Tarik Haddi : "Le Maroc doit investir massivement dans l’économie du savoir"


Découvrez comment le Maroc peut sortir de la «trappe du revenu intermédiaire» en investissant massivement dans l’économie d’innovation, selon Tarik Haddi, écrivain et directeur d’Azur Innovation Fund. Dans cette interview, il partage également ses précieux conseils pour les jeunes entrepreneurs marocains.

Que signifie le concept «Gen J» développé dans votre nouveau livre «Gen J - Génération innovation made in Morocco »?
Le projet du livre est né pendant le premier confinement en mars 2020, lorsque j’ai réalisé que les changements technologiques accélérés par la pandémie bouleversaient nos manières de penser, d’interagir, de travailler, de consommer et de se rencontrer. Je crois que ces changements représentent une évolution anthropologique qui affecte notre rapport à soi, aux autres et au temps. `Les Marocains, ainsi que d’autres cultures africaines et indiennes, ont des prédispositions pour le monde postmoderne, notamment en étant frugaux, agiles, itératifs et communautaires. Les experts américains décrivent le monde actuel comme VICA (volatile, incertain, complexe et aléatoire), ce qui correspond au profil de la culture marocaine.

Vous considérez l’économie d’innovation comme modèle pour sortir de la «trappe du revenu intermédiaire». Quelles politiques publiques pourraient aider le Maroc à réaliser cette transition?
Le Maroc doit investir massivement dans l’économie du savoir en développant des filières universitaires d’excellence, en facilitant l’accès à la commande publique et aux financements alternatifs, et en ciblant des filières tech stratégiques à forte intensité en travail qualifié et de concurrence. Les politiques industrielles de l’État peuvent également jouer un rôle majeur en favorisant l’entreprenariat et l’innovation, et en coordonnant les différentes parties prenantes dans le cadre de ce qu’on pourrait qualifier d’»open gouvernance». Enfin, la société civile a un rôle à jouer à travers l’éducation des enfants à l’esprit entrepreneurial, à la transmission de pratiques d’apprentissage durant toute la vie, la production et la diffusion des «bonnes» idées grâce aux nouvelles technologies, et la préférence pour le made in Morocco.

Les secteurs traditionnels de l’économie marocaine, tels que l’agriculture et le textile, peuvent-ils bénéficier et s’adapter à l’économie d’innovation?
L’innovation est en marche dans tous les secteurs, y compris l’agriculture et le textile. Des solutions fondées sur l’intelligence artificielle prédictive, la big data, les drones, la robotique, les capteurs et les systèmes mondiaux de navigation par satellite, ainsi que l’internet des objets, pourront améliorer les rendements agricoles. Dans le textile, les innovations de business model vont bon train. Tous les secteurs auront besoin de réaliser leur transition numérique pour améliorer leur productivité, leur compétitivité et attirer les jeunes talents.

Comment pensez-vous que le Maroc pourrait mieux promouvoir et soutenir la recherche et développement (R&D) dans les domaines prioritaires, tels que les agritech, cleantech, fintech et biotech?
Pour cela, il faut structurer des politiques industrielles pour ces secteurs cibles de notre économie de l’Innovation. Ces politiques industrielles devront s’exprimer à travers le développement de filières universitaires d’excellence, sur le modèle UM6P, dans ces secteurs, l’incitation à l’open innovation pour faire collaborer grandes entreprises et startups innovantes, avec mise en place de moteurs et systèmes de matching besoins / offres, des incitations fiscales et des subventions, la facilitation de l’accès aux financements bancaires, à la commande publique et à un appui de l’État à l’internationalisation dans ces secteurs.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs marocains qui souhaitent se lancer dans des projets innovants et durables?
Je leur recommande tout d’abord de capitaliser sur leurs prédispositions pour innover à faible coût (concept de frugalité) en s’appuyant sur les ressources locales (concept de marocanité). Dans “Gen J- Génération innovation made in Morocco” je développe 9 principes, plus pour inspirer que pour guider, une démarche entrepreneuriale gagnante, mais qui puise ses racines dans notre façon d’être pour devenir innovante : décomplexer notre approche, s’adosser sur notre agilité naturelle, faire simple, penser circulaire, développer l’empathie avec nos communautés, la transversalité, la subsidiarité, l’intelligence collective, et enfin, s’entourer de profils responsables, en quête de mission et qui revendiquent un besoin de sens et de liens : J’espère que ça leur donnera envie de lire le livre sachant que mes droits d’auteur iront à une fondation pour l’amélioration du contexte de l’entrepreneuriat innovant marocains.

Quelle est l’importance de la coopération régionale et continentale pour le développement d’une économie d’innovation au Maroc et en Afrique?
Le développement de la coopération régionale et continentale est fondamental pour le Maroc et l’Afrique dans le cadre de l’économie d’innovation. Cela permet de créer des conditions favorables à la convergence en club, d’offrir des marchés suffisants pour rendre rapidement rentables les innovations des entrepreneurs et de mutualiser les ressources financières, techniques, industrielles et humaines pour développer ensemble des modèles d’affaires innovants. En outre, la création d’un «Nasdak africain », un compartiment boursier dédié aux entreprises innovantes africaines, permettrait d’améliorer les conditions de leur financement et d’offrir aux fonds de capital risques des opportunités de sortie.

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