L’attaque israélienne contre le Liban se poursuit

Le silence complice de la communauté des nations

Le Sud-Liban et la plaine de la Bekaa surtout semblent d’ores et déjà promis au même sort que Gaza.


Au Liban, il faut, en ce moment, courir pour  se trouver une place dans un hôpital. Depuis le début des frappes israéliennes le lundi 23 septembre 2024, ce sont des milliers de citoyens qui se bousculent au portillon des établissements du pays, tellement Israël n’a quasiment pas fait le moindre cas des “dommages collatéraux”, comme on en est venu au cours des dernières décennies à désigner, dans le jargon militaire, les victimes civiles qui font les frais des conflits armés. Et des victimes, elles comptent également, dans le cas d’espèce, des morts: 558, dont 94 femmes et 50 enfants, rien que dans la journée du mardi 24 septembre 2024. “C’est un carnage”, a déclaré, à plusieurs médias, le ministre de la Santé libanais, Firass Abiad. 

Nouvelle guerre

Constat qui vaut d’autant plus qu’on doit aussi y ajouter le bilan des explosions de bipeurs et de talkies-walkies survenues dans les journées du 17 et du 18 septembre 2024 et au cours desquelles 42 personnes ont été tuées et plus de 3.500 blessées (lire n° 1545, du 20 au 26 septembre 2024): c’est officiellement, même si les protagonistes se refusent encore à la désigner en tant que telle pour l’instant, une nouvelle guerre qui vient de se déclencher au Liban, la première depuis 18 ans et l’offensive de juillet 2006, où déjà Israël s’était lancé, trente-trois jours durant, à l’abordage du pays du cèdre. Et d’ailleurs du côté libanais aussi, on trouve le même belligérant, à savoir le Hezbollah, l’organisation chiite pro-iranienne que l’État hébreu semble plus que jamais décidé à éradiquer de son voisinage nord après plus de quarante ans de tentatives infructueuses. 

“Nous continuerons à frapper le Hezbollah”, a, à cet égard, promis le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, dans la nuit ayant suivi le début des frappes. Si, bien sûr, ce dernier est tellement sûr de son fait et que personne ne l’empêchera lui et son gouvernement d’arriver à leurs fins, et pour cause: depuis le 9 octobre 2023, il mène une guerre sans merci dans la bande de Gaza; officiellement afin d’en finir avec le mouvement de résistance islamique du Hamas, qui deux jours plus tôt avait fait subir à Israël la pire attaque de son histoire (1.180 morts et 3.400 blessés, en plus de 251 otages), officieusement aussi pour assouvir les desideratas expansionnistes de ses alliés d’extrême droite des partis de Mafdal, d’Otzma Yehudit et de Noam, qui reluquent ouvertement la désintégration totale de tout embryon d’État palestinien et l’établissement, en lieu et place dans les territoires concernés (qui, on le rappelle, comprennent, outre Gaza, l’Est de la ville sainte d’Al-Qods Acharif et la Cisjordanie), de colonies juives. 

Programme expansionniste

Et ce programme, Benjamin Netanyahou le met en application à sa guise, dans un pied de nez totalement impudent envers le droit international, sur la base duquel la Cour pénale internationale (CPI) l’avait d’ailleurs directement incriminé le 20 mai 2024 et même demandé, à partir de là, son arrestation; c’est que les grandes puissances, toutes confondues et pas seulement occidentales comme on le met régulièrement en avant (y compris la Chine et la Russie), n’ont jamais vraiment fait en sorte de peser de leur poids pour stopper un massacre qui a déjà fait 41.000 morts, 96.000 blessés ainsi que 1,9 million de déplacés dans les rangs des Gazaouis. 


Pourquoi le Liban devrait-il, à ce titre, constituer une exception? Et le moins que l’on puisse dire est que pour l’instant, la suite semble donner raison à Benjamin Netanyahou, puisqu’en dehors des gesticulations “d’usage” on dira, dont probablement une réunion ad hoc du Conseil de sécurité qui ne devrait certainement mener à rien, le Sud-Liban et la plaine de la Bekaa surtout, qui rappelons-le ont déjà fait l’objet par le passé d’une occupation israélienne (septembre 1982-mai 2000), semblent d’ores et déjà promis au même sort que Gaza: en plus des morts et des blessés, elles cumulent d’ailleurs, dans un schéma similaire, les déplacés, dont le nombre doit incessamment dépasser le cap des 100.000. 

De son côté, le Hezbollah multiplie lui aussi les frappes à l’encontre du territoire israélien, dont Tel-Aviv ce 25 septembre 2024, mais sans soutien appuyé de l’Iran, on peut douter de la réussite de son entreprise; or Téhéran donne pour l’heure l’impression de jouer la montre et d’attendre notamment une intervention qui pourrait être salutaire de la part des États-Unis afin d’assurer la désescalade. C’est ce que l’on peut, en tout état de cause, comprendre à partir du propos suivant du président iranien, Massoud Pezechkian, tenu le 23 septembre 2024 à des journalistes à New York en marge de sa participation à l’Assemblée générale des Nations unies: “Nous savons mieux que quiconque que si une guerre plus importante devait éclater au Moyen-Orient, cela ne bénéficierait à personne dans le monde. C’est Israël qui cherche à élargir ce conflit”. Or, les États-Unis interviendront-ils auprès de leur allié israélien? 

Ce qui est sûr est que ces derniers ne semblent pas s’arranger de la situation actuelle, dans la mesure où elle les précipite, de proche en proche, vers une intervention militaire directe, comme on peut le comprendre à partir de la décision prise par le Pentagon, le jour même du début des frappes israéliennes, de déployer davantage d’hommes sur le terrain en sus des 40.000 qui sont déjà stationnés. Mais en même temps, la première puissance mondiale a les poings liés: pour le président américain, Joe Biden, il s’agit surtout de ne pas prendre de mesures hostiles à Israël sur lesquelles pourrait surfer le milliardaire républicain Donald Trump pour battre sa vice-présidente, Kamala Harris, à l’élection prévue le 5 novembre 2024 et ainsi pouvoir retrouver le chemin de la Maison-Blanche. 

Fenêtre d’opportunité réduite

Ce qui fait que pendant plusieurs semaines encore, Benjamin Netanyahou dispose d’une fenêtre d’opportunité, mais celle-ci demeure donc réduite dans le temps; d’où le fait qu’il donne l’impression de vouloir agir de façon accélérée. C’est ainsi que pour miner, dans les plus brefs délais, l’organisation opérationnelle du Hezbollah, l’état-major de l’armée israélienne ainsi que le Mossad, le service de renseignement extérieur israélien, ont procédé conjointement à organiser l’opération mentionnée plus haut consistant à faire exploser les bipeurs et les talkies-walkies et qui se trouvaient appartenir au “parti de Dieu”; cela a, à la fois, permis de neutraliser un maillon de communication essentiel de leur ennemi déclaré, tout en neutralisant, tout court, des combattants, dont quelque 1.500 ont soit perdu l’usage de leurs yeux, soit de leurs mains, soit les deux. 

Une attaque de masse, en somme, immédiatement suivie, donc, par les frappes, avec comme objectif déclaré le Hezbollah et non les Libanais -“Je dis au peuple libanais: notre guerre n’est pas contre vous”, a assuré, dans une vidéo, Benjamin Netanyahou-, mais cela ne résiste pas vraiment aux faits; au final, ce sont bien le commun des citoyens qui pâtissent le plus et constituent aujourd’hui le plus gros contingent des personnes hospitalisées. Tant qu’il y a encore des possibilités d’accéder aux soins, en tout cas...

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