Le RNI en pole position

ELECTIONS LÉGISLATIVES DE 2021

Ambitionnant ouvertement de prendre les commandes de l’Exécutif à l’issue du prochain scrutin, le parti de Aziz Akhannouch a sans doute bien des motifs d’espérer que cela se réalise.

S’il est un parti qui doit sans doute se frotter les mains du changement du quotient électoral, c’est le Rassemblement national des indépendants (RNI). Car avec l’ancien système, il semblait peu probable que la formation présidée par Aziz Akhannouch arrive à surmonter le déficit de 84 sièges qu’il compte actuellement sur le Parti de la justice et du développement (PJD) à la Chambre des représentants.

Et ce, même en fusionnant avec l’Union constitutionnelle (UC), avec qui il constitue, depuis les législatives du 7 octobre 2016, un seul et même groupe parlementaire -qui, avec 59 sièges, reste quand même encore loin du PJD et ses 124 sièges mais aussi du Parti authenticité et modernité (PAM), 102 sièges à son actif et deuxième force politique du Maroc. Mais la donne a donc changé, et M. Akhannouch, que l’ancien secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, accusait en février 2018 de se voir trop vite Chef du gouvernement -“Quelle voyante [le] lui a dit?”, l’avait-il invectivé-, peut aujourd’hui légitimement aspirer à prendre les commandes, à l’issue des prochaines législatives, de la primature.

Il serait bien sûr hasardeux de se risquer à faire des projections et le fait que les sondages d’opinion soient interdits n’aide pas non plus, mais on peut signaler que si c’est l’actuel quotient qui avait cours en 2016, le RNI en serait au minimum au nombre de députés dont il disposait au cours de la précédente législature, soit une bonne cinquantaine d’élus. Tandis que le PJD s’attend d’ores et déjà, lui, à perdre quelque quarante sièges. Mais bien évidemment, l’objectif de M. Akhannouch est de faire désormais bien mieux, et c’est d’ailleurs la mission pour laquelle il avait été rappelé par le RNI pour prendre la relève de Salaheddine Mezouar, démissionnaire suite à la débâcle des législatives -douze sièges perdus, si l’on n’inclut pas les trois sièges récupérés aux partielles.

Le Maroc en otage
Reconduit début janvier 2012 au sein du gouvernement Abdelilah Benkirane à la tête du ministère de l’Agriculture, dont il occupe le maroquin depuis le 15 octobre 2007, celui qui est également homme d’affaires et président de la holding Akwa Group avait alors pris ses distances avec le parti, qui ne figurait pas encore à l’époque dans la majorité -il n’allait la rejoindre qu’à partir d’octobre 2013, après que le Parti de l’Istiqlal (PI) s’en fut retiré. M. Akhannouch annonçait même, fin mai 2016, sa retraite politique, mais il avait décidément toujours à coeur d’apporter sa pierre à l’édifice. Et aussi, et surtout sans doute, de barrer la route à la déferlante islamiste représentée par le PJD.

Car comme le soulignait, dans un texte publié fin septembre 2020, un éditorialiste de la place, “le PJD, à cause de son histoire, de ses positions, réelles ou présumées, reste dans l’inconscient des Marocains un élément de blocage”, allant jusqu’à conclure que le parti, “sans peut-être le vouloir, tient en otage l’évolution politique au Maroc”. “En 2016, nous avons mis 6 mois pour constituer un gouvernement. Le nouveau ministre de la Justice [Mohamed Ben Abdelkader] a retiré le projet de loi sur le code pénal, déposé par [Mustapha] Ramid. Même quand les urnes parlent, les acteurs politiques ne sont pas prêts à normaliser totalement avec le PJD,” rappelait-il.

C’est le PAM qui devait, en principe, faire barrage au parti de la lampe, arrivant même à en devenir l’ennemi honni et, à ses yeux, l’illustration de la soi-disant mainmise de l’administration sur le jeu politique, mais il n’y a pas réussi, le Printemps arabe ne l’aidant pas non plus à accomplir son destin -le PJD avait alors, de façon caricaturale, fait campagne en le taxant de singer le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) du président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali. Et puis, depuis la démission, le 7 août 2017, d’Ilyas Elomari du poste de secrétaire général, le PAM se trouve en proie aux querelles intestines.

Reste donc le RNI, qui contrairement au PAM peut, en plus, se prévaloir d’une expérience gouvernementale: en dehors de l’Agriculture par le truchement donc de M. Akhannouch, le parti dirige actuellement les départements de l’Economie (Mohamed Benchaâboun), de l’Industrie (Moulay Hafid Elalamy), du Tourisme et de l’Artisanat (Nadia Fettah Alaoui) et a, au cours de la dernière décennie, également eu en main les Affaires étrangères, la Justice, la Jeunesse et les Marocains résidant à l’étranger.

Et ce sont, soit dit en passant, les départements qui ont de l’avis général été les plus performants ou dont, en tout cas, les responsables sont les plus plébiscités, si l’on en croit du moins les sondages régulièrement publiés par le cabinet Sunergia. Qui plus est, le RNI peut se prévaloir d’avoir une véritable vision en termes par exemple de santé, d’éducation et d’emploi, qui selon les différentes études de terrain sont en ce moment les trois principales priorités des Marocains -M. Akhannouch avait même fait part, au cours de la troisième université d’été de la jeunesse du RNI tenue fin septembre 2019 dans la ville d’Agadir, de son ambition d’ajouter le ministère de la Santé à l’arc de son parti, avant que le choix ne tombe finalement, au sortir des négociations pour la formation du gouvernement Saâd Eddine El Othmani II, sur Khalid Aït Taleb.

Une véritable vision
Le PJD peut-il vraiment en dire autant? Ce n’est ainsi pas sans raison que ce dernier se sent menacé par le RNI et qu’il attaque à hue et à dia son président, comme ce fut avant le cas avec le PAM. Quand les stations Afriquia avaient fait l’objet, à partir de fin avril 2018, d’une campagne de boycott lancée sur les réseaux sociaux, beaucoup y avaient d’ailleurs vu une action concertée à l’encontre de la personne de M. Akhannouch de la part de la mouvance islamiste dans son ensemble; ce que l’École de guerre économique (EGE) de Paris avait, dans une analyse publiée fin septembre 2019, tenu pour vrai, estimant qu’il s’agissait là d’une véritable “campagne de déstabilisation informationnelle”.

Ayant touché près de 35.000 citoyens au cours de sa campagne “100 villes, 100 jours” et ambitionnant toujours de disposer d’un total de 400.000 encartés dans les prochains mois, le RNI a, sans nul, de quoi croire espérer un véritable raz-de-marée électoral cette année 2021...

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