L’ancienne secrétaire d’État chargée de la Jeunesse retrouve finalement le poste qu’elle avait près de 22 mois durant occupé. A 33 ans seulement, elle fait sans doute partie des plus grands espoirs de la politique française actuelle.
Moins de deux mois après sa décision de ne pas la reconduire au poste de secrétaire d’État chargée de la Jeunesse, la première ministre française, Élisabeth Borne, s’est donc finalement rappelée ce 4 juillet 2022 au bon souvenir de Sarah El Haïry. La Franco-Marocaine, qui a passé une partie de sa jeunesse dans la ville de Casablanca avant de quitter définitivement le Maroc suite à son baccalauréat économique au lycée Lyautey, retrouve ainsi un portefeuille dont elle a près de 22 mois durant, à partir de fin juillet 2022, eu la charge. Il faut dire aussi qu’elle bénéficie de sa réélection du 19 juin 2022 au niveau de la cinquième circonscription de la Loire-Atlantique, qui, avec près de 168.000 habitants en 2019, est la plus peuplée de France.
Face à Sabine Lalande, candidate de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), qui représente une partie de la gauche française, Mme El Haïry avait recueilli 54,41% des suffrages exprimés, soit tout de même moins qu’à sa première élection de juin 2021, où le taux qu’elle avait obtenu avait été de 61,02% (son adversaire n’avait alors été autre que l’actuel président du conseil départemental de la Loire-Atlantique, Michel Ménard).
Ambitions politiques
Résultat, somme toute, peu surprenant en lui-même, dans la mesure où ces dernières années, la concernée s’est bâtie une réputation d’impitoyable de la laïcité qui semble plaire par les temps qui courent à l’électorat français (surtout lorsque cela permet bien évidemment de faire pièce à l’islam). A ce propos, Mme El Haïry avait notamment défrayé la chronique en octobre 2020 suite à l’échange houleux qu’elle avait eu au siège de la Fédération des centres sociaux et socioculturels de France (FCSF) dans la ville de Poitiers avec 130 jeunes issus des quartiers prioritaires et des zones rurales, prenant alors position contre l’enseignement de la religion à l’école tandis qu’une partie desdits jeunes le réclamait -“les religions n’ont pas leur place à l’école, un point c’est tout,” avait-elle martelé selon des propos révélés par les médias français.
Avec des personnalités politiques françaises à l’instar de Marlène Schiappa, elle aussi repêchée par Mme Borne pour prendre en main le secrétariat d’État chargé de l’Économie sociale et solidaire après avoir été ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, elle appartient, ainsi, au fameux mouvement du Printemps républicain, aux velléités anticommunautaristes (et, dans le fond, antireligieuses) revendiquées. Bien qu’appartenant au Mouvement démocrate, qui représente le centre français et dont elle est, soit dit en passant, depuis février 2018 la porte-parole, Mme El Haïry semble, en vérité, avoir des inclinations droitières que peut d’ailleurs illustrer le fait qu’elle a commencé sa carrière politique à l’Union pour un mouvement populaire (UMP) au tournant des années 2010.
Souffle de l’explosion
Ce qui peut, de prime abord, interpeller quand on connaît son background qui aurait pu la porter à adopter une vision plus neutre du sécularisme et non celle du Printemps républicain, mais c’est ignorer un important fait de sa vie: les attaques terroristes du 16 mai 2003 à Casablanca. Née en mars 1989 à Romorantin-Lanthenay, où son père était anesthésiste à l’hôpital de la ville, Mme El Haïry vit alors dans la cité blanche après que la famille soit rentrée de France, et lorsque les attaques adviennent, est notamment visé le Positano, un restaurant italien détenu par des Juifs marocains dont les associés ne sont autres que ses propres parents. “Par miracle, une voiture blindée, garée devant le restaurant, nous a protégés du souffle de l’explosion. Ce soirlà, la mort n’aura pas lieu, pas là, pas chez nous,” se souvenait-elle encore, à l’évidence émue, en juillet 2021 dans l’hebdomadaire français Jeune Afrique.
Arrivée à 18 ans en Hexagone pour intégrer les classes préparatoires du tout nouveau lycée Carcouet de la ville de Nantes, elle s’engage en même temps à l’UMP qu’elle quitte après le discours donné en juillet 2010 dans la ville de Grenoble par le président Nicolas Sarkozy, où ce dernier tient des propos fortement opposés à la présence de migrants sur le territoire français. En même temps, elle se retrouve, à l’issue de sa licence en droit également obtenue à Nantes, au Québec, pour être quelques mois durant chargée de mission au cabinet de la ministre locale du Tourisme, Nicole Ménard.
Alors qu’elle projette pourtant de faire une croix sur ses ambitions politiques, M. El Haïry se retrouve revigorée par ce qu’elle a vu dans le Nouveau Monde, où notamment lui plaît l’absence du clivage droite-gauche qui se trouve encore à la base du système français; d’où sa décision, une fois rentrée au bercail, d’intégrer le Modem. Proche d’Emmanuel Macron, qui partage les mêmes idées quant au fait de ne plus rester cantonné dans les convictions d’une famille politique donnée et d’y rester fidèle en dépit des circonstances, il était sans doute finalement logique qu’elle se retrouve à à peine 31 ans au gouvernement.
Et le président français lui fait tellement confiance qu’en plus de la Jeunesse elle a également à s’occuper du service national universel, qui était une de ses principales promesses à son élection en mai 2017 et qui vise à terme à remplacer le service militaire obligatoire, abrogé en octobre 1997, par le biais d’une alternative civile. Ses vues sur la pratique publique de la religion n’en demeurent pas moins source de controverse, mais ce n’est sans doute pas cela qui, dans un pays où M. Macron s’attaque ouvertement à ce qu’il taxe de “séparatisme islamiste”, devrait nuire à sa carrière. Bien au contraire…