application non seulement en matière de contenus mais aussi en matière d’ingénierie pédagogique. En plus, la mobilité et les passerelles censées découler de cette organisation n’ont pas eu lieu. Quant au mécanisme de crédits, un des piliers du système LMD au côté des modules, il n’a pas été déployé, nous disent les auteurs de ce rapport d’évaluation. Or ce mécanisme de crédits devait servir à élargir l’éventail des travaux effectués par l’étudiant: cours, travaux pratiques, sorties de terrain, enquêtes, laboratoires, bibliothèques, rédaction de travaux, etc. au lieu de la notion de cours ou de travaux dirigés (TD).

Malgré cette réforme LMD, l’université marocaine n’en continua pas moins à subir des contraintes structurelles. Contraintes associées à des habitudes de fonctionnement et de gestion qui ont la peau dure. En effet, en moins de quinze ans, l’université a connu une explosion démographique. Elle a vu ses effectifs, notamment dans les filières à accès ouvert (Faculté des Sciences, des Lettres et Sciences humaines et de Droit), multipliés par six, voire plus. À cette massification viennent s’ajouter tout un ensemble de lacunes et de dysfonctionnements au niveau du cycle secondaire. À commencer par le déficit linguistique. Les étudiants qui ont étudié en langue arabe au collège et au lycée qui accèdent au premier cycle de l’université se trouvent confrontés à de sérieuses difficultés pour suivre les cours des filières enseignées en français. L’introduction par la réforme LMD des modules outils dans le cursus (langues, communication) leur a été d’un moindre secours. Peu préparés, ils ont du mal à suivre les cours magistraux. Les efforts de certains enseignants pour les aider à apprendre, et surtout à comprendre, ont été vains. Résultat: énormes difficultés à passer le cap de la première année. Ce qui favorise le décrochage: plus de 25% des étudiants abandonnent leurs études après une année d’inscription. De déperdition en déperdition, seul un tiers en moyenne des étudiants arrivent à obtenir la licence fondamentale.

Cette situation ne semble pas pouvoir changer de sitôt. Et pour cause. Les recrutements d’enseignants compétents se font au compte-gouttes. Et l’université ne dispose ni des moyens pédagogiques, ni des moyens administratifs et encore moins d’une autonomie financière pour assumer son rôle en toute responsabilité. Quant à former des lauréats de qualité, c’est une autre histoire.

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