Le salafisme décomplexé
Réintégration. Graciés à l’occasion du quarantième anniversaire de la Marche verte, 37 anciens détenus islamistes devraient certainement intégrer, dans un proche avenir, des formations politiques ayant pignon sur rue. La fin d’une longue période de clandestiné.
Comme à l’accoutumée, la commémoration de la Marche verte a une nouvelle fois été l’occasion pour plusieurs pensionnaires d’établissements pénitentiaires nationaux de bénéficier de la grâce du Roi. Celle-ci a à titre exceptionnel, quarantième anniversaire oblige, concerné, cette année 2015, 4.125 d’entre eux. Parmi eux, 37 condamnés dans des affaires d’extrémisme et de terrorisme. Il s’agit notamment de détenus islamistes, dont certains avaient été emprisonnés au lendemain des sanglants attentats du 16 mai, qui, en 2003, avaient fait 33 victimes innocentes dans la ville de Casablanca.
Mais le groupe comprend également certains membres de l’organisation “Ansar Al-Mahdi”, démantelée en 2006 par la brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). C’est notamment le cas de Hassan Khattab, qui après des déclarations hostiles au départ à la monarchie, semble avoir révisé bien de ses positions. Il n’en garde pas moins ses convictions “salafistes” intactes, en référence au courant appelant à un retour à la religion musulmane des premiers temps. D’après nos informations, M. Khattab et plusieurs de ses compères font partie de la liste de 90 salafistes que Abdelkrim Chadli, luimême ancien détenu salafiste, avait envoyée, en juillet 2015, au Cabinet royal dans l’objectif de les gracier.
M. Chadli, passé en mai 2015 au Mouvement démocratique et social (MDS), parti politique présidé par l’ancien commissaire Mahmoud Archane, s’était au préalable assuré de ce qu’aucun d’entre eux ne mettrait désormais en cause ce qu’il qualifie de “constantes” du pays, à savoir le rite malékite, la doctrine acharite et le soufisme sunnite.
Respect des “constantes”
Un ralliement au MDS serait également à l’ordre du jour. Plusieurs déclarations de M. Khattab depuis sa libération vont d’ailleurs dans ce sens. Il pourrait tout aussi bien rejoindre, ceci étant, le Parti de la renaissance et de la vertu (PRV), né d’une scission, en 2005, du Parti de la justice et du développement (PJD), principal parti islamiste de la place. En 2013, le PRV avait déjà eu l’occasion d’accueillir au sein de son secrétariat national cinq éminentes figures du salafisme marocain, dont Mohamed Abdelwahab Rafiki, plus connu sous son surnom d’“Abou Hafs”, et Omar Haddouchi.
Après s’être vu opposer, dans la foulée des attentats du 16 mai, une approche purement sécuritaire, avec les dépassements en matière de non respect des droits humains qui vont bien sûr avec, la composante salafiste est bon gré, mal gré, en train d’être réintégrée à l’Islam officiel. Le Conseil supérieur des oulémas (CSO) avait dans ce sens tenu, en avril 2015, à la demande du roi Mohammed VI, une conférence scientifique dans ce sens, appelant, comme l’indiquait d’ailleurs sa thématique, à redéfinir le concept.