
Un citoyen du monde qui chérit la terre
Pour Tori Suzuki, franco-américano-japonais installé au Sud du Maroc, la permaculture est “la solution pour sauver le monde.” Un savoir qu’il a à coeur de partager avec “ses frères”.
“Salam, Sidi”, vous lance dans un darija parfait ce blond aux yeux verts. Tori Suzuki est un Marocain d’adoption qui aime vivre en toute simplicité, à l’ombre des oliviers et autres arbres fruitiers, au contact de la terre et des multiples plantes qu’il cultive aujourd’hui non loin de Marrakech. Ce héros des temps modernes qui évolue loin de la ville depuis plus de dix ans a choisi sa cause: la permaculture. «C’est la solution pour sauver le monde. Un monde où la terre est de plus en plus ravagée par des modes non respectueux de la nature et hérités de père en fils. Un monde où l’on souffre de graves problèmes de santé à cause de la pollution et de l’urbanisation irraisonnée. Un monde où la qualité de la nutrition fait de plus en plus défaut. Un monde où la sécurité alimentaire est menacée…», s’indigne ce citoyen du monde qui incarne la fraternité entre les peuples.
Lui-même est le fruit du métissage. Né à Paris dans une famille aisée, d’un père franco-japonais et d’une mère américaine, Tori a sillonné le monde, traversant l’Europe, l’Amérique et l’Asie. Il accumule les expériences et les découvertes, apprend sur le tas dans l’école de la vie en travaillant partout, mais toujours au contact de la nature, dans la bijouterie, dans des champs de pomme, de riz, dans des maisons d’hôte, entre l’Inde et le Pakistan. Il s’installe en 2008 à Marrakech et se marie à une Berbère en 2014. Tout a commencé quand son père, lui-même résidant au Maroc, l’a sollicité pour l’aider à construire sa maison non loin de Marrakech dans le respect de la nature et de l’écologie. C’est là que, petite à petit, il se passionne pour l’agriculture naturelle.
Pour en maîtriser les techniques, Tori, en autodidacte pointilleux, a passé d’innombrables nuits blanches à se documenter sur Internet autour des différentes tendances, passant par l’agro-écologie, la biodynamique, avant de se focaliser sur la permaculture.
Un système en symbiose
Il commence alors à expérimenter cette approche sur le terrain de son père, à Marrakech, avant de développer cette expérience jusqu’à ce qu’elle devienne sa raison d’être. «C’est une méthode de design, une organisation qui va mettre ensemble des éléments différents pour former un système naturel en symbiose. Le but est de fertiliser le sol et ses ressources pour en tirer le maximum de bénéfice qu’on peut transformer et revendre, sans dégrader la terre et le système écologique», explique ce passionné. Et d’ajouter: «J’ai eu de la chance dans la vie. J’ai le devoir de partager mon savoir avec le reste de mes frères». Ces mots simples, qu’il prononce d’une voix sereine et profonde, il les met en pratique sans répit et avec bonheur chaque jour.
Ainsi, aujourd’hui, à 30 ans, Tori cultive sa terre, celle de son père et transmet son expertise à plusieurs agriculteurs. Il accompagne plus d’une trentaine d’hectares dans plusieurs villages entre Marrakech et Agadir, continuant à convertir à sa cause de plus en plus de citoyens. Aussi, il ne cesse d’apprendre en voyageant, en rencontrant «ses frères» et en observant la nature. C’est ainsi qu’il s’inspire des modèles de permaculture ancestraux qui existent depuis plusieurs millénaires au Maroc et qui fonctionnent encore aujourd’hui. Il est question, par exemple, de ce système des oasis qui longent les oueds vers Zagora et jusqu’à Agadir.
Là, les cultures de palmiers abritent des polycultures des différents types d’arbres, les caroubiers, les oliviers, parfois les bananiers, des pommiers… formant un système semblable à celui des forêts naturelles et permettant à ces éléments d’être solidaires et en symbiose pour une meilleure productivité. Un paradis au milieu du désert.