Le Sahara est marocain et rien d'autre

Amar Saâdani, ancien secrétaire général du FLN, dévoile la supercherie de la junte d'Alger

Aux yeux de Amar Saâdani, la relation entre le Maroc et l’Algérie doit transcender le différend artificiel sur le Sahara.

En Algérie, l'Histoire bégaie peut-être, ces temps-ci, avec la crise de régime qui perdure depuis le 22 février 2019 et la démission contrainte du président Bouteflika qui a suivi. Mais pour ce qui est des provinces méridionales du Royaume, récupérées en 1975, l'Histoire ne hoquette plus du côté du pays voisin; elle corrige; elle dit la vérité. Enfin!

Cette révision déchirante pour un certain discours algérien vient pratiquement d'exploser en vol avec les dernières déclarations de Amar Saâdani (lire le détail...). Il a ainsi fait ce constat: «Je considère, d'un point de vue historique, que le Sahara est marocain et rien d'autre». Et de mettre en avant des arguments tirés de la Conférence de Berlin (1885) sur le partage du continent africain par les puissances européennes, lequel a amputé l'Empire chérifien de son espace saharien. Poussant plus loin, il a fait le procès du mouvement séparatiste, à qui son pays a versé durant un demi siècle des «sommes faramineuses »; il poursuit en le mettent en cause pour n'être pas parvenu «à sortir de l'impasse».

Une opportunité historique
Il dénonce l'allocation de cet argent dépensé par les dirigeants séparatistes qui «se baladent depuis cinquante ans dans les hôtels de luxe». Il considère que c'est là une dilapidation de l'argent public qui aurait dû être affecté à des villes enclavées comme Souk Ahras, El Bayadh et Tamanrasset. Enfin, il appelle à une normalisation des relations entre Alger et Rabat qui devrait se traduire pour commencer par le réouverture des frontières terrestres. A ses yeux, la relation entre les deux pays doit transcender le différend artificiel sur le Sahara. Elle découle des intérêts supérieurs bien compris des deux peuples frères. Et la présente situation qui prévaut dans la région -en Tunisie, en Algérie et en Libye- doit être une opportunité historique pour s'engager dans une étape nouvelle au Maghreb.

A-t-on ici une voix isolée? Il faut donner crédit à Amar Saâdani pour son engagement continu à ce sujet. En décembre 2015, ce responsable avait déjà jeté un gros pavé dans la mare en déclarant qu’il avait «beaucoup de choses à dire sur le Sahara», qu’il ne le ferait pas cependant «pour ne pas créer de problèmes…». A cette date, il était secrétaire général du FLN! Que l’on sache, cette prise de positon a nourri certaines réactions, ici ou là, marginales en fin de compte; elle n’a conduit ni à sa destitution ni à sa démission «volontaire»…

Parce qu’il a été un homme du système durant une bonne vingtaine d’années, l’autocritique qu’il propose et assume aujourd’hui est éclairante sur les hypothèques d'aujourd'hui et de demain. Il a été député en 1997, vice-président de la chambre basse du parlement en 2002 puis président de cette même institution, l'Assemblée nationale populaire (ANP) de 2004 à 2007. Membre dirigeant du FLN, il a été ensuite secrétaire général de ce parti dominant de 2013 à 2016. Il s'est défendu, dans ses dernières déclarations, de toute prise de position au nom de quiconque mais sa proximité avec le général Ahmed Gaïd Salah, patron de l’armée, est connue. De là à en conclure qu'il a été mandaté pour faire état d'une inflexion de ce dernier sur la question nationale du Sahara et sur la normalisation des relations avec Rabat, ce serait bien hypothétique. Il reste cependant que c'est une voix qui se fait entendre.

Et qui assume. Il met le doigt sur cette problématique: une Nouvelle République en Algérie ne peut évacuer l'environnement régional. La dynamique contestataire actuelle, illustrée par le 35ème vendredi des manifestants depuis pas moins de sept mois, est centrée sur une crise algéro-algérienne mais elle s'insère également dans une dialectique de changement. Laquelle? La mise à plat de ce qui a été fait -avec son bilan sinistré...- et la nécessité de réarticuler toutes les politiques publiques, tant au dedans qu'au dehors. Pour ce qui est de la question du Sahara marocain, l'Algérie s'est cantonnée dans une position rigide depuis 1975. Elle en a fait un axe de sa politique étrangère. Et d'année en année -c'est encore plus vrai depuis l'AVC du président Bouteflika en avril 2013- sa diplomatie était pratiquement prévisible sur la scène internationale, réduite à la mobilisation de son appareil autour du mouvement séparatiste. Sur le Proche-Orient, sur le changement climatique ou tant d'autres domaines, rien de bien notable sur le continent, son engagement se limitant à ses intérêts spécifiques à la frontière méridionale avec le Mali sans s'impliquer sérieusement dans la sécurité sahélo-saharienne.

Normalisation diplomatique
En revanche, son «activisme» se distingue en faveur du Polisario avec le levier que lui offre la présidence du Conseil de Paix et de Sécurité, entre les mains de Smaïl Chergui et des alliés! Avec le processus engagé par l'ex-envoyé personnel d'Antonio Guterres, en décembre 2018 puis en mars 2019, la formule de la table ronde a été retenue. Elle fait de l'Algérie non plus un «observateur» mais une partie prenante, citée pas moins de cinq fois en tant que telle dans la dernière résolution 2468 du 30 avril 2019. Voilà bien une normalisation diplomatique, parce que consacrée par le Conseil de sécurité des Nations-Unies, de nature à situer les responsabilités du pays voisin devant la communauté internationale. Une situation qui va au devant de l'appel royal du 6 novembre 2018 en vue de renouer avec l'Algérie des liens de coopération.

Le Souverain y a appelé à apurer les contentieux en instance et à jeter les bases d'une nouvelle séquence ne pouvant que redynamiser le processus de construction maghrébine pratiquement en panne depuis près de trois décennies.

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