La population carcérale en nette hausse au Maroc
Une société en bonne santé, où il fait bon vivre en liberté, se mesure à la tendance inversement proportionnelle de sa population carcérale. Cette proportion doit être faible et en diminution constante. Ce qui n’est pas notre cas. Le nombre de prisonniers a augmenté durant les cinq dernières années. Cela fait 80 mille actuellement, au lieu des 70.758 en 2012. Cette hausse est sans commune mesure avec notre accroissement démographique, qui se situe en dessous de la barre des 2%. Autrement dit, nous procréons juste ce qu’il faut pour nous reproduire plus un petit chwia. Par contre, nous envoyons en taule toujours un peu plus.
Cette évolution regrettable a été exposée par le directeur de l’administration pénitentiaire, Mohamed Saleh Tamek, au théâtre Mohammed V, à Rabat, lors d’une célébration de la “journée nationale du prisonnier”. Évidemment, on n’a pas été jusqu’à faire portes ouvertes, mais c’est tout de même une journée tristounette pour un triste constat.
On peut toujours soutenir que même les sociétés les plus économiquement avancées sont malades de leurs prisons surpeuplées, qu’elles ne contrôlent plus. La prison est devenue un lieu de recrutement qui reproduit le motif de l’incarcération.
Une sorte de mondialisation trans-carcérale qui parvient à enjamber les frontières. Cela concerne surtout le terrorisme sous le masque de la religion. Un domaine où l’on nous reconnaît une compétence constamment vérifiée.
En ce qui nous concerne, nous sommes essentiellement confrontés à des délits qui relèvent du droit commun. C’est en cela que ce saut de puce d’un quart d’inculpés de plus, inquiète. Il appelle des interrogations qui tombent sous le sens, dès lors qu’il y va de la sécurité des citoyens et de leurs biens. Comment peut-on dire que nous sommes suffisamment sécurisés, alors que les rafles, du reste bienvenues, mettent la main au collet à un nombre toujours plus grand de malfaiteurs? Pour que l’on rentre dans nos frais de citoyens paisibles, il faudrait que le quart de brigands de plus, enfin neutralisés, correspondent à un minimum d’un quart en moins dans les agressions quotidiennes contre la personne.
Cette relation de cause à effet, en apparence excessivement arithmétique, devrait se traduire par le sentiment de se sentir un peu plus en sécurité dans l’espace public. À l’évidence, ce n’est pas vraiment cette impression que l’on ressent dans la vie de tous les jours. Les “tcharmils” (attaques au couteau) et les assauts sabre au clair (souyoufs), dans les grands boulevards, comme dans les ruelles de la médina, ne semblent pas connaître un quelconque répit. L’effort de sécurisation existe bel et bien, mais tout indique qu’il reste insuffisant dans un combat qui ne s’arrêtera jamais.
Peut-être que le problème est ailleurs. Il est effectivement dans ces mêmes chiffres de l’administration pénitentiaire. La tranche d’âge de 20 à 30 ans compte actuellement 34.254 détenus sur 80 mille, soit 42,8%. Une majorité massive qui donne à craindre pour aujourd’hui comme pour demain. Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, disons que si ces jeunes ont basculé dans la criminalité c’est que déjà, en liberté, ils ont été mis au ban d’une société qui n’a pas pu, ou n’a pas su, les intégrer. Finalement, il n’y a d’autres choix que d’attaquer le problème à la racine ou d’agrandir les pénitenciers