SM le Roi adresse un message aux participants à la 2ème Conférence internationale sur le dialogue des cultures et des religions



SM le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a adressé un message aux participants à la deuxième édition de la Conférence internationale sur le dialogue des cultures et des religions, organisée du 10 au 12 septembre à Fès, sous le thème: “Altérité en questions”.

Voici le texte intégral du Message royal dont lecture a été donnée par le ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme, M. Mustapha Ramid.

“Paix et Salut sur le Prophète, Sa Famille et Ses Compagnons.

Monsieur le Directeur général de l’Organisation islamique pour l’Education, les Sciences et la Culture,

Mme la Présidente, Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie,

Excellences,

Mesdames, Messieurs,

Il Nous plait d’adresser ce message à cette importante conférence qui se tient aujourd’hui à Fès, la capitale spirituelle et culturelle du Royaume du Maroc, en présence d’un aréopage de personnalités éprises de paix et de dialogue et attachées à leur promotion.

Fès, ville séculaire, a toujours constitué une terre de dialogue, un symbole de tolérance et de coexistence, un haut lieu de spiritualité. Ce n’est, donc, pas un hasard si la cité a été choisie pour accueillir la deuxième édition de la Conférence internationale sur le dialogue des cultures et des religions.

Nous saisissons cette occasion pour saluer les efforts inlassables que l’ISESCO et l’OIF déploient conjointement pour un meilleur rapprochement des civilisations, une interaction accrue et un dialogue renforcé entre les peuples. Nous nous félicitons aussi des efforts soutenus et de l’engagement personnel manifestés par Mme Michaelle Jean et le Dr Abdelaziz Ben Othman Altwaijri dans ce domaine.

La tenue de cette conférence au Royaume du Maroc constitue une reconnaissance, par la communauté internationale, de l’engagement constant de notre pays en faveur du dialogue des cultures et des religions ainsi que de la promotion des valeurs portées par ce dialogue. C’est également une confirmation du rôle de précurseur que notre pays a joué en tant que membre fondateur de l’Alliance des civilisations, organisme chargé de mobiliser les acteurs nationaux et internationaux autour de la paix et de porter ses valeurs.

En abritant ces assises, notre pays confirme sa détermination à lancer une nouvelle dynamique propre à ouvrir des perspectives prometteuses et à proposer des moyens innovants pour garantir le respect du pluralisme culturel et cultuel et pour favoriser un engagement unanime en faveur des valeurs de dialogue, de coexistence et de respect de l’Autre.

Le forum qui nous réunit aujourd’hui doit s’ériger en cadre de réflexion pour appréhender en profondeur les questions de dialogue et d’entente entre les civilisations et pour accroitre la prise de conscience de ces deux impératifs. En effet, dans un monde comme celui où nous vivons, il est plus que jamais nécessaire de montrer plus de probité et de vigilance, d’adhérer à la mise en place d’un nouvel ordre de paix mondiale.

L’exigence de probité est dictée par la morale et la conscience, ces deux sources de la Vérité. Le devoir de vigilance, lui, s’impose du fait des évolutions de notre époque et de la nécessité de s’y adapter par des réponses promptes et judicieuses.

Le nouvel ordre de paix mondiale est celui que nous souhaitons mettre en place ensemble en le structurant autour des principes de coexistence, d’acceptation de la pluralité et de l’altérité. C’est à cette condition qu’il sera possible de continuer à construire, à évoluer, à consolider sécurité, croissance et prospérité.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Inscrite au cœur des mœurs du pays, l’hospitalité marocaine recouvre aussi une forme de générosité de l’esprit, où se développent le respect et l’acceptation de l’Autre, où s’épanouit la diversité culturelle. Cette caractéristique qui fait du Maroc une nation plurielle et diverse dans le cadre de l’unité nationale, Nous l’avons déclinée en une série d’actions nationales, régionales et internationales.

Ainsi, depuis Notre Accession au Trône, Notre engagement à promouvoir ces nobles idéaux ne s’est jamais démenti et Nous avons inlassablement œuvré à consolider les acquis engrangés par le Maroc au fil des âges.

Au niveau régional, le modèle marocain affirme une singularité qui lui vient de sa Constitution, de ses réalités culturelles, de son histoire millénaire. Il se caractérise par une coexistence profondément enracinée, notamment entre Musulmans et Juifs, et atteste d’une ouverture du pays sur les autres confessions.

Fondé sur la Commanderie des Croyants et le rite sunnite malékite, ce modèle unique est le produit de réformes profondes visant à prémunir la société marocaine contre les risques liés à l’instrumentalisation idéologique de la religion et contre les courants subversifs. C’est le sens de la mise en place d’une formation religieuse éclairée, marquée du sceau du juste milieu, de la modération et de la tolérance.

Parmi les éléments structurants de cette orientation figurent l’adoption, en 2008, de la Charte des Oulémas, le Plan pour l’encadrement religieux local, la mise à niveau des écoles de l’enseignement religieux et la révision des contenus religieux des manuels scolaires.

Dans le même ordre d’idées, le Maroc forme des imams, des morchidines et des morchidates appelés à exercer leurs fonctions au Maroc, en Afrique et en Europe. Il s’emploie aussi à contrecarrer les radicalismes en leur opposant un discours alternatif qui prêche paix et tolérance. Nous nous attachons également à tisser des liens de proximité avec les citoyens, à les mettre sur la bonne voie, notamment à travers l’institution du Conseil supérieur des Oulémas et ses antennes régionales.

D’un autre côté, Nous avons initié des projets de restauration des cimetières juifs, de rénovation des Mellahs et de réaménagement des sites religieux juifs.

Au Maroc, il n’y a pas de différence entre citoyens musulmans et citoyens juifs, qui célèbrent toujours ensemble leurs fêtes religieuses respectives. C’est, donc, en toute sécurité que Nos citoyens juifs assistent aux services des synagogues et accomplissent leurs pratiques cultuelles, notamment au cours des commémorations annuelles et des visites de sites religieux juifs. Ils travaillent aussi main dans la main avec leurs compatriotes de confession musulmane pour le bien de la mère-patrie.

De tout temps, les Chrétiens de passage ou résidant au Maroc ont toujours bénéficié du droit d’exercer leur culte dans les églises. Certains de nos Ancêtres les Sultans avaient même fait don d’un lot de terrains pour la construction d’une église qui, aujourd’hui encore, accueille des fidèles.

Au fil du temps, la société marocaine a développé un sens aigu de l’entente et de l’acceptation de l’Autre et a fait preuve d’une volonté inébranlable de préserver la mémoire commune aux adeptes des Trois Religions et de conserver plus particulièrement l’esprit de coexistence et de concorde qui prévalait durant la période andalouse.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

La coexistence des cultures est consubstantielle à la culture du dialogue. En effet, tout dialogue interculturel requiert que les peuples se comprennent les uns les autres par l’établissement d’un dialogue sincère et régulier.

L’expérience marocaine est l’illustration éloquente de ce principe dans la mesure où elle incarne la coexistence des cultures propres au Maroc uni et constitue le creuset où fusionnent les composantes arabe, amazighe, saharo-hassanienne, enrichies des affluents africain, andalou, hébreu et méditerranéen.

De fait, le Maroc est resté constamment attaché à une pratique modérée de l’Islam qui repose, par essence, sur les nobles idéaux universels, au premier chef desquels les valeurs de tolérance et de dialogue. Notre Sainte Religion musulmane est celle de l’acceptation mutuelle et du juste milieu. Opposée à l’exercice de toute contrainte, elle prône le respect du pluralisme, conformément à la Volonté de Dieu, énoncée comme suit dans la sourate Al-Maida (la Table servie) : “Si Dieu avait voulu, Il aurait fait de vous une seule communauté”.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Nous estimons que cette conférence est une occasion privilégiée pour faire le bilan de l’action menée pour la mise en œuvre de ce qui a constitué le premier jalon du Processus de Fès, en l’occurrence l’Appel de Fès qui a souligné le besoin urgent de faire émerger de nouvelles formes d’interaction et d’entente entre les civilisations.

La montée des conflits idéologiques, des discriminations ethniques et des violences intercommunautaires impose d’engager une action commune, solidaire et efficace. Cette nécessité impérieuse est essentielle pour consolider les acquis et se projeter dans le futur, avec un plan d’action opérationnel et un mécanisme de suivi adapté.

Il est donc nécessaire que les acteurs concernés, la communauté internationale et toutes les bonnes volontés s’engagent à faire face à un monde agité, en proie à la remise en cause de ses repères et de ses référentiels; un monde marqué par la recrudescence de l’intolérance, du repli identitaire, de la violence et de l’extrémisme.

Les civilisations se définissent par leurs apports successifs au patrimoine commun à l’humanité : il s’agit d’un héritage nourri des sciences, des arts, des doctrines morales et des compétences que chacune a forgés au fil du temps. En s’affrontant, les civilisations n’engendrent que violences et exclusions, alors même qu’en interagissant, elles tissent des liens intrinsèques pour la paix, le dialogue, la coopération, l’estime mutuelle et l’innovation.

En conséquence, l’occasion que nous offre cette rencontre est celle du partage des expériences, des savoir-faire et des bonnes pratiques.

C’est également le lieu de rappeler que si la culture de coexistence en laquelle nous avons foi, est enracinée dans notre Histoire, c’est parce qu’elle est évolutive et a su s’adapter aux divers changements qui s’opèrent dans un monde marqué par un éclatement de tout repère spatio-temporel.

C’est ainsi que l’on assiste à l’émergence de nouvelles formes de conflits qui ont imposé un changement radical du paradigme de la gestion migratoire à l’international et qui, par conséquent, amènent à redéfinir les modes de communication autour de ce phénomène.

Si d’aucuns appréhendent le fait migratoire sous l’angle du défi, le Royaume le perçoit comme une opportunité. Une opportunité qui offre au Maroc l’occasion de confirmer constamment sa dimension africaine, dont il est fier. Notre pays accueille, en effet, un nombre grandissant de migrants subsahariens, grâce à une politique migratoire humaniste et volontariste.

L’accueil de ces personnes venues de pays frères et amis avec leur religion, culture, traditions familiales et rythmes de vie, s’est fait naturellement sur cette terre africaine.

A l’échelle nationale, cette politique volontariste est conforme aux engagements internationaux auxquels notre pays a souscrits. Elle a permis d’organiser, notamment, deux campagnes de régularisation de la situation des migrants, de réaliser de nombreux programmes visant, entre autres, l’intégration des émigrés et des demandeurs d’asile et de leurs familles.

Face aux discours alarmistes considérant l’immigration comme un phénomène destructeur, le Royaume du Maroc adopte une approche singulière et proactive, qui tient compte du fait que les flux migratoires successifs ont constitué un des affluents essentiels de son identité.

Tant aux niveaux régional et international que sur le plan national et local, le Royaume du Maroc agit selon une approche humaniste globale, fondée sur le respect des droits fondamentaux et de la dignité des migrants.

C’est en substance le message que Nous avons tenu à véhiculer à travers l’Agenda Africain pour la Migration que Nous avons proposé lors du trentième Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine, tenu en janvier 2018.

Conçu selon une approche inclusive et participative, cet Agenda est le reflet des idées, propositions et avis présentés par un panel d’intervenants de haut niveau, parmi lesquels des acteurs de la société civile et des chercheurs. A travers cet Agenda, Nous nous sommes attachés à déconstruire les préjugés et les stéréotypes erronés, forgés autour de la migration.

Ce même engagement et cette même volonté orienteront l’action du Maroc pour les échéances à venir, notamment la onzième session du Forum mondial sur la migration et le développement, qui se tiendra dans la période du 5 au 7 décembre, la Conférence internationale pour l’adoption du Pacte Mondial pour des Migrations Sûres, Ordonnées et Régulières, prévue les 10 et 11 décembre.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Nous avons bon espoir que Notre rassemblement d’aujourd’hui sera une réaction vigoureuse et collective à toute remise en cause de nos valeurs et de nos repères, au repli identitaire, au fanatisme, à la xénophobie, à l’extrémisme, à l’intolérance et à toutes formes de discrimination.

Pour être efficace, notre action commune doit être permanente, globale et flexible. La volonté individuelle est nécessaire, mais insuffisante. Seule la volonté collective qui unit les efforts des gouvernements, de la société civile, des médias, des académiciens et des citoyens est en mesure de faire face aux vagues de repli et d’extrémisme intellectuel.

Le dialogue des cultures et des religions n’est donc pas un concept abstrait qui relève du luxe intellectuel. Plus qu’une volonté, c’est une démarche qui tire sa véritable signification d’une foi profonde, et qui exige un engagement ferme, un travail sérieux, des actes et non seulement des paroles.

Depuis la première édition tenue il y a cinq ans, beaucoup de belles choses ont été accomplies. Aujourd’hui, nous espérons que ce forum saura asseoir les fondements solides d’un rayonnement culturel et intellectuel et d’une culture du dialogue et de la coexistence.

En réitérant Nos souhaits de bienvenue au Maroc, à Nos illustres hôtes, Nous implorons le Très-Haut pour qu’Il couronne vos travaux de succès et guide vos pas afin que, grâce à vous, prévalent justice et paix. Le but ultime est bien de poser les jalons pour une mise en œuvre effective du Processus de Fès, de promouvoir les valeurs de tolérance, de respect et d’interaction positive entre les religions, les peuples et les civilisations.

Wassalamou alaikoum warahmatoullahi wabarakatouh”.

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