Tariq Ramadan victime d'un complot



Grand islamologue, disposant d’une notoriété certaine de par le monde, Tariq Ramadan fait l’objet d’une campagne médiatique qui semble orchestrée. Parviendra-t-il à être un personnage moins “controversé”, comme il est qualifié par l’intelligentsia parisienne?

On aurait pu être dans le registre des petits faits divers qui font la grande histoire. On n’y est pas du tout. Le personnage est d’une aura universitaire accrocheuse et vendeuse, beaucoup plus que le tissu d’accusations construit autour de lui. Le titre de la représentation aux allures théâtrales largement repris par les médias de France et de Navarre est simple même pour les non initiés: Tariq Ramadan, 54 ans, marié et père de quatre enfants, grand islamologue devant l’Éternel serait un sérial violeur; un monstre sexuel qui use de violences, de menaces de mort et de vengeance sur les enfants.

Des accusations en chaîne sont portées contre lui, dont deux principalement, l’une à visage découvert, Henda Ayari, et l’autre dans l’anonymat. On y reviendra. L’affiche devient encore plus alléchante lorsqu’on met en interface la vérité intellectuelle de l’homme et la gravité des accusations portées contre lui.

Accusations en chaîne
Beaucoup ont pu voir, au hasard d’un zapping bien inspiré, un musulman qui sait parler de sa religion. Il en a fait l’objet de son travail universitaire, particulièrement à partir de sa chair dans le prestigieux campus d’Oxford où il enseigne.
Ses diplômes sont nombreux, ses publications d’auteur prolixe, aussi; de même que ses tournées de conférences aux quatre continents, en particulier l’Europe et les États Unis. Au Maroc, invité par des associations qui ne partagent pas forcément sa vision des choses, il officie dans des salles affichant complet.

Un Islam réfléchi
Tariq Ramadan est ainsi devenu le visage emblématique d’un Islam moderne et modéré tel qu’il le prône. À chaque événement malheureux, tels les attentats imputés à des mouvements intégristes-torroristes, il prend soin de dénoncer et de se démarquer. Il fait la démonstration par l’écrit et par ses multiples apparitions médiatiques qu’il n’est pas cet islamiste illuminé, investi d’une obligation meurtrière pour sauver son âme en assassinant les autres. Ceux qui voulaient à tout prix mettre le militantisme religieux de Ramadan sur le compte de son grand père Hassan El Benna, fondateur de la puissante confrérie des Frères musulmans, repasseront. Lui, Tariq Ramadan, est pour un Islam réfléchi, capable de porter un regard critique sur certains aspects qui gagneraient à s’adapter, voire se mettre à l’épreuve d’autres modes de pensée et de vie.

Il incite les jeunes à vivre leur différence en bonne intelligence avec l’environnement social où ils vivent. Il va même plus loin en incitant à une lecture contextualisée des textes fondateurs de l’Islam. Il n’en est pas pour autant quitte avec l’intelligentsia parisienne, qui le soupçonne de tenir un double discours qu’il arrange en fonction de l’auditoire à qui il s’adresse.

Avant l’affaire du viol, tous les moyens de déstabilisation intellectuelle et identitaire ont été utilisés contre lui. Il serait ainsi antisémite, l’argument massue. Ce n’est qu’à titre de revanche sur d’autres terrains.

Le terrain est tout trouvé, celui du droit commun et qu’importe si cela doit déteindre sur la vie privée. Dans sa livraison du lundi 23 octobre 2017, Le Parisien ouvre ses colonnes à l’écrivain Henda Ayari, qui ouvre le bal. Elle raconte dans le détail sa rencontre avec Tariq Ramadan en 2010. Elle dit ceci: «Il m’a embrassée, et je me suis laissé faire, je n’ai pas honte de le dire. Puis il s’est littéralement jeté sur moi. Alors le conte de fée s’est transformé en cauchemar, le prince charmant en monstre. Il m’a étranglée très fort, si fort que j’ai pensé que j’allais mourir. Il m’a giflée, car je résistais. Il m’a violée».

Déstabilisation intellectuelle
Par delà les violences qu’elle aurait subies et une première attitude de consentement reconnue, on ne sait pas trop dans quel état d’esprit elle était en écrivant son livre en 2016. Tous les questionnements sont permis. Dans Le Monde du 27 octobre 2017, une autre femme est venue entretenir le journal sur une plainte pour viol déposée la veille au parquet de Paris, pour des faits qui remontent à 2009. Le traitement est le même que celui réservé à Henda Ayari, brutalité et propos indécents. Le Parisien du 28 octobre 2017 publiait un court article dans lequel une troisième femme disait avoir été harcelée, menacée et violée par Tariq Ramadan. Dans le même numéro, l’annonce est faite d’autres témoignages parvenus à la rédaction et à madame Caroline Fourest. Il fallait bien qu’elle apparaisse, cette essayiste moins connue pour ses essais littéraires ou politiques que pour son opposition farouche à M. Ramadan. Campagne de calomnies Ce n’est que le samedi 28 octobre 2017 que Tariq Ramadan a réagi sur sa page Facebook, où il dénonce la campagne dirigée contre lui: «Je suis depuis plusieurs jours la cible d’une campagne de calomnies qui fédère assez limpidement mes ennemis de toujours». Et d’ajouter: «Il est triste de voir nos adversaires réduits à soutenir l’imposture et la tromperie érigée en vertu». Il est peu probable que l’affaire Tariq Ramadan se termine en queue de poisson, dans les oubliettes de la presse. L’homme dispose d’une influence considérable de par le monde. Il y aura, à coup sûr, de quoi meubler les longues nuits d’hiver.

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