Saaid Amzazi reste serein. Les problèmes actuels des enseignants relevant des académies trouvera sa solution dans le cadre du dialogue toujours ouvert avec les concernés. Pour lui, en tant qu’universitaire d’abord, il ne faut pas que l’année scolaire soit impactée par ces mouvements de protestation. Les droits des enseignants relevant des académies sont garantis tout comme ceux relevant du ministère, martèle-t-il.
Les enseignants contractuels multiplient les grèves et les manifestations. Qu’est-ce qui fait que ce problème dure?
Premièrement, je tiens à rappeler que le terme d’«enseignants contractuels» est totalement inapproprié et obsolète, puisque, depuis l’adoption et la mise en oeuvre du nouveau statut particulier des cadres des Académies régionales de Formation et d’Éducation (AREF), en mars 2019, le système de contractualisation a été définitivement abandonné.
Depuis, le recrutement de nos cadres se fait à l’échelle régionale, dans la plus stricte application de la politique nationale de décentralisation et de déconcentration de l’organisation territoriale, directement par les AREF, lesquelles sont des établissements publics disposant d’une autonomie financière et de gestion. Les enseignants recrutés dans ce nouveau cadre ont donc postulé aux différents concours de recrutement en parfaite connaissance de cause, et malgré cela ils revendiquent aujourd’hui leur intégration à la fonction publique. Il s’agit là d’une revendication d’autant moins compréhensible que leur nouveau statut particulier est assimilé à celui qui régit leurs collègues fonctionnaires du ministère en matière de droits et obligations.
Ils rétorquent avoir le plein droit à la titularisation en tant que fonctionnaire et non contractuels.
Comme je viens de le souligner, ces enseignants ne sont en aucun cas contractuels! Ce sont des fonctionnaires recrutés à l’échelle régionale par les AREF. Chacune de nos AREF détermine ses propres besoins en nombre de postes et organise ses propres concours de recrutement. Les candidats choisissent donc la région où ils veulent postuler, et, s’ils sont retenus, ils suivent une formation de 2 ans (théorique puis pratique au sein des établissements scolaires) dans cette région. A l’issue de cette formation, ils se voient alors affecter dans une direction provinciale de leur choix, relevant de l’académie de la région, avec un grade d’enseignant du cycle primaire ou secondaire.
Par la suite, leur titularisation, à l’instar de celle des autres enseignants fonctionnaires du ministère, est conditionnée par la validation d’un examen d’aptitude professionnelle dès la première année d’ancienneté, dans la limite de quatre sessions au cours des deux premières années.
Ce recrutement régional, il faut le souligner, est un choix stratégique du gouvernement, qui a permis de remédier en partie aux lourdes carences en postes budgétaires qui affectent notre système éducatif, et d’assurer plus d’équité, en particulier pour les zones rurales et enclavées, notamment grâce à une diminution de la surcharge des classes et du nombre de classes à niveaux multiples.
Car il faut rappeler que le mode de recrutement régional a permis à des milliers de licenciés recrutés d’enseigner au niveau de leurs localités d’origine, alors qu’auparavant ils étaient parfois affectés à des milliers de kilomètres de leur lieu de résidence. De cette façon nous pouvons aujourd’hui plus facilement mobiliser des enseignants parmi les locaux pour les écoles qui se trouvent dans les zones les plus éloignées, ce qui, en termes de motivation et d’implication des enseignants dans leur école, change radicalement la donne, vous en conviendrez.
Et avec les syndicats, vous n’avez pas pu trouver de compromis?
Nous considérons les syndicats les plus représentatifs comme des partenaires stratégiques, avec lesquels le dialogue ne s’est jamais interrompu. Ainsi, depuis 2019, cinq dossiers revendicatifs ont été solutionnés, trois dossiers sont dans les phases finales de leur résolution et nous sommes en concertation avec les départements gouvernementaux concernés afin de satisfaire trois autres dossiers revendicatifs, car il faut savoir que certaines revendications requièrent l’approbation d’autres départements ministériels, voire celle du Chef du gouvernement, en raison soit de leur impact budgétaire important ou de leur impact sur d’autres catégories du personnel de l’Education nationale ou d’autres secteurs.
Des solutions concrètes ont été proposés aux syndicats concernant le reste des dossiers revendicatifs: certaines ont été acceptées, d’autres nécessitent encore des négociations, tout cela est dans l’ordre des choses… En ce qui concerne le dossier des cadres des académies, il faut préciser, pour rappel, que les syndicats les plus représentatifs ont été associés aux négociations qui ont eu lieu en 2019 et qui ont abouti à l’adoption du nouveau statut particulier des enseignants cadres des AREF. Or, aujourd’hui, ces mêmes syndicats appellent à la grève pour exiger une sorte de retour en arrière, c’est à dire l’intégration pure et simple des cadres des AREF dans la fonction publique.
Il est donc bien évident qu’il y a là une divergence fondamentale de points de vue avec le ministère. Toutefois, nous restons convaincus qu’un dialogue ouvert reste le moyen le plus efficace pour dépasser ces dissensions.
On sait que la logique actuelle est à l’embauche à durée déterminée. Ces enseignants ne le savaient pas au moment où ils sont entrés en formation?
Tout d’abord, il n’est nullement question d’embauche à durée déterminée. Ces enseignants sont recrutés et formés pour pouvoir assurer un service public fondamental, qui est le droit à l’éducation pour tous les enfants marocains. Ce recrutement s’effectue sur la base de besoins exprimés par les académies régionales, sachant que le nombre de postes accordés chaque année est en deçà des besoins réels du ministère. Face à ce constat, autant dire que le licenciement éventuel de ces enseignants à tout moment, évoqué par certains, est loin d’être une hypothèse crédible pour le ministère, sauf bien sûr dans des circonstances exceptionnelles de fautes professionnelles graves, tel que stipulé par le statut en vigueur, ce qui est d’ailleurs aussi valable pour les enseignants régis par le statut de la fonction publique.
S’agit-il alors d’un problème de communication à la base?
On ne peut nullement évoquer un problème de communication dans la mesure où ces enseignants se sont présentés aux différents concours de recrutement en parfaite connaissance de cause: leur futur statut de cadres des AREF est une information qui figure clairement sur les avis de concours publiés dans les journaux et sur les sites web des académies, ainsi que sur les formulaires de candidature, les convocations, les communiqués officiels et de nombreux autres supports d’information…
Ils en ont également été informés tout au long de la procédure de recrutement, de leur formation ainsi qu’au moment de leur affectation. De plus, l’engouement que connaît ce concours chaque année montre qu’ils postulent par choix personnel et non pas par obligation, comme le laissent entendre certains de ces cadres une fois recrutés. D’ailleurs, notre système éducatif compte actuellement 102.000 cadres des AREF, ce qui représente environ 33% de l’ensemble du corps professoral.