Affaire "sexe contre bonnes notes" à l'université de Settat: L'arbre qui cache la forêt

De plus en plus médiatisée, l’affaire “sexe contre bonnes notes” à l’Université de Settat remet à l’ordre du jour la question du chantage sexuel dans l’enseignement supérieur. Ce procès ouvrira-t-il la voie à d’autres?

C’était un secret de polichinelle au Maroc, une réalité révoltante mais passée à l’oubli sous le poids de la passivité de ceux qui la vivent de près ou de loin. Le phénomène du “sexe contre bonnes notes”, qui sévit au su et au vu des étudiants et des personnels des universités, est, depuis plusieurs semaines, sous le feu des projecteurs. Mercredi 8 décembre 2021, un enseignant à la Faculté de droit de Settat est présenté devant la cour d’appel de la même ville pour un chef d’accusation lourd: attentat à la pudeur et harcèlement sexuel.

Malgré la demande de sa défense, qui a présenté plusieurs garanties, il n’aura finalement pas droit à la liberté provisoire. La veille, quatre de ses collègues de la même faculté ont fait face au juge du tribunal de première instance, pour des accusations moins “graves” sur le plan judiciaire, mais tout autant choquantes au vu du statut des accusés: “incitation à la débauche”, “discrimination fondée sur le genre”, “violence contre des femmes”. Deux parmi les quatre sont poursuivis en état d’arrestation, et les deux autres en liberté sous caution de 50.000 et 20.000 dirhams chacun.

Des pratiques honteuses
L’affaire a éclaté en septembre dernier, lorsque le téléphone mobile d’un des cinq enseignants a été volé, causant par la suite la fuite de ses échanges avec des étudiantes où il leur fait la promesse de bénéficier de bonnes notes contre des faveurs sexuelles.

Depuis, même la BNPJ s’est mêlée du dossier, en lançant son enquête qui s’est clôturée par la poursuite des cinq accusés. De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur a dépêché une commission d’inspection à la faculté, pour auditionner les personnes impliquées, avant de prendre des mesures disciplinaires. Sous la pression des enquêtes et de la pression des réseaux sociaux, un doyen de la faculté en question a été obligé de présenter sa démission fin novembre.

En attendant les décisions de la justice lors des prochaines comparutions prévues au cours de ce mois de décembre, le dossier continue de déchaîner les passions. Avec un effet boule de neige sur les réseaux, via lesquels l’affaire est de plus en plus médiatisée sur le plan national. La fuite de captures d’écran des conversations à contenu sexuel explicitement échangées entre un des enseignants incarcérés et des étudiantes de la faculté de droit de Settat n’a fait que rajouter de l’huile sur le feu.

“Pour une fois que la justice fait quelque chose, enfin!” Ainsi réagissent beaucoup d’étudiantes qui espèrent que cette affaire libérera enfin la parole sur les agissements de certains éléments dans les universités marocaines, qui exploitent leurs pouvoirs pour obtenir des faveurs, entre autres de nature sexuelle. D’autres expriment leur indignation sans plus. Pour eux, cette affaire ne sera qu’une exception. Un arbre qui continue de cacher la forêt des pratiques honteuses de quelques cadres qui entachent l’image de l’université marocaine.

De leur côté, plusieurs acteurs associatifs locaux et même nationaux, comme le Réseau marocain des droits humains et de la protection du bien public, ne comptent pas lâcher l’affaire et se préparent à se constituer comme partie civile.

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