“Un jour sans moi”, écrivait l’humoriste français Raymond Devos, aujourd’hui décédé. En quelques mots, vous vous réveillez un jour et vous découvrez que je ne suis plus là. Je vous plains. C’est ce que nos chers sachets en plastique, désormais interdits de séjour, pourraient nous dire.
C’était au petit matin d’un 1er juillet 2016, à l’entrée de la dernière ligne droite du ramadan et la première journée à vivre avec “zéro mica”. Les marchands comme les clients, logés à la même enseigne par un législateur avide de sanctions, étaient désemparés. Aucun emballage de rechange n’a été produit et proposé en dehors des bons vieux couffins, remis au goût du jour le temps d’un spot de sensibilisation à la télévision. Circonstance aggravante, nous sommes des gourmands invétérés. Nous n’achetons pas les légumes à l’unité comme en Europe, mais au kilo; contrairement aux pastèques que l’on ne vend pas par tranches mais par unité pleine et entière pouvant dépasser les 16 kilos. Quelques sachets renforcés font l’affaire pour le transport.
Ceci pour dire que le sachet en plastique fait désormais partie de nos moeurs de consommation et de vie. Presque une culture. Nous vivons entourés de plastique, des ustensiles de cuisine aux bibelots décoratifs, en passant par la quasi totalité du mobilier. Les produits chinois ont complètement envahi le marché et les foyers.
Il est vrai qu’à la sortie des villes et des gros villages, le spectacle des sachets volants accrochés aux arbres ou au ras des terres agricoles tout juste moissonnées, n’est pas beau à voir. La toxicité du plastique est une menace réelle pour les sols arables, pour le bétail comme pour les hommes et pour l’esthétique urbaine. Autant d’éléments à charge, parmi tant d’autres, que plus personne ne met en doute.
Seulement voilà, cette décision draconienne a été prise pratiquement sans délai. Ce qui fait un peu court pour un phénomène aussi diffus, aussi socialement imprégnant. Les sachets en plastique devaient disparaître en moins de temps qu’il n’en fallait pour le faire sereinement; en tenant compte de tous les paramètres socio-économiques.
Pendant ce court préavis, il a été rappelé aux pouvoirs publics décideurs que l’unique revenu de quelque 50 mille familles est lié; d’une manière ou d’une autre, au secteur du plastique. Quantifié selon les normes du HCP, cela fait 250 mille âmes qui risquent de ne plus avoir de source de subsistance. Un drame. Il faudra bien leur trouver une sortie décente, autre que la rue et la déshérence sans horizon. À moins qu’ils ne soient perçus comme des dégâts collatéraux qui passent par pertes et profits.
Quant aux usines qui les employaient, de façon directe ou indirecte, elles n’ont pas pu se recycler, faute de temps suffisant ou de volonté réelle de leurs patrons. Dans ce genre de situation, le paradoxe n’est jamais très loin. Il est dans cette opération d’importation controversée de 2.500 tonnes de conglomérats compacts de plastique et de matériels pneumatiques. Des produits tout aussi dangereux pour la santé des hommes et pour l’environnement. Peut-être même beaucoup plus que les malheureux sachets en plastique.