A l’occasion de ses trente ans, REMALD (Revue Marocaine d’Administration Locale et de Développement) a organisé, jeudi 27 octobre 2022, une rencontre-hommage au Professeur Michel Rousset, grand spécialiste du droit administratif et constitutionaliste.
Dans sa préface à cette nouvelle édition du livre Michel Rousset. Une vie marocaine, (1963-2013) que l’on doit à la REMALD -il faut saluer cette initiative- mon collège Mohamed Amine Benabdallah se demande s’il est «besoin de présenter le professeur Michel Rousset au Maroc». Il invoque à bon droit le parcours de ce grand universitaire. Une vie. Une œuvre: d’autres que moi ne vont pas manquer d’en relever les séquences, les problématiques qu’elle a soulevées, les pistes qu’elle a ouvertes ou les éléments de réponse qui y ont été apportés. Voilà pourquoi, je vais aborder autre chose, raconter, témoigner à l’occasion de ce que je pourrais appeler la marque Rousset - un label... Du narratif personnel.
Huit ans d’enseignement à Rabat; cela compte assurément. Mais il faut les intégrer et les mettre en perspective même dans un demi-siècle de «présence intellectuelle et (ou) physique ininterrompue», comme il note dès le départ. Un investissement durable, donc. Un actif exceptionnel. Une accumulation de connaissances; elle nourrit l’estime et force le respect. Il ne faut pas s’y tromper: c’était aussi un choix de vie. Et de cœur. Il y a là, à n’en pas douter, de l’affect pour le Maroc. Michel Rousset est plutôt dans la retenue, j’allais dire la pudeur- pas le genre des «tape-dans-le-dos» ni des accolades prétendument chaleureuses de la rive Sud de le Méditerranée. Soit.
Mais alors, comment le présenter aujourd’hui sans que ce soit une redite? Je propose certains éléments peut-être utiles. Le premier d’entre eux regarde son sens profond de l’amitié: il met du temps à l’accorder; mais si vous y êtes éligible, elle est solide. A ce titre, elle est assumée. Les promotions et les disgrâces n’y feront rien: elle reste un acquis autonome par rapport à l’infortune et aux vicissitudes de la vie publique ou politique. Voilà bien une éthique qui donne souvent mauvaise conscience, ici ou là, à tant de profils qu’il a vu évoluer dans tel ou tel espace public. En son for intérieur -je ne peux pas le prouver mais j’en suis sûr- il en ressent (encore?) de la déception, de l’amertume aussi, peut-être...
Mais il y a plus. Référence est faite au socle de ses travaux scientifiques, en droit administratif, bien sûr, mais aussi au-delà. L’État de droit, il y est attaché. Avec ce corollaire: le respect de la légalité. Pas seulement: il était tout aussi soucieux du statut du citoyen, de celui de l’administré. Une problématique qui garde toute son actualité. Elle ravive cette équation historique des droits formels et des droits réels: celle de la mission régalienne de l’Etat- sécurité, sûreté, garantie des droits et libertés et de la protection de la communauté nationale. Au fond, dans son noyau doctrinal, Michel Rousset a toujours veillé au renforcement de l’autorité de l’État mais en lui assignant une vision d’avenir déclinée autour d’objectifs et de feuilles de route. L’État n’est pas, à ses yeux, un «monstre» sans cœur; l’Administration, non plus, qui en est l’instrument privilégié: elle doit avoir pour finalité le bien des administrés et des citoyens. Aujourd’hui, l’on parle volontiers d’un «État social» comme grand chantier de règne, par-delà les législatures et les cabinets. Il y avait chez Michel Rousset cette préoccupation-là depuis des décennies.
Michel Rousset? Il a été, durant un demi-siècle, une sorte de DRH au service des compétences. Pas de clientélisme, pas de passe-droits: mais une juste évaluation du mérite. Il a toujours placé la bonne parole pour recommander des étudiants qu’il avait eus à l’ENAP ou ailleurs. Il a dirigé des dizaines et des dizaines de thèses de doctorat, à Grenoble ou au Maroc. De la disponibilité, il en avait toujours; de l’écoute aussi; mais, en même temps, une rigueur sourcilleuse. Un état d’esprit lié à son éthique de la responsabilité, à ses valeurs. Deux générations, cela laisse une forte empreinte chez ses anciens étudiants, aujourd’hui au haut de l’échelle sociale et qui lui vouent toujours la même gratitude et la même considération.
Michel Rousset? C’est aussi un savoir-faire et une expertise reconnus et consacrés du côté du Méchouar. -Le Maroc comme première grille de lecture; les Marocains comme deuxième entrée; le Maroc historique et mémoriel.
Merci à toi, Michel Rousset . Pour ce que tu as fait et pour ce que tu es !...l