À chaque crise d’une discipline sportive, on parle de réformes. Au final, la conclusion tombe d’ellemême, on n’a pas de politique sportive lisible.
Le sport, en général, et le football, en particulier, sont des indicateurs à variation multiple. On y apprend en observant autant qu’en pratiquant. Cette particularité incite à aller aussi loin que possible dans l’auscultation de son propre environnement. L’occasion nous a été donnée lors de la coupe d’Afrique des nations. Plus précisément dans ce huitième de finale qu’il fallait obligatoirement passer pour continuer le parcours.
L’issue paraissait forcément possible pour le onze marocain face au Bénin. Il n’en a rien été. Nous avons été aplatis, ce 5 juillet 2019, par un adversaire qui était loin d’être un foudre de guerre. La douche froide. S’il y a une défaite aussi parlante du sport marocain, c’est bien celle-là. Elle nous a rappelé au bon souvenir d’un passé fastueux et d’un présent que l’on préfère passer sous silence.
Le problème, c’est que la vérité saute aux yeux par des questions gênantes. À titre d’exemple. Combien de nationaux exercent dans les équipes étrangères du football professionnel? Ont-ils été formés dans des instituts spécialisés ici même ou à l’étranger? Quelques constats en guise de réponse. Sur les 23 joueurs appelés, seuls 3 jouent dans le championnat national; il s’agit de Reda Tagnaouti, Abdelkrim Baadi et Anas Zniti.
Des questions gênantes
Ce rapport est hautement significatif. Le championnat national est-il si peu attractif, si insuffisamment alléchant pour ne pas inciter à l’installation durable au Maroc? Et puis, la fonction de sélectionneur étranger consiste-t-elle à prendre des joueurs nationaux pratiquant à l’extérieur pour construire une équipe nationale? Si c’est le cas, ce serait trop facile. Il semble pourtant que ce soit le choix de Hervé Renard, entraîneur sélectionneur national. Certains de ses actes poussent à croire qu’il vit dans un autre environnement que celui du Maroc. Ce n’est pas faute de candidats à l’expression physique par le foot, mais plutôt faute d’espace suffisamment spacieux. Désormais, les touches de balles et autres dribbles ne peuvent se dérouler qu’entre deux immeubles en finition. La bonne vieille génération des vastes terrains vagues est en voie d’extinction. M. Renard devrait tenir compte de cette évolution urbaine. Tout comme il ne peut se passer d’une sorte de droit de regard informatif sur les écoles de formation de nos futurs ténors du ballon rond et autres dieux des stades. Ce système d’organisation n’est pas encore au point.
Notre participation à cette CAN, couronnée par la catastrophe du Benin, aura tout de même le mérite de nous donner notre vraie valeur par rapport au foot. Il faut bien se rendre à l’évidence, il n’y a pas longtemps, nous avions tendance à croire que nous étions une nation de football. Nous ne le sommes plus. Ce n’est pas que les abonnés au café de commerce qui en parlent ouvertement, mais l’ensemble du peuple du foot, dont la déception n’a d’égal que les attentes mal récompensées.
La dernière fois que nous avons eu une satisfaction relative remonte à notre participation au tournoi final de la coupe du monde de 1986. Et encore, nous n’étions qu’en phase de groupes potentiellement électifs pour un huitième de finale improbable. Après, plus rien qui vaille à retenir par la mémoire collective.
L’unique sport qui nous a procuré des moments de bonheur, par rapport au foot, c’est l’athlétisme. Nous avons ainsi eu un défilé de grands champions dans l’âme et les jambes, Said Aouita, Hicham El Guerrouj, Nawal El Moutawakil, Nezha Bidouane, Khalid Sekkah et Brahim Boutaieb, pour ne citer que les médaillés d’or. Les moins gradés appartiennent quasiment à la même époque avec quelques décalages dans le temps. Tous ces héros olympiques appartiennent à une sorte de génération spontanée qui semble venir de nulle part, même s’il y a eu beaucoup de travail de préparation en individuel. Ce qui a le plus manqué à ces champions, comme à leurs compatriotes de la même stature athlétique, c’est un suivi qui a valeur d’encadrement technique et administratif qui aurait permis à d’autres champions en herbe de s’exprimer.
Notre vraie valeur
Ceci pour dire que dans les deux sports phares, football et athlétisme, on évolue plus par soi-même que par une quelconque assistance d’ordre administratif. À chaque défaillance au niveau des résultats globaux, les sports concernés, particulièrement le football, deviennent des patates chaudes qu’on se lance à la figure, sans vergogne. Plus personne n’est responsable de quoi que ce soit, Fouzi Lekjaa, président de la plus grande fédération sportive du pays, le foot. Abdeslam Ahizoun, président de la fédération d’athlétisme, n’est pas en reste dans ce domaine.
La dernière parade
Il est tellement discret dans son aire d’influence supposée, qu’on a l’impression qu’il n’y a d’athlétisme qu’à l’étranger, à travers les chaînes de télévision de par le monde. Et puis, pour coiffer toutes ces ramifications sportives il y a Fayçal Laraïchi, président du Comité olympique national marocain (CNOM); encore faut-il que l’on fasse l’effort de retenir ce sigle dont on entend parler rarement, même pendant le déroulement des jeux olympiques. C’est à croire que ce poste est tellement honorifique qu’il a fini par devenir virtuel. Dans ce labyrinthe administratif des sports, sans résultats probants, on se surprend à se demander où est passé le ministre.
En charge de la jeunesse et des sports, Rachid Talbi Alami n’est visible qu’à la télévision, où il était, cette foisci, vraiment attendu. Lors d’un échange télévisé, il a abordé la débâcle marocaine dans la dernière CAN dont il a fait endosser la responsabilité au «mauvais oeil» et au «mektoub»! Drôle de gestion d’un secteur stratégique, ne serait-ce que sur le plan démographique. Foi de ministre, on devrait inclure cette forme de gestion dans les institutions spécialisées mais un peu trop rationalisées. À chaque crise d’une discipline sportive, on s’empresse de sortir la dernière parade en date où l’on parle de réformes de fond en comble. Au final, la conclusion tombe d’elle-même, on n’a pas de politique sportive lisible, visible et performante.