Le royaume n’a toujours pas reçu le vaccin Anti-COVID

Le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, a encore une fois brillé par l’absence de visibilité concernant les échéances des arrivages du vaccin anti-Covid-19. Un manque de visibilité choquant et déstabilisant de la part d’un responsable gouvernemental censé détenir l’information relative au début de la campagne de vaccination, près de deux mois après avoir été annoncée. Le démarrage est, à chaque fois, renvoyé aux calendes grecques.

À quoi bon participer à une émission télévisée pour ne rien dire? 23 jours après sa prestation au Parlement, le 15 décembre 2020 plus précisément, qui a laissé sur leur faim autant les députés que les citoyens, le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, a encore une fois brillé par un manque de visibilité concernant les échéances des arrivages du vaccin anti-Covid-19. «A ce jour, le Maroc n’a pas encore reçu les vaccins mais nous sommes dans la dernière ligne droite pour la réception des vaccins.

Les commandes ont été effectuées auprès de nos fabricants pour nous fournir en quantités suffisantes pour plus de 80% de la population ciblée», voilà ce qu’il faut retenir en substance de son interview accordée mercredi 6 janvier 2021 aux deux chaînes publiques 2M et la RTM dans le cadre de l’émission Confidences de Presse, de la chaîne de Ain Sebaâ, depuis le siège du ministère de la Santé à Rabat.

Un manque de visibilité choquant. C’est le moins qu’on puisse dire sachant le taux d’audimat important qu’a accaparé cette émission tant attendue et annoncée en grande pompe et dont l’interviewé n’est autre que le responsable gouvernemental censé détenir l’information relative au début de la campagne de vaccination. Une campagne, rappelons-le, qui a été annoncée le 14 décembre 2020 par un communiqué du Cabinet royal et qui devrait démarrer, selon les termes du même communiqué, dans quelques semaines. Bientôt deux mois s’écouleront et pour l’heure, pas de visibilité. Le démarrage est, à chaque fois, renvoyé aux calendes grecques.

Mieux, ou pire, le département de la Santé maintient le suspense et l’attentisme anxiogène à chaque sortie médiatique (rarissimes et calculées par ailleurs) en évoquant tantôt le vaccin chinois de Sinopharm et tantôt le vaccin britanno-suédois d’AstraZeneca. «Viendra, viendra pas!» Le manque flagrant de communication du responsable gouvernemental en charge de ce secteur vital nourrit les spéculations et les rumeurs. L’angoisse et le flou montent d’un cran.

Adhésion totale
Où est donc ce vaccin anti-Covid? Celui de Sinopharm ou celui d’AstraZeneca, qu’importe, pourquoi tarde-t-il à venir? Et pourtant, les déclarations des responsables de la Santé publique durant la troisième semaine de décembre 2020 laissaient entendre une visibilité accrue: les premiers arrivages du vaccin de Sinopharm devaient atterrir au Maroc vers la fin de l’année et ceux du vaccin d’AstraZeneca courant janvier 2021. Nous sommes à la deuxième semaine de janvier, et aucun arrivage de l’un ou l’autre vaccin n’est acheminé à bon port.

«Nous allons pouvoir vacciner les 25 millions de Marocains en trois mois s’il y a une adhésion totale», a promis le ministre Aït Taleb. Comment dans ce cas de figure rallier l’adhésion totale de la population si la transparence n’est pas de mise? Qu’est-ce qui bloque vraiment? A-t-on été «largués» par les deux laboratoires «partenaires»? Sinon, comment expliquer que des pays arabes, européens, asiatiques et américains ont d’ores et déjà entamé la campagne de vaccination avec les deux vaccins dont le Maroc s’est vanté, avant l’heure, d’avoir commandé en quantités suffisantes avant tout le monde? L’effet d’annonce a bien joué. Mais sa durée de vie est éphémère. Le Maroc qui devait commencer bien avant le reste des pays du globe perd finalement la course.

Préparatifs logistiques
Là où le bât blesse, c’est au niveau de la communication publique. Informer, c’est communiquer. Et communiquer, c’est faire adhérer. Le ministère de la Santé a en partie failli à ce paradigme depuis le début de l’épidémie. Le Chef du gouvernement a aussi failli à cette mission qui renforce la confiance vis-àvis des gouvernés. Et là où le ministre a péché lors de son interview dans le cadre de l’émission Confidences de Presse du 6 janvier 2021 sur la chaîne 2M, c’est de dire et de répéter, tel un refrain, que la communication est une question relative. Il est même sûr et persuadé que sur ce registre, il n’a pas failli.

Il est un bon signe de révéler des informations stratégiques et susceptibles de balayer d’un revers de la main les spéculations inhérentes aux vaccins sélectionnés, leur efficacité et leur innocuité. Il est aussi judiciable de révéler les préparatifs logistiques et techniques de cette opération d’envergure. Mais ce n’est pas suffisant. Car l’information essentielle est inhérente au début de la campagne et à l’acheminement des commandes des 66 millions de doses des vaccins de Sinopharm et d’AstraZeneca. «Les préparatifs ont été anticipés car comme tout le monde le sait, on parlait du vaccin depuis le mois d’avril et il y avait des négociations et des approches avec des fabricants de plusieurs pays parce qu’on savait que cela allait être une monnaie rare et que la production sera limitée.

Il y avait plusieurs choix et on ne s’est pas contentés de deux vaccins au tout début, on se concertait avec six fabricants (Sinovarc, Johnson&Jonhson, Conson, Pfizer) pour que le Maroc ait le vaccin à temps et, depuis, nous nous mobilisions et une commission technique et scientifique a été formée se focalisant sur la stratégie de vaccination et, Dieu merci, aujourd’hui, nous avons une vision claire», a-t-il déclaré lors de l’émission.

Ce qui est clair pour le ministre de la Santé ne l’est point pour les Marocains fatigués et lésés par des restrictions qui n’en finissent pas. L’économie en pâtit et seul le vaccin est l’issue de cette morosité économique qui balance une large frange de la population dans la pauvreté. «La seule lueur d’espoir est le vaccin», a souligné M. Aït Taleb. Personne ne vous contredira M. le ministre. Mais où il est donc, ce vaccin? Sur la chaîne 2M, le ministre a usé de ses techniques de communication pour passer outre cette information capitale et primordiale et combler le vide par des informations subsidiaires, certes importantes, mais déjà connues.

«Il ne faut pas croire que sur le plan logistique, l’organisation est facile. Le Maroc a commandé 66 millions de doses du vaccin. Pour les acheminer, il faut une flotte d’avions qui vont faire des rotations et il faut voir la capacité de transport de ces avions et surveiller la traçabilité de la température du vaccin depuis le déchargement des avions, leur transport dans les camions jusqu’aux dépôts de stockage puis sa distribution à l’échelle nationale et cela exige des procédures à respecter et une simulation réelle pour ne pas rencontrer des problèmes le jour J», a-t-il dit.

Autre détail logistique connu de tous: «Nous avons recensé 3.047 stations de vaccination et mobilisé les équipes dédiées à cette opération qui devront travailler en alternance avec d’autres afin d’assurer la gestion sanitaire de l’épidémie. La gestion logistique englobe la chaîne de conservation depuis le dépôt aux centres de vaccinations dans les régions concernées. Il y aura deux dispositifs, en l’occurrence le dispositif fixe, qui accueillera la population sur place, et le dispositif mobile, pour atteindre les populations éloignées et isolées dans les campagnes, les patelins, les montagnes et les périphéries des grandes villes. Ce dispositif mobile a aussi pour cible les nomades dans le Moyen et le Haut-Atlas», a expliqué le ministre.

En revanche, d’autres détails importants n’ont pas été révélés, telle la durée d’immunité des deux vaccins. «Je ne sais pas quelle est la durée d’immunité induite par ce vaccin. Seul le temps nous le montrera», a-t-il rétorqué à cette question.

Absence de visibilité
Pour lui, le plus important à gérer, c’est le début de la campagne de vaccination car par la suite les choses vont aller de manière fluide. Ce qu’il ne faut pas omettre, signale M. Aït Taleb, c’est l’adhésion totale des Marocains au respect des mesures sanitaires et de prévention que ce soit avant ou durant l’opération de vaccination. Sur ce point, le ministre a raison. «J’exhorte les Marocains, pendant la campagne de vaccination, à garder les gestes barrières pour ne pas compliquer le déroulement car l’immunité n’est induite qu’après 28 jours de l’administration de la deuxième dose du vaccin. Notre objectif à terme est que 60% des Marocains aient l’immunité collective», a-t-il précisé.

Le respect des gestes barrières et des mesures sanitaires de prévention est, en effet, ce qui a évité au Maroc une catastrophe sanitaire d’une grande ampleur dont on peut mesurer les conséquences. Les restrictions de déplacement contribuent, de toute évidence, à limiter la propagation du coronavirus. Mais elles viennent à bout d’une économie déjà essoufflée depuis le début du mandat du cabinet El Othmani.

Leur prorogation à l’infini risque de provoquer de la désobéissance et replonger ainsi le pays dans une nouvelle vague de contamination alors que les hôpitaux publics ont déjà affiché complet. D’où l’intérêt de la campagne de vaccination et d’où l’importance d’une adhésion inconditionnelle de la population. Sauf que le manque d’informations et l’absence de visibilité ne joue pas vraiment en faveur de cette adhésion exhortée.

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