
“Je choisis un objet et de ce fait il devient art”
Maroc Hebdo: Votre dernière exposition a pour titre “Objets trouvés”. Où étaient justement ces objets et où est ce que vous avez été les chercher?
Rita Alaoui: Les Objets étaient essentiellement dans leur milieu naturel, au bord ou au fond de la mer, autour des rivières, dans la forêt ou tout simplement sur le trottoir en bas de chez moi. Certains objets m’ont été rapportés par des amis qui savent mon penchant pour les formes sculptées par la nature. Quand je parle d’objets, cela concerne aussi des images que j’ai trouvées et que j’ai rapportées à l’atelier.
A travers votre travail, vous cherchez à capter les traces du passage du temps en capturant les indices de ce passage sur la nature. Quelle est la finalité de cette démarche?
Rita Alaoui: Il n’y pas de finalité particulière. Il s’agit plutôt d’un chemin qui m’emmène d’un objet à un autre, d’une histoire à l’autre, d’un endroit à un autre... D’un point de vue philosophique, ce serait peutêtre affronter la mort par petits bouts. Nous savons tous que le temps passe, mais lorsque cette preuve est visible sur un os qui a subi l’érosion de l’eau de mer, cela devient plus réel. Alors on se dit que l’on est vraiment mortel pour de vrai...
Qu’est-ce qui détermine la valeur artistique des objets que vous collectez ?
Rita Alaoui: Ce qui détermine cette valeur dont vous parlez, c’est le choix. Lors de mes promenades, je me penche vers le sol et, comme disait Miro, «il y a lorsque je me promène une force magnétique qui m’oblige à pencher la tête sur tel objet.» C’est comme avec les personnes que l’on croise, pourquoi est-ce que l’on va être attirés par certaines et pas d’autres; eh bien, je considère chaque objet comme une rencontre parce que j’ai senti une vibration que je ne saurais expliquer. La forme certainement, le côté mystérieux de la chose qui, hors-contexte, ne ressemble plus à ce qu’elle est vraiment. Je choisis donc un objet et, de ce fait, il devient art. C’est la manière de regarder un objet qui lui donne cette place.
Comment travaillez-vous?
Rita Alaoui: Je cherche, je trouve, je répertorie, j’assemble, je laisse germer, je lis, j’observe. Parfois, je ne cherche pas et je trouve. Je voyage, je fais des rencontres, je vais au musée, je m’intéresse à d’autres artistes, à d’autres formes d’art, j’écris. Disons que ma phase de recherche est toujours plus longue que ma phase de création pour le démarrage d’un projet. Une fois la machine lancée, cela continue à se faire simultanément.
Un mot sur l’espace d’art “The Ultra Laboratory”, que vous avez créé, au sein de votre atelier à Casablanca?
Rita Alaoui: Il s’agit d’une résidence pour artistes dont mon atelier fait partie. Le désir de partage et d’expérimentation m’a poussée à ouvrir les portes de mon atelier et à proposer à d’autres artistes, nationaux et internationaux, d’y venir pour y réaliser leur projet.
Les résidents viennent de un à trois mois et travaillent en toute liberté sur leur projet, qui a préalablement accroché mon attention. Nous faisons, à la fin du séjour, des restitutions de résidences ou des présentations au public sur les lieux mêmes, ou hors les murs dans un futur proche. Le rythme est assez lent, je ne tiens pas à accumuler les résidents ni les projets, cela se fait à son rythme, trois ou quatre artistes par année. Le format reste assez atypique et novateur sur la scène marocaine et rentre dans la lignée des espaces dits “artist run spaces”