Voyant le temps s’obscurcir, l’auteur du roman «Le secret de la lettre» entreprend un voyage intérieur. Un voyage dans l’enfance. Lui, qui n’entend pas finir exilé dans l’incertitude, cherche à découvrir où le fil s’était interrompu, où la nuit noire était tombée en plein jour. Au-delà de relire sa lettre, méditer, du haut du mirador du passé, quant à la finalité du projet du voyage.
Ce voyage dans l’enfance, Ennaji l’entreprend en se souvenant de tout. Un voyage au bout de soi. Une sorte de vaet- vient intérieur et extérieur. En fait, il s’agit de deux «moi» face à face, deux «moi» de moi.
En effet «Le secret de la lettre» abonde des «moi» moi, des «moi» lui. Temps troubles depuis le souvenir. La mémoire de l’auteur n’a rien laissé en route. Lui, l’élève qu’il était en cours moyen, dans la seule école du coin, une grande et solide bâtisse rouge brique, héritage colonial, dit-il. A chacun de mes passages, dit-il, «je re vois, imprimé sur son fronton, en lettres lumineuses, le souvenir incrusté en moi : «Ici fut déclamée une lettre d’amour d’un enfant de neuf ans». Une lettre d’amour écrite à une fille. Passé tout ce temps, dit-il, «je n’en reviens toujours pas, ça m’émeut autant et plus encore. Folle envie de revivre ça». C’est ce moment que l’auteur a envie de regagner, de rouvrir comme un cahier, le cahier d’antan. Le cahier de ses souvenirs d’enfance qu’il entend rouvrir non pas à la recherche de quelque vérité, mais de lui-même.
Ces retrouvailles avec le «moi» remontent au moment où l’auteur «quittait le msid pour l’école ». «J’y laissais ma tablette en bois, au verbe figé, pour une ardoise que je pouvais effacer à ma guise, parce que les mots n’y étaient pas sacrés, parce qu’on pouvait y écrire une phrase de son cru, puis une autre à sa place, une autre encore, et autant qu’on voulait, sans blasphémer le moins du monde», dit-il. Et c’est là qu’il découvre que «l’infini consacré dont je provenais, celui de l’école coranique, se révélait, en fin de compte, un champ de connaissance fini, borné, sans horizon».
«Curieusement, je découvrais, avec l’erreur, l’infini. Je pouvais me tromper sans encourir de courroux!». «On commettait une erreur, un premier pas pour aller vers la vérité, puis une autre après elle et, d’erreur en erreur, on allait vers une vérité qui pouvait, à son tour, se révéler, comme par une usure naturelle, une erreur. Et ainsi de suite.».Un roman qu’il ne suffit pas de lire une seule fois. Mais lire et relire, tellement il est captivant.
Éditions la Croisée des Chemins, Casablanca, 2020, 236 pages.
Prix : 85 Dh