Les sales draps de Tariq Ramadan

Le prédicateur musulman sort un livre confession sur ses relations avec ses accusatrices

Dans son livre publié ce 11 septembre, le prédicateur suisse d’origine égyptienne et petit-fils du fondateur des Frères musulmans revient sur les accusations de viol à son encontre. Cela le sortira-t-il pour autant de l’auberge?

Pas de viol, mais des relations «consenties»: après plus de dix-huit mois de silence au sujet des accusations à son encontre et qui lui ont valu, l’année dernière, plus de neuf mois de prison, le prédicateur suisse d’origine égyptienne Tariq Ramadan a lâché une véritable bombe avec son nouveau livre, Devoir de vérité, publié le 11 septembre 2019 aux Presses du Chatelet. Certes, les éléments révélés au fur et à mesure par les médias ne laissaient pas vraiment de doutes sur l’existence de ces relations, mais c’est autre chose que quand le principal concerné avoue, après avoir tout bonnement nié au moment de son arrestation, début 2018. «J’ai voulu me protéger et protéger ma famille. C’était une erreur, j’aurais dû dire la vérité,» a-til expliqué dans la double interview qu’il a, à sa demande, donnée le 6 septembre 2019 à la chaîne BFM TV et la station de radio RMC. Il va sans dire que parmi ses fidèles, la déception est de mise.

«Nous nous sentons trahis par le comportement révélé par Monsieur Ramadan, comportement qui s’avère en totale contradiction avec les principes éthiques et moraux attendus d’un homme qui prône l’islam, appelle à sa spiritualité et à ses valeurs, et répond aux interrogations d’un public essentiellement jeune et à la recherche de modèles,» a notamment réagi, dans un communiqué publié sur son site web le 9 septembre, la fédération Musulmans de France, qui regroupe quelque 600 associations musulmanes réparties sur l’ensemble du territoire français. C’est que M. Ramadan n’est, dans le landerneau musulman européen, pas n’importe qui.

“Frère Tariq’’
Petit-fils de Hassan el-Banna, fondateur de la Société des Frères musulmans, c’est une figure importante sur laquelle se sont longtemps appuyées les organisations musulmanes d’Europe mais aussi d’ailleurs pour promouvoir l’islam auprès des communautés musulmanes du Vieux Continent, et même recruter de nouvelles ouailles au sein des autres communautés. Avec, depuis qu’il s’est attelé à la tâche, un certain succès: à en juger du moins à partir des ventes de ses livres, qui se sont écoulés et continuent de s’écouler, malgré son affaire, par millions, il est aujourd’hui une des voix qui portent le plus dans le monde occidental en ce qui s’agit de l’Islam.

Ce n’est, ainsi, pas sans raison qu’il est la cible des mouvements laïcards, qui vont jusqu’à l’accuser d’être un cheval de troie des Frères musulmans: pour prouver cette assertion, la journaliste et essayiste française Caroline Fourest, connue pour ses convictions antireligieuses, avait commis, en octobre, tout un livre à son encontre, très explicitement titré Frère Tariq. Cette dernière se retrouve d’ailleurs au centre de la contre-offensive actuelle de M. Ramadan, qui l’accuse de coordonner en sous-main une supposée action des plaignantes. L’idéologue d’extrême droite Alain Soral a également été mentionné par le prédicateur dans son livre ainsi qu’aux micros de BFM TV et de RMC -ce qui a conduit à une réaction indirecte de sa part sur son journal électronique Egalité et réconciliation, intitulée «le déviant sexuel et mauvais musulman suisse Tariq Ramadan ose s’en prendre à Alain Soral». Mais qu’il soit victime d’un complot, comme il l’affirme, ou pas, qu’il soit même l’Alfred Dreyfus de 2019 -il s’est comparé au capitaine juif condamné à tort à la fin du XIXe siècle d’espionnage au profit de l’Allemagne-, M. Ramadan devra quoi qu’il en soit assumer les actes qu’il reconnaît.

Le Dreyfus musulman
Pour le reste, c’est encore à la justice de trancher. Et il faut rappeler, ici, que cette dernière n’a pas dit son dernier mot. Tant s’en faut, M. Ramadan est encore loin d’être sorti de l’auberge: comme chacun le sait, en plus de Henda Ayari et de Christelle, les deux accusatrices à l’origine de son incarcération, il fait l’objet depuis le 31 mai d’une nouvelle plainte, qui est la sixième au total, d’une quinquagénaire qui affirme que le prédicateur l’aurait violée le 23 mai 2014 à l’hôtel Sofitel de la ville de Lyon. Sur BFM TV et RMC, M. Ramadan a expliqué que «sauf à avoir le don d’ubiquité», il n’aurait pas pu commettre ce viol pour la simple et bonne raison qu’il se serait trouvé le jour même dans la ville de Baltimore, aux Etats-Unis, pour donner une conférence; mais selon les éléments recueillis par les médias ladite conférence a eu lieu le 24 mai et non le 23, ce qui ne l’innocente pas.

Excepté les plaintes, on peut aussi mentionner l’accord passé, en mai 2015, entre les avocats de M. Ramadan et une ressortissante belge d’origine marocaine répondant au nom de Majda Bernoussi, et qui en échange d’une cassette de 27.000 euros avait accepté de taire sa relation avec le prédicateur: les détails ont été révélés début avril 2018 par le journal électronique Mediapart et l’hebdomadaire belge Le Vif. Difficile, dans ces conditions, d’imaginer M. Ramadan continuer de jouer le rôle qui fut le sien avant de se retrouver au milieu de l’engrenage judiciaire...

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